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Prestations familiales garanties : un cas d’application en cas de déplacement au sein de l’Union européenne

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 2 avril 2019, R.G. 17/4.821/A

Mis en ligne le vendredi 30 août 2019


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 2 avril 2019, R.G. 17/4.821/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 2 avril 2019, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles reprend les conditions légales permettant de bénéficier des prestations familiales garanties, ayant par ailleurs égard au fait qu’en cas de déplacement au sein de l’espace européen, il y a lieu d’examiner les conditions requises comme si l’enfant résidait en Belgique.

Les faits

Une mère de deux enfants, séparée de fait de leur père, introduit une demande de paiement anticipé pour une allocation de naissance garantie pour un enfant à naître, la naissance étant prévue le 1er avril 2016. La demande est faite le 16 février 2016.

Le paiement n’intervient pas et, après la naissance de l’enfant en Italie (le père – italien – vivant et travaillant dans ce pays), la mère revient trois semaines plus tard, avec son fils. Elle demande auprès des autorités de la Commune d’Anderlecht l’attribution de la nationalité belge pour son fils, ce qui est accordé. L’enfant est inscrit dans les registres de la population dès le 25 mai 2016.

Près d’un an plus tard, FAMIFED prend une décision, refusant l’octroi des prestations familiales garanties (en ce compris l’allocation de naissance) pour la période entre la naissance et la date à laquelle la nationalité belge a été accordée.

La motivation de la décision de FAMIFED vise l’absence d’inscription de l’enfant aux registres de la population pour la période considérée, ce qui, pour l’Agence, implique que la condition de résidence en Belgique n’est pas remplie et qu’en conséquence, les prestations familiales garanties ne peuvent être accordées pour cette courte période, l’allocation de naissance ne l’étant pas davantage.

L’Agence précisera, plus tard, que l’enfant a fait partie du ménage à partir de la date du 25 mai (date d’inscription) et qu’il ne peut être considéré à charge de sa mère qu’à partir de celle-ci. Le droit aux prestations est ouvert à partir du 1er du mois qui suit. Il s’agit de la condition de charge exclusive ou principale de l’enfant (article 1er, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1971).

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles, demandant à celui-ci de dire pour droit qu’elle peut bénéficier de l’allocation de naissance ainsi que des prestations familiales garanties pour la période contestée.

La décision du tribunal

Le tribunal reprend, en premier lieu, l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1971, ainsi que ses alinéas 4 et 5, de même que l’article 2, alinéa 1er, 1°.

Ces dispositions prévoient que les prestations familiales garanties sont accordées pour des enfants qui résident effectivement en Belgique (article 2, alinéa 1er, 1°) en faveur d’un enfant qui est exclusivement ou principalement à charge d’une personne physique qui réside en Belgique (article 1er, alinéa 1er) et qu’est considéré comme étant principalement à charge de cette personne l’enfant pour lequel celle-ci supporte plus de la moitié du coût d’entretien. La personne est présumée remplir cette condition jusqu’à preuve du contraire, en cas d’inscription au registre de la population, au registre des étrangers ou au registre national des personnes physiques.

Pour le tribunal, la résidence temporaire de la mère à l’étranger (moins de deux mois) ne fait pas obstacle à l’octroi des prestations familiales garanties.

La mère et l’enfant se sont déplacés au sein de l’Union européenne et il y a lieu de se reporter au Règlement européen n° 883/2004 sur la question. Pour ce qui est plus particulièrement des prestations familiales, son article 67 prévoit qu’une personne a droit aux prestations familiales, conformément à la législation de l’Etat membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre Etat membre, et ce comme si ceux-ci résidaient dans le premier Etat. Il faut dès lors examiner la situation comme si l’enfant résidait en Belgique.

Aucun droit n’étant ouvert en Italie, qui serait prioritaire, la question à régler est de vérifier la loi belge et, particulièrement, la condition de charge de l’enfant.

Il y a présomption légale, comme le rappelle le tribunal, si l’enfant est inscrit dans le ménage et celle-ci est réfragable. La présomption va en l’espèce jouer à partir de la date d’inscription de l’enfant, ce qui n’est pas contesté. Pour ce qui est de la période antérieure, la mère ne peut se prévaloir de cette présomption mais peut établir par des éléments probants qu’elle remplit la condition de prise en charge, ce que le tribunal retient comme établi, eu égard aux pièces déposées. Il est notamment avéré que la mère a allaité son enfant, et ce également pendant le séjour en Italie. L’enfant peut dès lors être considéré comme ayant été à charge de sa mère dès sa naissance.

Enfin, pour ce qui est de l’allocation de naissance, pour laquelle le droit s’ouvre dès que la grossesse a duré au moins 180 jours, son montant pouvait être obtenu au plus tôt deux mois avant la date probable de la naissance. La demande de paiement ayant été réceptionnée, les conditions cumulatives pour ouvrir le droit aux prestations garanties étant remplies, l’allocation de naissance est due. Il est également fait droit à cette demande.

Intérêt de la décision

Comme le souligne le tribunal, au départ de son raisonnement, cette affaire doit être examinée eu égard aux garanties du Règlement européen n° 883/2004, la mère (belge) et son fils (italien à ce moment) s’étant déplacés au sein de l’Union européenne. Le mécanisme de protection est repris, tant pour ce qui est du champ d’application personnel que matériel, ainsi que la loi applicable, dont est rappelé le principe de l’unicité de celle-ci.

Les prestations familiales étant visées au titre de prestations de sécurité sociale faisant l’objet des mesures de coordination, le tribunal a rappelé qu’il y a lieu de traiter les personnes qui ont droit à celles-ci, conformément à la législation de l’Etat membre compétent, comme si les membres de sa famille résidaient dans cet Etat, même s’ils résident dans un autre Etat membre.

Le séjour temporaire, de très courte durée en l’espèce, a été à juste titre considéré comme sans incidence sur l’octroi des prestations familiales garanties par la loi du 20 juillet 1971.

Le tribunal rappelle encore très utilement la présomption légale de l’article 1er, alinéa 5, de celle-ci, en vertu de laquelle l’enfant est présumé être à charge du demandeur dès qu’il y a une inscription dans les registres. A défaut d’une telle inscription, il appartient à ce demandeur de prouver la réalité de cette prise en charge.


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