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Maladies professionnelles : suppression d’une maladie de la liste et demande d’aggravation

Commentaire de C. trav. Mons, 8 janvier 2019, R.G. 2018/AM/7

Mis en ligne le vendredi 30 août 2019


Cour du travail de Mons, 8 janvier 2019, R.G. 2018/AM/7

Terra Laboris

Par arrêt du 8 janvier 2019, la Cour du travail de Mons reprend l’évolution des textes qui ont modifié les conditions de réparation des maladies ostéo-articulaires provoquées par les vibrations mécaniques et rappelle que l’article 36, § 1er, des lois coordonnées consacre le principe des droits acquis dans l’hypothèse d’une demande d’indemnisation pour aggravation.

Rétroactes

La Cour du travail de Mons est saisie d’une demande de révision de l’indemnisation d’une maladie professionnelle pour laquelle elle a rendu un arrêt le 9 novembre 2019. Elle y a condamné le Fonds des Maladies Professionnelles (actuellement FEDRIS) à la réparation d’une maladie professionnelle sur la base d’un taux d’I.P.P. global de 13% (4% d’incapacité physique pour les membres supérieurs, 5% pour le rachis lombaire et 4% de facteurs socio-économiques). Une demande de révision a été introduite par l’intéressé le 7 janvier 2013, étant une demande en deux volets, l’un visant une aggravation de l’atteinte ostéo-articulaire des membres supérieurs et l’autre une aggravation progressive d’une lombalgie en sciatalgie.

Le F.M.P. prit deux décisions, l’une reconnaissant, à partir du 19 février 2013, une incapacité permanente de 13% (conforme au taux ci-dessus) et l’autre une incapacité permanente de 6%, soit 3% d’incapacité physique et 3% de facteurs socio-économiques. La première décision concerne l’affection lombaire qui avait été reconnue et dont le Fonds précise qu’elle a été supprimée de la liste et qu’en cas de suppression, la personne atteinte conserve ses droits à la réparation acquise, ne pouvant cependant prétendre au paiement d’allocations plus élevées en cas d’aggravation du dommage. La seconde fait droit à la demande de révision et a accordé une incapacité permanente de 6%.

Une contestation survient, à l’initiative du médecin-expert consulté par le travailleur, et le Fonds précise sa position, exposant avoir fait une erreur et annonçant une décision rectificative. Ceci intervient rapidement et deux décisions sont rendues, l’une maintenant le taux d’I.P.P. à 13% et l’autre considérant que le deuxième volet de la demande introduite est sans objet, la maladie pour laquelle il est demandé réparation étant déjà indemnisée.

Il n’est, ainsi, pas fait droit aux demandes de révision introduites par le travailleur, qui demande de faire constater une aggravation de son état.

Il introduit dès lors une procédure devant le Tribunal du travail de Mons.

La décision du tribunal

Le tribunal désigne un expert, à qui il confie deux missions, s’agissant de deux maladies distinctes inscrites dans la liste sous les codes 1.605.03 et 1.605.01.

L’expert dépose son rapport, dans lequel il conclut, pour la maladie 1.605.03, que l’intéressé continue à être atteint de celle-ci et que le taux d’incapacité doit être fixé à 4%. Pour l’autre maladie, inscrite sous le code 1.605.01, il y a également exposition au risque et le taux d’incapacité doit être fixé à 4%.

Le tribunal ordonne, par un deuxième jugement, un complément d’expertise, aux fins d’obtenir de l’expert qu’il précise l’existence d’une aggravation, si minime soit-elle. Il souhaite également être éclairé sur la question de savoir si cette aggravation peut être attribuée à l’état général de la victime (âge et écoulement du temps), ainsi que sur la date à laquelle l’aggravation a pris cours et le taux d’incapacité physique entraîné.

Le jugement est frappé d’appel, FEDRIS demandant que, pour chacune, soit retenu un taux de 4% d’I.P.P. au titre d’incapacité physique, les facteurs socio-économiques étant du même ordre.

La décision de la cour

La cour est amenée à vérifier la question de l’incidence de la suppression d’une maladie professionnelle de la liste ou de la modification de son libellé sur le droit à la réparation en cas d’aggravation.

