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Véhicule de société et conditions de la « car policy »

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 24 avril 2018, R.G. 17/2.018/A

Mis en ligne le vendredi 30 novembre 2018


Tribunal du travail de Liège (division Liège), 24 avril 2018, R.G. 17/2.018/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 24 avril 2018, le Tribunal du travail de Liège (division Liège) examine la validité d’une clause d’une « car policy » d’entreprise imposant des obligations au travailleur en cas de fin de contrat, examen effectué au regard de l’article 6 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

Les faits

Un travailleur a introduit une demande devant le tribunal du travail en avril 2017 aux fins d’obtenir la condamnation de son ex-employeur au paiement d’une somme de l’ordre de 4.400 euros au titre de retenue indue.

Dans le cadre de la procédure, la société introduit une demande reconventionnelle du même montant.

L’employé a bénéficié d’un véhicule de société, depuis son entrée en fonction, en janvier 2015. Il négocia, cependant, avec son employeur, afin d’obtenir un véhicule d’une catégorie supérieure. Il accepta de compenser la différence de prix à concurrence d’un montant de l’ordre de 90 euros par mois. Très rapidement cependant, l’intéressé démissionna et il s’avère qu’il n’a jamais utilisé le véhicule en cause. La société impute cependant, à la sortie, un montant de l’ordre de 4.400 euros sur le décompte de départ, correspondant à 48 mensualités.

Position des parties devant le tribunal

Le demandeur considère qu’il y infraction à l’article 23 de la loi sur la protection de la rémunération, au motif d’un dépassement de la partie des sommes non protégées (pécule de vacances de sortie). Il considère également que la clause de la « car policy » sur laquelle s’appuie la société est abusive et il se prévaut encore d’un abus de droit.

Pour la société, les conditions de la compensation légale sont réunies, l’intéressé ayant marqué accord sur l’opération et la clause devant se voir reconnaître toute sa valeur vu le contexte de fait (démission rapide du travailleur).

La décision du tribunal

Pour le tribunal, c’est la question de la validité de la clause qui est au centre du débat. Celle-ci prévoit en effet qu’il y aura compensation du surplus si le travailleur fait le choix d’un véhicule qui déroge aux voitures de référence, étant qu’il devra payer l’éventuel surplus total sur toute la période de leasing. Cette clause, qui est contenue dans la « car policy », fait également l’objet d’une annexe au contrat de travail.

Pour le tribunal, ce type de clause, même interprété conformément aux articles 1134 ainsi que 1156 à 1664 du Code civil, ne fait que fixer la contrepartie d’un avantage demandé et reçu.

La question est cependant plus délicate en cas de fin de contrat, puisqu’elle aboutit à faire payer au travailleur le surcoût personnel alors qu’il ne dispose pas du véhicule.

Tout en constatant que ce type de clause a déjà été soumis à la sanction des juridictions du travail, notamment celles obligeant le travailleur à reprendre le leasing en cas de démission, le tribunal constate qu’il faut en examiner la régularité par rapport à l’article 6 LCT, qui considère qu’est nulle toute stipulation contraire aux dispositions de la loi et de ses arrêtés d’exécution, dès lors qu’elle vise à restreindre les droits des travailleurs ou à aggraver leurs obligations.

C’est le cas en l’espèce et le tribunal rappelle encore que le droit pour le travailleur de démissionner à tout moment est fixé dans la loi et que ses obligations y sont également prévues, étant qu’il doit donner un préavis. Une clause contractuelle ne peut alourdir ces obligations. Le tribunal relève encore le caractère « infiniment disproportionné » de la clause, puisque le travailleur aurait dû payer plus de 4.000 euros, alors que des solutions existaient en interne, s’agissant d’une entreprise occupant de très nombreux travailleurs et qu’elle aurait dû, en conséquence, limiter le dommage du travailleur.

Il est en conséquence fait droit à la demande, le tribunal ayant encore relevé que – à supposer que la clause fut régulière –, la compensation n’aurait pu valoir que pour le pécule de vacances, non protégé par l’article 23 de la loi du 12 avril 1965 sur la protection de la rémunération.

Intérêt de la décision

La solution dégagée par le tribunal du travail est évidente, puisque la clause de la « car policy » est sans rapport avec le droit du travailleur de démissionner dans les conditions légales. Il ne peut dès lors être imposé, à l’occasion d’une telle démission, des obligations financières venant obérer la situation du travailleur démissionnaire.

L’on notera encore, sur la question de la compensation, une décision récente du même tribunal (Trib. trav. Liège, div. Liège, 19 février 2018, R.G. 17/1.778/A), où celui-ci a rappelé que, en application de l’article 1291 du Code civil, la compensation ne peut avoir lieu qu’entre dettes également liquides et exigibles, ce qui n’est certainement pas le cas lorsque l’une d’entre elles est contestée. Elle ne doit, par ailleurs, pas avoir lieu dans le cas de demande de restitution d’un prêt à usage (id., art. 1293), ce qui est le cas en ce qui concerne l’outillage mis à disposition par l’entreprise. C’est donc à tort que l’employeur estimerait pouvoir légalement pratiquer une compensation entre la valeur de l’outillage prétendument non restitué et des montants dus à titre de rémunération.


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