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Contrat de formation-insertion : qui peut licencier le stagiaire ?

Commentaire de C. trav. Mons, 8 janvier 2019, R.G. 2018/AM/13

Mis en ligne le lundi 23 septembre 2019


Cour du travail de Mons, 8 janvier 2019, R.G. 2018/AM/13

Terra Laboris

Par arrêt du 8 janvier 2019, la Cour du travail de Mons reprend les spécificités du Décret du 18 juillet 1997 du Conseil régional wallon relatif à l’insertion de demandeurs d’emploi auprès d’employeurs qui organisent une formation permettant d’occuper un poste vacant sur la question de la régularité du licenciement du stagiaire occupé.

Les faits

Un contrat de formation-insertion en entreprise est conclu en juillet 2014, aux fins de confier au travailleur des fonctions d’ouvrier polyvalent en matériels électriques. Ce contrat a une durée de 26 semaines (plus 4 semaines de vacances).

A l’issue de la première évaluation, le travailleur et l’employeur sont globalement satisfaits de la relation contractuelle et envisagent de poursuivre.

Un mois et demi plus tard, la société informe le FOREm de son souhait de mettre un terme au contrat, vu l’absence de motivation du travailleur, qui aurait par ailleurs laissé entendre qu’une autre possibilité d’engagement (à l’armée belge) lui était offerte.

Le FOREm marque accord avec la fin du contrat immédiatement, donnant comme motivation que le stagiaire a réussi les tests pour entrer à l’armée belge.

L’organisation syndicale du travailleur précise dans un courrier que la procédure d’engagement à l’armée belge n’a pas été poursuivie, vu que l’intéressé était pleinement satisfait de son contrat de formation-insertion et que la décision prise l’a été sans l’auditionner.

Le stagiaire introduit une procédure devant le tribunal du travail, demandant la condamnation solidaire du FOREm et de l’entreprise au paiement de primes d’encouragement jusqu’à la fin du contrat, ainsi que des dommages et intérêts.

Il est débouté de sa demande par jugement du 13 octobre 2017.

Il interjette appel.

La décision de la cour

La cour reprend les obligations des parties dans le cadre de ce type de contrat, organisé par le Décret du 18 juillet 1997 du Conseil régional wallon relatif à l’insertion de demandeurs d’emploi auprès d’employeurs qui organisent une formation permettant d’occuper un poste vacant.

Parmi les obligations de l’employeur, figurent celles de former le travailleur et de ne pas lui confier des tâches non prévues dans le programme de formation. Il doit également l’occuper dans les liens d’un contrat dans la profession apprise, à l’issue de celui-ci, et ce pour une durée égale. Quant au stagiaire, il doit suivre la formation avec assiduité, respecter les horaires, ne pas s’absenter et remplir diverses obligations annexes.

La fin du contrat est prévue dans les hypothèses visées à l’article 3, étant (i) l’arrivée du terme, (ii) la faillite ou la cessation de l’activité de l’entreprise ou (iii) la décision de l’administrateur général ou de son représentant du FOREm, rupture qui peut intervenir à n’importe quel moment de la formation.

L’arrêté du Gouvernement wallon du 14 novembre 2007, portant exécution de ce décret, précise pour cette dernière hypothèse que sont visés trois cas : (i) l’inaptitude du stagiaire, (ii) le non-respect par l’employeur de ses obligations et (iii), pour le stagiaire peu qualifié, les résultats de son évaluation.

Le chef d’entreprise ne peut mettre un terme à la formation, le FOREm ayant seul cette compétence. Même en cas de motif légitime, le chef d’entreprise qui procéderait à une telle rupture commettrait une faute susceptible d’emporter le droit à des dommages et intérêts. La cour reprend la doctrine à cet égard (L. DEAR et M. DAVAGLE, « Le contrat de formation-insertion en entreprise : une réglementation incertaine aux conséquences méconnues », J.T.T., 2008, p. 361).

La cour constate que le FOREm impute la rupture à la société (défaillante). Elle relève que, dans un courriel adressé au FOREm, celle-ci avait précisé qu’elle « souhaiterait » arrêter le contrat à une date déterminée « dernier jour de travail ». Dans la mesure où il n’est pas certain que cette date soit le dernier jour des prestations, ni que la prime d’encouragement n’a plus été versée après celle-ci, la cour estime devoir entendre les parties (étant le travailleur et la société) en application des articles 992 et suivants du Code judiciaire. Il est également demandé, conformément à l’article 877 du même Code, de déposer la fiche de paie du mois correspondant et la déclaration de sortie « Dimona ».

La comparution personnelle est ainsi ordonnée, la société devant comparaître par son gérant ou par la personne à laquelle sa représentation dans les actes judiciaires aurait le cas échéant été déléguée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt renvoie aux spécificités du contrat de formation-insertion en entreprise, dont il rappelle les règles essentielles, celui-ci contenant des obligations précises dans le chef de l’employeur et dans le chef du stagiaire. C’est cependant le rôle du FOREm qui est au centre des débats, puisque, comme souligné par la cour, seul celui-ci peut mettre un terme au contrat, l’employeur n’était pas autorisé à le faire. La doctrine citée a confirmé que, dans une telle hypothèse, même à l’appui d’un motif légitime, la société manque à l’obligation souscrite lors de la signature du contrat et que la faute commise donne lieu à l’octroi de dommages et intérêts.

La convention prévoit que, pendant son occupation, le stagiaire reste inscrit comme demandeur d’emploi et continue le cas échéant à bénéficier d’allocations de chômage ou d’insertion, ou encore du revenu d’intégration sociale. Il peut bénéficier de diverses primes et indemnités à charge de l’employeur (prime d’encouragement et indemnité pour frais de mission) et du FOREm (indemnité pour frais de déplacement et indemnité de compensation).

Dans sa demande, le travailleur a sollicité le paiement de la prime d’encouragement prévue par le texte ainsi que des dommages et intérêts pour une période postérieure à la durée de la convention, couvrant la durée probable du contrat de travail qui aurait dû lui succéder. Ces dommages et intérêts sont de l’ordre de 3.500 euros et ne sont pas autrement détaillés quant à leur calcul.

Rappelons à cet égard un jugement du Tribunal du travail de Liège (division Huy) du 18 janvier 2019 (R.G. 16/1.065/A – précédemment commenté), qui a statué sur le cumul (ou non) de l’octroi des diverses indemnités, en cas de rupture du contrat de formation-insertion dans l’hypothèse d’une faillite, cumul avec les allocations de chômage qui ont été perçues. Dans cette affaire, le tribunal y a considéré que les primes d’encouragement (réclamées ici) sont cumulables avec les allocations de chômage, s’agissant d’indemnités qu’il a estimées couvrir un dommage moral, étant un encouragement moral à échapper au chômage.

Affaire à suivre donc…


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