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Allocation de remplacement de revenus : compatibilité d’une activité professionnelle et d’une reconnaissance de réduction de capacité de 66% ?

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Namur), 4 juin 2018, R.G. 16/1.238/A

Mis en ligne le jeudi 31 janvier 2019


Tribunal du travail de Liège (division Namur), 4 juin 2018, R.G. 16/1.238/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 4 juin 2018, le Tribunal du travail de Liège (division Namur) rappelle les termes de la circulaire du 28 février 2018 relative à l’évaluation de la perte de capacité de gain en vue de l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus pour personnes handicapées : le fait qu’une personne handicapée travaille, que ce soit dans une entreprise de travail adapté ou non, n’est pas un argument déterminant pour refuser la reconnaissance de la réduction de la capacité de gain à un tiers ou moins dans le régime de l’ARR.

Rétroactes

Le Tribunal du travail de Liège est saisi d’un recours contre une décision du SPF Sécurité sociale refusant l’octroi des allocations pour raisons médicales. Le SPF conteste en effet que l’intéressée ait une réduction de sa capacité de gain de 66% (ne donnant, ainsi, pas lieu à l’allocation de remplacement de revenus), ainsi qu’une absence de réduction d’autonomie de 7 points minimum (la privant, ainsi, de l’allocation d’intégration).

Un expert ayant été désigné par un jugement précédent, avec la mission de se prononcer sur les conditions médicales liées à l’octroi des deux allocations, le tribunal examine le bien-fondé de ses conclusions.

L’expert a en effet conclu à l’absence, en raison de l’état physique ou psychique de l’intéressée, d’une réduction de capacité de gain au moins de deux tiers. Par contre, il admet 7 points de perte d’autonomie, ce qui ouvre le droit à l’allocation d’intégration en première catégorie.

La décision du tribunal

Le tribunal constate que n’est plus litigieuse la question de l’allocation d’intégration, les parties marquant accord sur les conclusions de l’expert.

Se pose cependant la question de savoir si, pour obtenir le bénéfice de l’allocation de remplacement de revenus, il y a lieu ou non de tenir compte de l’emploi que l’intéressée occupe. Il s’agit d’un emploi adapté.

L’expert décrit les difficultés de celle-ci, victime d’un accident, et estime que, travaillant à temps partiel un jour sur deux, elle ne peut être considérée comme étant en incapacité de travail à plus de 66%.

Pour le tribunal, cette conclusion n’est pas nécessairement correcte, l’exercice d’une activité professionnelle n’étant pas incompatible avec l’existence d’une perte de la capacité de gain, sur le marché général du travail, de plus de 66%. Ceci résulte, pour le tribunal, non seulement de la loi, qui admet dans une certaine mesure le cumul de l’allocation de remplacement de revenus avec des revenus professionnels, mais également de la circulaire du 28 février 2018 du Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées (M.B., 18 avril 2018), dont il reprend de larges extraits, étant que les efforts entrepris par la personne handicapée, que ce soit à travers un parcours d’insertion ou d’une réadaptation professionnelle pour acquérir ou conserver un emploi, ne peuvent entraîner un refus ou une perte de la reconnaissance à l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus, dans la mesure où la personne handicapée continue à satisfaire aux conditions posées par l’article 2, § 1er, de la loi. Le fait qu’elle travaille, et ce que ce soit dans une entreprise de travail adapté ou non, n’est pas un argument déterminant pour refuser la reconnaissance de la réduction de capacité de gain à un tiers ou moins. Le fait d’avoir du travail n’implique pas nécessairement que la personne a une capacité de gain de deux tiers ni que ses chances futures sur le marché général ne soient pas limitées.

En d’autres termes, selon la circulaire, pour autant qu’elle satisfasse aux conditions de l’article 2, § 1er, de la loi, la personne handicapée qui a la possibilité malgré son handicap d’acquérir un revenu par son travail ne peut se voir pour cette raison en soi privée de la reconnaissance. Les revenus produits seront cependant déduits de l’allocation.

Le tribunal rejette dès lors la conclusion de l’expert judiciaire et, constatant qu’il se fonde uniquement sur l’exercice de la profession pour conclure à l’absence de perte de capacité de plus de 66%, il examine les conditions concrètes de l’emploi. Il s’agit d’un emploi adapté à son état de santé. L’intéressée a un « rendement » bien moindre qu’un autre agent et requiert un encadrement particulier. Il est également constaté que son état n’est susceptible d’aucune amélioration.

Pour l’ensemble de ces motifs, il y a réduction de capacité de gain de plus 66%.

Le tribunal examine, ensuite, la situation familiale et financière de l’intéressée, éléments purement factuels.

Intérêt de la décision

La conclusion du tribunal dans cette affaire est importante.

Il ne peut plus, dans la matière, être procédé par simplification, telle que celle qui a été à la base de la conclusion de l’expert. Pour ce dernier, le simple fait de l’exercice d’une activité à temps partiel ne peut être combiné avec la reconnaissance d’une incapacité de travail de plus de 66% dans ce secteur.

C’est à juste titre que le tribunal a rappelé la circulaire du Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées du 28 février 2018. Celle-ci communique aux médecins du SPF Sécurité sociale des instructions complémentaires en vue de l’évaluation de la perte de capacité de gain dans le cadre de l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus aux personnes handicapées.

Le tribunal du travail a repris les points 9 et 10 de cette circulaire, relatifs d’une part aux efforts fournis dans le cadre d’un parcours d’insertion ou d’une réadaptation professionnelle pour acquérir ou conserver un emploi et de l’autre à l’exercice d’un travail, que ce soit dans une entreprise de travail adapté ou non.


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