L’arrêt constate qu’initialement, un seul code existait dans la liste dressée par l’arrêté royal du 28 mars 1969, étant les maladies ostéo-articulaires provoquées par les vibrations mécaniques.

Une modification est intervenue par arrêté royal du 2 août 2002, le code 1.605.01 étant scindé en 1.605.11 (affection ostéo-articulaire des membres supérieurs provoquée par des vibrations mécaniques) et 1.605.12 (affection de la colonne lombaire associée à des lésions dégénératives précoces provoquées par des vibrations mécaniques transmises au corps par le siège).

Ensuite, un arrêté royal du 27 décembre 2004 a supprimé le code 1.605.11 et a apporté sa définition au code 1.605.01, le code 1.605.12 devenant 1.605.03, avec un nouveau libellé (syndrome mono ou poly-radiculaire objectivé de type sciatique, syndrome de la queue de cheval ou syndrome du canal lombaire étroit – les hypothèses admises étant restrictives).

En cas de suppression de l’inscription d’une maladie de la liste, la loi prévoit que le droit à la réparation acquise est maintenu, sans préjudice cependant de toute autre disposition contenant la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles. Pouvoir est accordé au Roi de ne pas octroyer des allocations consécutives au décès ou à une révision des indemnités acquises pour une incapacité permanente (article 36, alinéa 1er, des lois coordonnées, inséré par l’article 29 de la loi du 13 juillet 2006). Est intervenu, dans ce cadre, un arrêté royal du 27 février 2007, relatif aux droits des victimes atteintes d’affections dorsales résultant d’une exposition à des vibrations mécaniques.

La cour rappelle qu’il découle de l’article 36, alinéa 1er, des lois coordonnées qu’existe une garantie intégrale des droits, à savoir qu’en cas de suppression de l’inscription d’une maladie de la liste ou de la modification de son libellé, la personne atteinte de la maladie conserve ses droits à la réparation acquise sur la base d’une demande antérieure.

Le Roi a en conséquence pu, par voie d’exception, mettre sur pied un régime particulier en cas d’aggravation de l’incapacité permanente (ou de décès), faculté concrétisée par l’arrêté royal du 25 février 2007.

La cour considère dès lors que la position de FEDRIS, selon laquelle le maintien de l’indemnisation accordée suppose que l’affection ne corresponde pas à la nouvelle définition de la maladie inscrite sous le nouveau code, ne peut être suivie. Ceci n’est pas en adéquation avec le principe des droits acquis consacré par l’article 36, alinéa 1er.

La cour en vient ensuite à l’examen du rapport d’expertise. Elle conclut que l’expert n’a pas valablement rencontré les observations du médecin de recours de la victime et qu’il n’a pas répondu de façon claire aux questions posées. Elle confirme dès lors la conclusion du premier juge, selon laquelle un complément d’expertise est nécessaire. Elle en limite cependant le libellé de la mission, celle-ci devant demander à l’expert de se prononcer clairement sur l’existence d’une modification de la capacité de travail provoquée en tout ou en partie par la maladie professionnelle. Si l’aggravation devait être admise alors qu’elle ne trouve pas sa cause exclusive dans la maladie professionnelle mais qu’elle pourrait également être attribuée à une cause étrangère (dégénérescence), il devrait également être établi qu’elle constitue une cause partielle de cette aggravation.

Intérêt de la décision

Les difficultés relatives à l’adoption des arrêtés royaux intervenue en 2002 et 2004 ont suscité de longs débats, précisément pour ce qui est des droits de la victime d’une maladie professionnelle dans le cadre d’une demande en aggravation.

La Cour du travail de Mons rappelle, dans cet arrêt du 8 janvier 2019, que l’article 36, alinéa 1er, des lois coordonnées consacre une garantie intégrale des droits. Il s’agit de droits acquis, dont le principe est clairement énoncé par la disposition légale visée : en cas de suppression de l’inscription d’une maladie de la liste ou en cas de modification du libellé de cette inscription, la victime conserve ses droits à la réparation acquise sur la base d’une demande antérieure. Le Roi a été habilité par voie d’exception à mettre sur pied un régime particulier en cas d’aggravation ou en cas de décès dû à la maladie professionnelle. En l’espèce, ceci est intervenu par un arrêté royal du 25 février 2007.


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