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Cohabitation avec un enfant qui travaille et taux des allocations de chômage

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 15 juin 2018, R.G. 17/4.449/A

Mis en ligne le mardi 26 février 2019


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 15 juin 2018, R.G. 17/4.449/A

Terra Laboris

Par jugement du 15 juin 2018, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles rappelle les règles en la matière. Elles sont contenues aux articles 110 de l’arrêté royal organique et 60 de l’arrêté ministériel.

Les faits

Suite à sa séparation avec son époux en 2011, une mère de famille bénéficie des allocations de chômage au taux « famille à charge », ayant deux enfants avec qui elle cohabite.

Sa fille perçoit, à partir de fin septembre 2012, des allocations d’insertion.

L’ONEm prend, en juin 2013, une décision d’exclusion pour la différence entre le taux « travailleur avec famille à charge » et le taux « cohabitant », pour une période de neuf mois. Est également infligée une sanction d’exclusion de quatre semaines.

L’intéressée complète, ensuite, un nouveau C1, déclarant une modification de sa situation familiale (perception des allocations de chômage par sa fille). Son fils restant cependant étudiant, l’organisme de paiement admet le paiement en code A et demande la levée de la sanction à l’ONEm (le fils étant aux études et la mère percevant des allocations familiales).

L’intéressée demande ensuite la révision de la décision. Ceci est accordé par courrier de l’ONEm du 22 août 2013, l’Office rappelant que la réglementation prévoit que le chômeur qui cohabite exclusivement avec un ou plusieurs enfants, pour autant qu’il ait droit aux allocations familiales pour au moins un enfant, peut être considéré comme travailleur ayant charge de famille. L’ONEm considère cependant qu’il n’est pas possible de revoir la décision pour le passé. L’ONEm retient dans cette nouvelle décision que la mère a déclaré que sa fille travaille. Des précisions sont ultérieurement données quant à la situation exacte du fils, qui a été engagé dans plusieurs contrats d’étudiant.

En 2017, l’ONEm, qui a été mis en possession de ces contrats, prend une nouvelle décision, décision contre laquelle un recours est introduit.

La décision du tribunal

Le tribunal pose la question au cœur du litige comme suit : il faut examiner si, nonobstant les revenus professionnels promérités par le fils, la mère pouvait conserver les allocations de chômage au taux « travailleur ayant charge de famille » à partir du 22 juillet 2013 (application des articles 110, § 1er, 2°, a) et 60, alinéa 3, de l’arrêté ministériel).

Pour le tribunal, il y a plusieurs périodes à examiner.

La première est celle pendant laquelle il y a eu perception d’allocations familiales (celle-ci s’étendant jusqu’au 30 novembre 2014). Pour cette période, l’intéressée avait droit allocations au taux « travailleur avec charge de famille », et ce quelle que soit la hauteur des revenus du fils.

Pour la période suivante, étant celle pour laquelle la mère n’a plus bénéficié d’allocations familiales, le tribunal renvoie à l’article 60, alinéa 3, de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991. Il faut, ici, et suivant le commentaire de l’ONEm – qui est rappelé par le tribunal au 10e feuillet du jugement –, vérifier si l’enfant suit ou non des études.

Les preuves d’inscription sont données pour trois années académiques (2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017). La prise en compte de l’exercice par le fils d’une activité professionnelle pendant celles-ci (et ce quelle que soit la hauteur des revenus professionnels) dépend de la question de savoir si les revenus ont été obtenus dans le cadre d’un contrat d’étudiant (conclu conformément à l’article 130ter de la loi du 3 juillet 1978) ou non.

Les contrats produits (relatifs aux années 2014 et 2015) sont des contrats d’occupation d’étudiant. Il n’y a dès lors pas lieu de tenir compte des revenus perçus par le fils pour cette période. Pour la période ultérieure, en l’absence de ce type de contrats, le tribunal estime qu’il faut examiner le montant des revenus professionnels perçus par le fils. Il constate que certaines périodes ont été déclarées à l’O.N.S.S. comme rémunération d’étudiant. Dès lors, il admet qu’elles sont présumées avoir été accomplies dans le cadre d’un contrat d’étudiant et qu’il ne faut pas en tenir compte.

Par contre, pour le deuxième semestre de l’année 2016, qui ne peut bénéficier de ce régime, la rémunération perçue doit être prise en compte. Elle est en l’espèce supérieure au plafond de l’article 60 de l’arrêté ministériel (402,14 euros). Pour cette période, la mère ne pouvait dès lors pas bénéficier d’allocations de chômage au taux « travailleur avec charge de famille ».

Le tribunal conclut dès lors que le taux doit être maintenu pour la période pour laquelle des allocations familiales étaient perçues ou du travail était effectué dans le cadre d’un contrat d’occupation d’étudiant. Par contre, l’exclusion doit être maintenue pour la période où le fils, qui n’était pas occupé dans le cadre d’un tel contrat, a perçu des revenus professionnels excédant le plafond autorisé. La limitation de la période de récupération est dès lors ordonnée. Le tribunal demande à l’ONEm d’effectuer un nouveau calcul pour celle-ci, rappelant encore qu’il dispose d’un délai de trois ans pour ordonner la récupération d’allocations indues.

Enfin, pour ce qui est de la sanction, le tribunal constate que l’intéressée a fait les déclarations en ce qui concerne la situation de son fils, mais que « idéalement », elle aurait dû déclarer les revenus professionnels au moment où elle a complété son C1 en juillet 2013. Le commentaire Riolex prévoit cependant que cette déclaration n’est pas obligatoire aussi longtemps que l’activité professionnelle de l’enfant ne fait pas obstacle à l’octroi du code CA. La mère aurait dès lors dû faire la déclaration à partir du deuxième semestre 2016 (qui correspond au début du travail effectué en dehors d’un contrat d’occupation d’étudiant). Il y a dès lors lieu à sanction, le tribunal réduisant celle-ci à huit semaines (existence d’une récidive).

Intérêt de la décision

Le Tribunal du travail francophone de Bruxelles fait un rappel clair des règles, dans une espèce présentant des caractéristiques régulières. La mère, bénéficiaire d’allocations de chômage, cohabite avec deux enfants, qui vont progressivement avoir des statuts différents quant à leur situation professionnelle.

C’est la question de la cohabitation avec un enfant étudiant qui est examinée par le tribunal. Rappelant le commentaire Riolex (www.onemtech.be), le tribunal conclut que le taux de « chômeur ayant charge de famille » doit être admis dès lors que des allocations familiales sont perçues ou qu’un contrat d’occupation d’étudiant est conclu par l’enfant avec qui le chômeur cohabite. Dans cette hypothèse de travail avec statut particulier, il n’y a pas de maximum aux revenus que l’étudiant peut percevoir. Tel n’est cependant pas le cas s’il travaille en dehors d’un tel contrat, la réglementation prévoyant à l’article 60 de l’arrêté ministériel un plafond.


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