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Chômage temporaire en cas de force majeure découlant de raisons médicales : la décision d’aptitude (pendant la période d’incapacité primaire) de la mutuelle ne fait pas obstacle à une indemnisation par l’ONEm

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 décembre 2007, R.G. 49.384

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 20 décembre 2007, R.G. 49.384

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 20 décembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, malgré une décision d’aptitude non contestée de l’organisme assureur pendant les 6 PREMIERS mois de l’incapacité primaire, un travailleur dont le contrat de travail est suspendu pour force majeure en raison d’une inaptitude (contestée par le médecin du travail) peut bénéficier des allocations de chômage.

Faits et rétroactes

Mme D. est occupéE en qualité de nettoyeuse par une société X. Elle est mise en incapacité à dater du 15 juillet 2002 (et bénéficie d’indemnités d’incapacité de travail primaire à partir du 29 juillet 2002).

Le médecin-conseil de la mutuelle met fin à l’incapacité de travail à partir du 6 janvier 2003. Elle est vue par le médecin du travail le 20 janvier et celui-ci recommande une mutation pour une durée de 6 mois à un « travail léger évitant les sollicitations au niveau du bras ».

Aucune de ces décisions n’est contestée par l’intéressée.

L’employeur délivre alors les formulaires C.3.2., en vue d’une indemnisation dans le cadre du chômage temporaire (force majeure pour raisons médicales).

L’ONEm refuse cependant d’intervenir, au motif que Mme D. était toujours dans les 6 premiers mois de l’incapacité primaire et qu’elle n’a contesté ni la décision du médecin conseil de l’organisme assureur ni celle du médecin du travail.

Le Tribunal du travail de Verviers, saisi de la contestation par Mme D., annule la décision querellée, estimant qu’il est possible de ne pas être apte à exercer sa profession tout en étant apte au travail au sens de la réglementation AMI. L’appel interjeté par l’ONEm à l’encontre de ce jugement est rejeté.

L’Office se pourvoit alors en cassation, qui casse l’arrêt de la Cour du travail de Liège. L’affaire est envoyée à la Cour du travail de Bruxelles.

La position des parties

L’ONEm soutient que, pendant les 6 premiers mois de l’incapacité primaire et vu la réglementation, il ne peut y avoir de chômage temporaire, les raisons médicales empêchant la poursuite de la profession habituelle impliquant une incapacité compatible avec l’octroi des allocations à charge de la mutuelle. En cas de divergence entre l’avis du médecin-conseil et le médecin du travail, l’octroi des allocations pour chômage temporaire serait conditionné à une contestation de la première décision ou au fait d’établir que la décision d’aptitude aurait été prise par rapport au marché général du travail (cas où l’affection n’est pas susceptible d’évolution favorable ou de guérison à brève échéance).

Mme D. fait valoir que, quoiqu’elle fut effectivement apte au sens de l’article 100 des lois coordonnées du 14 juillet 1994 (réglementation AMI), elle se trouvait dans l’impossibilité temporaire d’exécuter le travail convenu vu d’une part les restrictions imposées par le médecin du travail et d’autre part l’absence de poste répondant à celles-ci dans l’entreprise.

La décision de la Cour

La Cour estime que les conditions pour bénéficier des allocations de chômage temporaire sont réunies dans le chef de Mme D.

Elle souligne tout d’abord que, vu les données de l’espèce, la capacité de travail de l’intéressée a été examinée par l’organisme assureur par rapport à la profession habituelle.

Ensuite, elle rappelle que l’inaptitude à l’exercice du travail convenu (cause de force majeure permettant la suspension du contrat de travail) ne sont confond pas avec l’incapacité de travail de primaire au sens de l’article 100 (la Cour cite Cass., 12 juin 2006, J.T.T., 2006, 422). Dans le premier cas, il y aura suspension du contrat dès lors que le travailleur ne peut plus exercer le travail convenu, tandis que dans le second, l’incapacité s’apprécie en fonction d’un certain taux, par rapport à la profession habituelle, qui peut ne pas être celle exercée en dernier lieu par le travailleur.

La Cour estime en conséquence que, étant reconnue par le médecin conseil de l’organisme assureur comme apte, Mme D. répond à la condition énoncée à l’article 60 de l’A.R. du 25 novembre 1991 (être apte au sens de la réglementation AMI). La Cour relève encore que le contrat de travail a été suspendu pour cause de force majeure (inaptitude temporaire au travail convenu) et qu’elle n’a bénéficié, pendant cette suspension, d’aucun travail ou rémunération, et ce en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.

Intérêt de la décision

Contrant l’argumentation de l’ONEm, la décision sera utile pour les personnes en situation identique, confrontée à un refus d’indemnisation.

Par ailleurs, la décision se fonde à la fois sur l’examen des dispositions applicables en matière AMI ainsi que sur les conditions imposées par la réglementation ONEm.


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