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Conclusion d’un contrat de travail à temps partiel pendant une période de chômage : statut du chômeur ?

Commentaire de Cass., 20 mai 2019, n° S.17.0004.F

Mis en ligne le vendredi 29 novembre 2019


Cour de cassation, 20 mai 2019, n° S.17.0004.F

Terra Laboris

Par arrêt du 20 mai 2019, la Cour de cassation donne l’interprétation à réserver à la combinaison des articles 27, 1°, 29, §§ 2 et 2bis, ainsi que § 4, et 131bis, de l’arrêté royal organique : le bénéficiaire d’allocations au titre de chômeur complet sur la base d’une activité à temps plein et qui conclut un contrat de travail à temps partiel sans remplir les conditions du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits ne peut plus être considéré comme chômeur complet et ne peut dès lors bénéficier des allocations pour les jours pendant lesquels il ne travaille pas en vertu de son contrat de travail.

Objet du pourvoi

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 19 octobre 2016, qui avait admis que conservait le statut de chômeur complet sur la base d’une activité à temps plein le travailleur qui avait conclu un contrat de travail à temps partiel sans remplir les conditions du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits.

La Cour casse l’arrêt.

Rappel des faits

Un travailleur avait bénéficié des allocations de chômage en tant que chômeur complet, et ce sur la base d’une activité à temps plein à partir du 5 septembre 2011. Il fut ensuite engagé à temps partiel dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, pour des prestations trois jours par semaine. L’ONEm effectua une enquête et il s’avéra, sur la base des déclarations de l’intéressé, qu’il travaillait effectivement trois jours par semaine et noircissait les cases correspondantes. Il précisa ultérieurement que son occupation était en fait irrégulière, des périodes de creux se présentant et le laissant sans travail pendant plusieurs semaines.

L’ONEm prit une décision, considérant qu’il ne pouvait pas avoir le statut de chômeur complet mais bien celui de chômeur à temps partiel. Il rappelait dans sa décision que, lorsqu’un travailleur est occupé à temps partiel, il ne peut plus bénéficier d’allocations de chômage complet pour toute la période se trouvant dans la période contractuelle. L’intéressé aurait ainsi dû bénéficier du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits et de l’allocation de garantie de revenus, le chômeur ayant par ailleurs l’obligation d’avertir son organisme de paiement du travail à temps partiel. A défaut, il devait être considéré comme travailleur à temps partiel volontaire.

Le Tribunal du travail de Bruxelles ayant déclaré l’action partiellement fondée par jugement du 27 février 2015, l’ONEm interjeta appel et l’affaire vint devant la Cour du travail.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 19 octobre 2016 (R.G. 2015/AB/275)

Sur l’exclusion prononcée par l’ONEm, la cour considéra que, dans la mesure où l’intéressé avait biffé sa carte de contrôle pour les jours non prestés, les jours d’activité n’avaient ainsi pas été indemnisés et il n’y avait pas de cumul entre des allocations et les revenus de l’activité exercée. La cour considéra que l’intéressé ne pouvait dès lors être exclu du bénéfice des allocations de chômage.

Renvoyant à diverses décisions de la même cour, elle considéra qu’il n’avait pas perdu la qualité de chômeur complet, le chômeur complet au sens de l’article 27, 1°, de l’arrêté royal devant être non seulement celui qui n’est pas lié par un contrat de travail, mais aussi, pour les heures pendant lesquelles il ne travaille pas habituellement, le travailleur à temps partiel visé à l’article 9 de l’arrêté royal organique. La cour considéra que, contrairement à ce que soutenait l’ONEm, l’article 29 ne vise pas que les travailleurs à temps partiel avec maintien des droits, mais également (§ 4) les travailleurs à temps partiel qui n’ont pas ce statut.

