Terralaboris asbl

Chômage temporaire et sanction du non respect des obligations liées à la carte de contrôle pour la période correspondante

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 mars 2007, R.G. 48.292

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 22 mars 2007, R.G. n° 48.292

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 22 mars 2007, la Cour du travail de Bruxelles a confirmé un jugement du tribunal du travail de Louvain, qui avait retenu une responsabilité partielle de l’employeur, celui-ci ayant procédé lui-même – ou par son mandataire – aux obligations relatives aux mentions à apporter à la carte de contrôle. Cette responsabilité est fixée à deux tiers du préjudice, le tiers restant étant mis à charge du travailleur.

Les faits

À l’occasion d’un contrôle administratif des formulaires de chômage temporaire au bureau de chômage de Hasselt, il fut constaté que les biffures figurant sur divers formulaires C 3.2 d’un nombre de travailleurs de diverses entreprises se ressemblaient. Ceci éveilla des soupçons dans le chef de l’ONEm, dans la mesure où lesdits formulaires, conformément à la réglementation, doivent être conservés par le chômeur lui-même et être remplis au jour le jour. Une enquête fit apparaître que, pour l’ensemble des travailleurs, les employeurs étaient affiliés auprès d’un même bureau de conseil social, chargé de s’occuper des formalités sociales. Une enquête judiciaire fit alors apparaître que c’est ce bureau qui apportait lui-même les biffures sur les différents formulaires C 3.2 des ouvriers. En outre, ces biffures ne semblaient pas correspondre aux heures réellement prestées ou aux jours de chômage temporaire effectifs.

Un ouvrier fut dès lors invité pour une audition, vu l’absence de biffure de la case de sa carte de contrôle avant la prestation de travail, pour la période du 5 janvier au 8 février 1998, et pour le fait d’avoir remis des documents inexacts en vue d’obtenir des allocations auxquelles il n’avait pas droit.

Le travailleur, auditionné, signala qu’il ne reconnaissait pas les biffures et ne pouvait pas dire s’il en était l’auteur ou non. En tout cas, il admettait qu’un formulaire le concernant n’avait pas été signé par lui.

L’ONEm conclut à une fraude sociale et prit une décision en date du 14 juillet 2000 excluant le travailleur (d’autres étant par ailleurs dans le même cas) du bénéfice du chômage temporaire pour la période concernée, demandant récupération des allocations indûment perçues et prenant deux sanctions d’exclusion, chacune de 13 semaines. Le dossier fut également transmis à l’auditorat. L’ONEm rappelait que, pour pouvoir bénéficier des allocations, le chômeur doit être en possession de sa carte de contrôle en orignal, à partir du 1er jour de chômage effectif du mois et ce jusqu’au dernier jour de celui-ci et qu’il doit conserver ce document auprès de lui. Il doit également préalablement au début de l’exercice de l’activité visée dans la réglementation en faire mention sur sa carte de contrôle à l’encre indélébile, obligations qui n’avaient pas été respectées.

Le travailleur introduisit un recours contre cette décision devant le tribunal du travail de Louvain.

La position des parties

Dans le cadre de l’action pendante devant le tribunal du travail, le travailleur appela l’employeur en intervention et garantie de toutes sommes qu’il devrait rembourser à l’ONEm et, à titre subsidiaire, demandait la condamnation de la société à un montant de l’ordre de 1.300 euros.

La position du tribunal

Le tribunal du travail de Louvain confirma, en gros, la décision administrative, sauf en ce qui concerne l’exclusion sur la base de l’article 155 de l’arrêté royal, qui fut annulée et réduisit l’exclusion sur la base de l’article 154 à une période de 6 semaines.

Il conclut à la responsabilité de la société à concurrence de deux tiers du préjudice subi et condamna celle-ci à garantir le travailleur par rapport au remboursement vis-à-vis de l’ONEm.

Pour le premier juge, la mise en cause de l’employeur se justifiait d’après les rapports d’enquête, dont il était apparu que les originaux des documents étaient conservés au bureau de l’entreprise et étaient remplis par des employés administratifs.

Le premier juge considérait, toutefois, qu’il n’y avait pas fraude, vu qu’aucune preuve n’était apportée de ceci, raison pour laquelle il réduisit les sanctions à charge du travailleur. L’ensemble des notifications avaient par ailleurs été faites correctement vis-à-vis du personnel et de l’ONEm, les documents légaux ayant été transmis et les mentions de la carte de contrôle étant conformes à la réalité.

Pour le premier juge, à côté de la faute de l’employeur, il fallait retenir une conduite fautive dans le chef du travailleur, ce qui entraînait également sa responsabilité.

La position des parties en appel

La société interjeta appel, demandant la réformation du jugement, au motif que l’ensemble des documents avait été correctement rempli et que, si ceci avait été fait par des employés administratifs, c’était à la demande des travailleurs eux-mêmes et que ceci n’avait pas été le cas pour l’ensemble du personnel.

Le travailleur demandait quant à lui, comme en première instance, l’annulation de la décision et, au cas où celle-ci serait maintenue, il formulait vis-à-vis de la société la même demande que devant le premier juge.

L’ONEm sollicitait quant à lui la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions.

La position de la Cour

Constatant que l’original du document n’était pas resté en possession du travailleur, la Cour considéra que celui-ci ne satisfaisait pas à l’article 71, § 1er, 1°, 3° et 4° de l’arrêté royal portant réglementation du chômage et qu’il ne pouvait dès lors bénéficier des allocations pour la période considérée, la carte de contrôle n’étant pas remplie conformément aux dispositions réglementaires. Il confirma ainsi la position de l’ONEm et du premier juge sur ce point.

La Cour rappela par ailleurs les conditions requises pour qu’il y ait bonne foi, la fraude n’étant plus retenue par l’ONEm au stade de l’appel. Selon sa jurisprudence constante, la Cour du travail rappela que la bonne foi implique l’absence de tout manquement de l’assuré social dans sa relation concrète avec la réglementation en matière de chômage. Il lui appartient dès lors d’établir qu’il était tout à fait étranger aux circonstances qui ont abouti à l’octroi d’allocations indues. Ceci n’était évidemment pas le cas en l’espèce.

La Cour retint également qu’il n’était pas permis pour l’employeur de biffer les formulaires de contrôle en lieu et place des travailleurs et que, ce faisant, l’employeur avait placé les ouvriers dans une position où ils pouvaient faire l’objet d’une exclusion de leurs droits aux allocations. Il s’agit là d’un comportement fautif. L’employeur doit se comporter en bon père de famille, par rapport aux obligations administratives et notamment dans ses propres obligations dans le cadre des relations entre le travailleur et le bureau de chômage. En conséquence, le partage deux tiers / un tiers fut confirmé.

Intérêt de la décision

Les juridictions sont régulièrement appelées à examiner la question de la bonne ou mauvaise foi des intervenants dans le cadre de leurs obligations en matière de réglementation de chômage. Dans le cas d’espèce, la responsabilité du travailleur – qui n’a pas veillé au respect des obligations réglementaires qui lui incombent – est retenue, mais le comportement de son employeur est fautif et implique dès lors un partage de responsabilités.


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