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Cumul d’une pension et d’allocations de chômage : petit rappel

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 21 juin 2019, R.G. 18/141/A

Mis en ligne le vendredi 7 février 2020


Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), 21 juin 2019, R.G. 18/141/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 21 juin 2019, le Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai) examine l’incidence de la perception d’une pension étrangère accordée avec effet rétroactif, portant ainsi sur une période couverte par des allocations de chômage.

Les faits

Une assurée sociale, née en 1960, a, suite au décès de son mari (en juin 2014), pu bénéficier d’une pension de réversion française à partir du 1er mai 2015, chose dont elle a été informée le 7 septembre 2016.

Elle n’a pas déclaré cette pension mais n’émargeait plus au chômage au moment où elle a commencé à la percevoir (vu l’octroi avec effet rétroactif). L’ONEm prend une décision, le 27 novembre 2017, de l’exclure du droit aux allocations de chômage du 1er mai 2015 au 30 novembre 2015, en application de l’article 65 de l’arrêté royal organique. La récupération est ordonnée et un avertissement est donné, vu l’absence de déclaration requise.

La décision administrative est fondée sur l’article 65 de l’arrêté royal, selon lequel le chômeur qui peut prétendre à une pension complète ne peut bénéficier des allocations. S’il bénéficie d’une pension incomplète ou d’une pension de survie, il peut en bénéficier dans les limites de l’article 130 de l’arrêté royal. Des conditions sont cependant mises au maintien du droit aux allocations, étant que le chômage ne peut pas être causé par un arrêt (ou une diminution) de travail du fait du bénéfice de la pension et à la condition que le régime sur la base duquel la pension est accordée n’interdise pas le cumul de la pension avec les allocations ou ne subordonne pas le bénéfice de celle-ci ou son montant à des conditions qui limitent la disponibilité sur le marché de l’emploi.

Vu la perception d’une pension étrangère depuis le 1er mai 2015 et l’absence de déclaration, l’ONEm conclut à la récupération.

La décision du tribunal

Reprenant la disposition de l’article 65 de l’arrêté royal, le tribunal, faisant application de l’autorisation de cumul prévue à l’article 130 (étant que le montant journalier des allocations doit être diminué de la partie du montant journalier de la pension qui excède 13,46 euros), rappelle que la possibilité de percevoir en même temps une pension incomplète et des allocations de chômage est de droit, aucune obligation préalable d’information ou aucune autorisation n’étant requise par la disposition.

Il ne s’agit pas d’une hypothèse de cumul tel que prévu à l’article 48 de l’arrêté royal pour l’exercice d’une activité accessoire, le texte imposant, dans ce cas, une obligation d’information préalable. De même, le tribunal considère qu’aucun parallélisme ne peut être fait avec l’obligation de résidence en Belgique, hypothèse dans laquelle l’absence de communication d’un déménagement peut influencer l’octroi des allocations, dans la mesure où elle peut être de nature à empêcher le contrôle.

Par contre, la perception d’une pension incomplète n’est pas une condition d’accès à l’assurance chômage.

Cependant, l’article 134, § 1er, de l’arrêté royal contient une obligation générale d’information (le chômeur devant introduire auprès de son organisme de paiement un nouveau dossier contenant tous les documents nécessaires pour statuer sur son droit et fixer le montant des allocations lorsque – 2° –, en cours de chômage, un événement modificatif est survenu qui est de nature à influencer le droit ou le montant des allocations).

Une sanction est prévue (article 153) en cas de non-respect de cette obligation générale, étant une exclusion pendant une période de 4 semaines au moins et de 13 semaines au plus, s’il y a omission de déclaration requise ou déclaration tardive.

Le tribunal relève à propos de cette obligation que le montant de la pension de réversion n’était pas de nature à avoir un impact sur celui des allocations de chômage, les limites de l’article 130 de l’arrêté royal étant respectées. Dès lors que la déclaration n’est pas une condition d’octroi des allocations et qu’en l’espèce, elle n’avait pas d’impact sur la hauteur de celles-ci, le droit aux allocations ne pouvait être refusé pour la période concernée.

Le tribunal conclut également à la non-récupération des allocations.

Enfin, dès lors que, lorsqu’au moment de la perception de la pension de réversion, l’intéressée ne dépendait plus de l’assurance chômage, il considère qu’il ne peut lui être reproché une violation de l’obligation d’information générale mise à charge des chômeurs par l’article 134.

Il fait dès lors droit au recours dans sa totalité, annulant la décision administrative dans toutes ses dispositions.

Intérêt de la décision

L’espèce jugée par le tribunal soulève deux questions.

La première est la règle de cumul entre des allocations de chômage et une pension, question réglée à l’article 65 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Sont considérées comme pension, au sens de cette disposition (§ 3), les pensions de vieillesse, de retraite, d’ancienneté ou de survie, ainsi que tous autres avantages en tenant lieu accordés par ou en vertu d’une loi belge ou étrangère ou par un organisme de sécurité sociale, un pouvoir public, un établissement public ou d’utilité publique, belge ou étranger.

L’article 130 fixe le montant journalier maximum pouvant être cumulé avec les allocations de chômage. Cette règle de cumul vise à la fois le chômeur qui exercice une activité accessoire, celui qui exerce un mandat (politique ou mandat de président d’un C.P.A.S.) ou qui bénéficie d’une pension incomplète suite à l’exercice d’un tel mandat, ou d’une prestation en vertu d’une incapacité de travail ou d’une invalidité – régime belge AMI –, ou encore qui bénéficie d’une pension au sens de l’article 65, § 2.

Par ailleurs, le tribunal a rappelé, dans son jugement, que figure dans la réglementation une obligation générale pour tout chômeur de signaler tout événement modificatif survenu de nature à influencer le droit aux allocations ou le montant de celles-ci.

Le non-respect de cette obligation générale entraîne un risque d’exclusion des allocations pour une période de 4 à 13 semaines. Cette exclusion vaut si le chômeur a fait une déclaration inexacte ou incomplète, ou s’il a omis de faire une déclaration (autre que celle prévue à l’article 134, § 3, selon lequel, en cours de chômage, le chômeur doit également déclarer à son organisme de paiement toute modification dans les données nécessaires à la gestion de son dossier et qu’il a renseignées sur les documents précédemment introduits) ou a fait cette déclaration tardivement.

La déclaration de l’article 134, § 3, n’est dès lors pas visée par cette disposition.


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