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Activité pendant le chômage : petit rappel

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 17 décembre 2018, R.G. 16/6.423/A

Mis en ligne le jeudi 31 octobre 2019


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 17 décembre 2018, R.G. 16/6.423/A

Terra Laboris

Par jugement du 17 décembre 2018, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a rappelé ce qu’il faut entendre par travail au sens des articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, notion différente en cas de travail pour compte propre ou pour compte de tiers.

Les faits

En avril 2013, une travailleuse s’inscrit au chômage et sollicite le bénéfice des allocations au taux charge de famille.

Près de deux ans plus tard, l’intéressée est désignée en qualité de trésorière d’une association de fait (club de sport) lors de sa constitution.

Un contrôle est effectué (agent de police et inspecteurs sociaux) dans ce centre sportif et il est constaté que plusieurs personnes y sont occupées. L’intéressée n’est pas présente mais, vivant dans le même immeuble, elle se manifeste. Son ex-époux, contacté, expose qu’il est administrateur d’une A.S.B.L. en liquidation et que la nouvelle A.S.B.L. est en cours de constitution, la gestion de la salle de sport étant en attendant assurée par une association de fait.

L’intéressée sera convoquée à une audition aux fins de s’expliquer sur un fait, étant qu’elle n’a pas noirci sa carte de contrôle pour ses activités d’administratrice de l’A.S.B.L. en liquidation et pour l’association de fait. Elle déclare faire partie des membres de ladite A.S.B.L. en tant que présidente mais n’ayant plus – et ce depuis bien avant la liquidation – exercé aucune activité au sein de celle-ci. La seconde A.S.B.L. a été constituée depuis le contrôle et elle expose ne plus faire partie des membres de celle-ci. La chose serait d’ailleurs, selon ses explications, impossible matériellement, dans la mesure où elle suit des cours depuis deux ans. Pour ce qui est du jour de l’inspection, elle confirme qu’elle n’était pas présente dans les lieux mais qu’elle est descendue de chez elle et s’est présentée aux inspecteurs.

Les explications données sont confirmées par des documents, en ce qui concerne les cours suivis et l’absence d’implication dans la nouvelle A.S.B.L.

L’ONEm prend cependant, suite à cette audition, une décision d’exclusion du bénéfice des allocations de chômage pour la période considérée, ainsi que de récupération des allocations perçues indûment. Une exclusion pour l’avenir, pendant une période de vingt-sept semaines, est également décidée en application de l’article 154, alinéa 3, de l’arrêté royal organique.

L’ONEm considère notamment dans sa décision que l’intéressée n’a pas déclaré au préalable son activité et qu’elle ne prouve pas que celle-ci ne lui a pas procuré de rémunération ou d’avantages matériels. Il s’agit pour l’Office de travail au sens de l’article 45 de l’arrêté royal. L’intéressée n’était dès lors pas privée de travail et de rémunération.

En outre, il est considéré qu’il y a intention frauduleuse, celle-ci étant établie par le fait qu’elle a effectué une activité professionnelle sans l’indiquer sur sa carte de contrôle, et ce alors que les obligations à cet égard y sont bien mentionnées. L’ONEm considère encore qu’elle a fait l’objet d’une sanction administrative pour travail non déclaré pour le compte de la même société et qu’elle peut d’ailleurs être poursuivie pénalement. Le dossier est ainsi transmis à l’auditeur du travail. Pour ce qui est de la durée de la sanction, celle-ci est motivée par le fait qu’elle n’était pas déclarée en Dimona et que les instructions concernant la tenue de la carte de contrôle sont clairement mentionnées sur celle-ci, de telle sorte qu’elle ne pouvait les ignorer.

La position des parties devant le tribunal

La demanderesse expose l’historique de l’A.S.B.L., initialement constituée en 2006. Elle expose y avoir travaillé comme salariée jusqu’en avril 2013 et avoir commencé des études d’infirmière à temps plein en septembre de cette année. Cette A.S.B.L. a été dissoute en janvier 2015 et elle avait, à la même époque, remis sa démission. Elle précise ne jamais avoir perçu de rémunération (en dehors de celle relative à son activité de salariée). A l’époque, vu la dissolution de l’association, une association de fait fut constituée avec le même but et elle y a été reprise comme trésorière, mais ce pendant très peu de temps, ayant démissionné dans le courant du même mois. Pour ce qui est de l’A.S.B.L., qui prendra la suite de cette association de fait, elle n’en fait pas partie. Elle fait, en conséquence, valoir sa bonne foi et demande l’annulation de la décision litigieuse, considérant par ailleurs que l’article 154, alinéa 3, de l’arrêté royal ne peut lui être appliqué, puisqu’elle ne travaillait pas.

Quant à l’ONEm, il postule la confirmation de sa décision.

L’avis de l’auditeur du travail

Pour l’auditeur du travail, il y a deux périodes à retenir, étant d’abord celle où la salle de sport est gérée par une association de fait et, ultérieurement, celle après la constitution de l’A.S.B.L. Pour la première période, dans la mesure où l’intéressée percevait les cotisations des membres en tant que trésorière, il y a eu activité au sens de l’article 45. Pour la seconde, la preuve d’une activité fait défaut. Pour ce qui est de la sanction, le Ministère public estime que l’article 154, alinéa 1er, doit s’appliquer mais que la sanction doit être ramenée à huit semaines, vu l’absence de tout antécédent.

La décision du tribunal

Le tribunal reprend les principes, tant pour ce qui est de l’exercice d’un travail pour compte de tiers que sur l’étendue de la récupération et la sanction applicable.

Il rejoint l’avis de l’auditeur du travail pour ce qui est de l’existence de deux périodes. Pour la première, pendant laquelle il y a association de fait, il constate qu’est confirmée une démission intervenant très rapidement après la désignation en tant que trésorière et qu’il y a absence de rémunération ou d’avantages en nature perçus.

Dans la mesure où, par ailleurs, l’Office considère que la période litigieuse débute à la liquidation de la première A.S.B.L., il considère qu’il n’y a pas lieu de s’intéresser à la période antérieure.

Pour ce qui est de la gestion du club par l’association de fait, le tribunal conclut que l’ONEm ne démontre pas à suffisance l’existence d’une activité pour compte propre. De même, pour la période ultérieure, où l’A.S.B.L. a été constituée, la même conclusion s’impose.

Le recours est dès lors accueilli et les décisions de l’ONEm sont annulées.

Intérêt de la décision

Le tribunal a rappelé dans cette affaire la notion de travail au sens de l’article 45 de l’arrêté royal organique, qui distingue deux types d’activités (activité pour compte propre et activité pour compte de tiers), pour lesquelles des critères différents sont retenus par la réglementation.

Si, dans le cas d’une activité effectuée pour compte propre, le fait de percevoir ou non une rémunération n’est pas le critère légal permettant de déterminer si celle-ci peut être considérée comme travail au sens de l’article 44, ce critère ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’une activité effectuée pour compte de tiers, celle-ci étant considérée comme un travail si elle procure une rémunération ou un avantage matériel au chômeur. Le tribunal a renvoyé ici à la doctrine de M. PALUMBO (M. PALUMBO, « Le caractère involontaire du chômage : absence de travail, incompatibilité ou complémentarité ? », in J.-F. NEVEN et S. GISLON (coord.), La réglementation du chômage : 20 ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, Kluwer, 2011, p. 56).

C’est dès lors très logiquement que le tribunal s’est attaché à la recherche de l’existence d’une rémunération ou d’un avantage matériel. Il a procédé à cet égard à l’examen des extraits de compte que l’intéressée avait – très utilement donc – déposés.


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