Pour la cour, l’intéressé avait été admis sur la base d’une activité à temps plein et il avait droit aux allocations de chômage pour tous les jours de la semaine, sauf pour ses jours de travail. Elle considéra qu’il n’y avait pas lieu, eu égard au texte des articles 44, 45 et 71 de l’arrêté royal, de faire une distinction parmi les chômeurs complets qui exécutent des prestations de travail en les mentionnant sur leur carte de contrôle entre ceux qui disposent d’un contrat de travail à temps partiel écrit et ceux qui travaillent sans contrat de travail, concluant sur ce point qu’il serait particulièrement inéquitable de soumettre les chômeurs qui travaillent dans le cadre d’un contrat écrit à un régime plus strict que ceux qui travaillent dans un cadre « informel », en imposant aux premiers et non aux seconds de solliciter le statut de chômeur à temps partiel avec maintien des droits et demande d’allocation de garantie de revenus.

Le pourvoi

S’appuyant sur l’article 44 de l’arrêté royal, le pourvoi considère que le travailleur à temps plein qui choisit volontairement de ne plus travailler qu’à temps partiel ne peut, en règle, bénéficier d’allocations de chômage pour la partie de son temps normal de travail à temps plein pendant lequel il a décidé de ne plus travailler. Le travailleur à temps partiel volontaire peut, conformément à l’article 103 de l’arrêté, bénéficier en cas de chômage complet de demi-allocations pour les heures où il était habituellement occupé. L’article 27, 1°, définit par ailleurs le chômeur complet comme a) le chômeur qui n’est pas lié par un contrat de travail et b) le travailleur à temps partiel visé à l’article 29 pour les heures pendant lesquelles il ne travaille pas habituellement, cette dernière disposition distinguant le travailleur à temps partiel avec maintien des droits (§§ 2 et 2bis) et le travailleur à temps partiel qui ne remplit pas les conditions pour bénéficier de ce statut, étant réputé travailleur à temps partiel volontaire (§ 4).

Le chômeur à temps partiel volontaire ne peut bénéficier des allocations que dans les limites de l’article 103 ci-dessus, le travailleur à temps partiel avec maintien des droits pouvant, pendant la durée de son occupation à temps partiel, pour les heures de chômage complet, uniquement prétendre à une allocation de garantie de revenus s’il satisfait à certaines conditions.

Dès lors que, en conséquence, un chômeur est occupé dans les liens d’un contrat de travail à temps partiel, il ne lui suffit plus de compléter les cases de sa carte de contrôle en faisant apparaître les jours où il a effectué un travail. Il faut distinguer deux situations : soit il remplit les conditions de l’article 29, §§ 2 et 2bis, et peut obtenir le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits (hypothèse dans laquelle il peut prétendre à une allocation de garantie de revenus s’il satisfait aux conditions réglementaires), soit il ne remplit pas ces conditions et il est réputé travailleur à temps partiel volontaire, conformément à l’article 29, § 4, et il ne peut prétendre à aucune allocation pendant la durée de son occupation, ne pouvant bénéficier de demi-allocations pour les heures où il était habituellement occupé qu’à la fin de son occupation s’il devient chômeur complet. A défaut d’avoir sollicité le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits et le bénéfice de l’allocation de garantie de revenus, le chômeur à temps partiel perd pendant cette occupation la qualité de chômeur complet.

La décision de la Cour

La Cour reprend les principes contenus aux articles 44, 27, 1°, 29, §§ 2 et 2bis, ainsi que § 4, et 131bis, de l’arrêté organique pour conclure qu’il suit du rapprochement de ces dispositions que, durant la durée de son occupation, le travailleur à temps partiel volontaire ne peut être tenu pour un chômeur complet au sens de l’article 27, 1°, b), de l’arrêté royal et qu’il ne peut prétendre à aucune allocation pour les heures pendant lesquelles il ne travaille pas habituellement. L’arrêt qui en a décidé autrement viole les dispositions légales précitées.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour de cassation donne un coup d’arrêt à la jurisprudence (émanant essentiellement de la Cour du travail de Bruxelles) qui avait admis le maintien du statut de chômeur complet dans cette hypothèse. La cour du travail avait renvoyé à trois arrêts rendus, les 5 novembre 2014 (R.G. 2013/AB/37), 7 septembre 2011 (R.G. 2006/AB/48.372 – précédemment commenté) et 25 novembre 2010 (R.G. 2009/AB/52.311). La lecture de ces arrêts devra dès lors intervenir à la lumière de l’enseignement de la Cour de cassation dans sa décision du 20 mai dernier.


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