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Non-dégressivité des allocations de chômage : un arrêt de la Cour de cassation sur l’article 116, § 5, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991

Commentaire de Cass., 23 avril 2018, n° S.16.0044.F

Mis en ligne le vendredi 14 septembre 2018


Cour de cassation, 23 avril 2018, n° S.16.0044.F

Terra Laboris

Par arrêt du 23 avril 2018, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 7 avril 2016 (arrêt qui avait rejeté l’application de la disposition en cause au motif de son caractère disproportionné, s’agissant du bénéfice de la non-dégressivité à partir de la deuxième période d’indemnisation, pour les travailleurs intermittents).

Rétroactes

La cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 7 avril 2016. L’affaire tranchée est relative à la dégressivité des allocations de chômage et à ses exceptions. La matière gît aux articles 114, § 1er, alinéas 5 et 6, ainsi que 116 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Il s’agit de l’application de ces dispositions aux travailleurs intermittents, à savoir ceux engagés dans le cadre de contrats de très courte durée, et ce dans la version du texte avant sa modification par l’arrêté royal du 23 juillet 2012.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles

Dans son arrêt du 7 avril 2016 (R.G. 2014/AB/942 – précédemment commenté), la cour du travail avait considéré que les effets de la mesure étaient disproportionnés. Il s’agissait d’un enseignant à temps partiel qui exerçait une autre activité, étant celle d’artiste musicien amateur, et ce dans le cadre du système des « petites indemnités ». Après avoir mis un terme à son activité d’enseignant, il presta ensuite exclusivement comme artiste dans le cadre de contrats de très courte durée. Il demanda le statut d’artiste et l’ONEm refusa la non-dégressivité. Lui fut maintenu son statut d’enseignant au titre d’activité principale. L’ONEm avait en conséquence pris en compte les activités artistiques en application des règles ordinaires.

La cour du travail avait considéré, s’agissant de la seconde période d’indemnisation (pour la première, l’intéressé ne pouvait effectivement pas bénéficier de la disposition, puisqu’il n’avait pas été occupé exclusivement dans des contrats de très courte durée), que l’article 116, § 5, de l’arrêté royal n’exige pas, comme condition de son application, une occupation exclusive dans des contrats de très courte durée depuis le début de l’admissibilité.

L’intéressé avait par ailleurs fait valoir l’existence d’une discrimination entre les travailleurs selon qu’ils se trouvaient dans la première ou dans une seconde période d’indemnisation.

La question posée était la difficulté pour les travailleurs intermittents de réunir les conditions prévues pour maintenir le niveau de l’allocation. Il s’agissait plus spécifiquement de voir si la limitation de la non-dégressivité à la première période était un critère raisonnable au regard du but et des effets de la mesure. Elle avait, suivant la position du travailleur intermittent, relevé que celui-ci peut difficilement comptabiliser un passé professionnel en termes d’années au sens de l’article 114, § 1er, alinéas 5 et 6, et qu’il entrait très vite, à l’issue des deux mois de la première phase de la deuxième période, dans la troisième période, où l’allocation passe au forfait. Les circonstances de l’occupation faisaient également en sorte qu’il n’avait généralement pas la possibilité de retourner en deuxième ou en première période, la réglementation imposant une occupation de douze mois pendant une période de référence de dix-huit mois. L’impossibilité d’éviter la dégressivité rapide et de retrouver un montant d’allocations fut retenue par la cour, sauf si l’intéressé changeait d’activité professionnelle. Dès lors, elle avait retenu que les effets de la mesure étaient disproportionnés.

Le pourvoi

Le pourvoi contient trois branches, dont la troisième recevra une réponse prioritaire dans l’arrêt de la Cour de cassation.

Cette branche faisait valoir qu’avant sa modification par l’arrêté royal du 23 juillet 2012, l’article 116, § 5, alinéa 2, prévoyait la dégressivité des allocations « à l’expiration des douze premiers mois de chômage ». Pour le pourvoi, ces termes ont pour portée que l’application de cette disposition est limitée aux travailleurs qui se trouvent dans la première période d’indemnisation de douze mois visée aux articles 114, § 1er, et 116, § 1er, (avant leur modification par l’arrêté royal du 23 juillet 2012), et ce quels que soient l’historique de la disposition précitée ou la pratique administrative, à laquelle l’arrêt ne se référait d’ailleurs pas. Le pourvoi critique les considérations de l’arrêt selon lesquelles l’article 116, § 5, dans sa version de l’époque, n’exige pas comme condition de son application que le travailleur ait eu une occupation exclusive dans des contrats de courte durée dès le début de son admissibilité au chômage et dont il avait conclu que le travailleur qui se trouve en deuxième période d’indemnisation ne perdait pas le bénéfice de la non-dégressivité dans le temps des allocations. Pour le pourvoi, il y a violation de la disposition en cause, ainsi que des articles 114, §§ 1er, 2 et 3, et 116, §§ 1er et 2, dans leur mouture avant la modification par l’arrêté royal du 23 juillet 2012.

L’arrêt de la Cour

Sur la troisième branche, la cour rappelle que le montant journalier de l’allocation de chômage décroît en fonction de la durée du chômage exprimée en périodes (article 114, §§ 1er à 5, de l’arrêté royal avant sa modification entrée en vigueur le 1er novembre 2012). En règle cependant, en vertu de l’article 116, § 5, il n’est pas tenu compte de la durée de chômage du travailleur occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée. L’allocation journalière de celui-ci est, à l’expiration de la première période de douze mois, calculée conformément aux articles 114 et 116, §§ 1er à 4 et 6, en prenant en considération le montant limite A de l’article 111.

La Cour de cassation énonce ensuite qu’il résulte de cette disposition que le montant de l’allocation de chômage est calculé sans tenir compte de la durée du chômage pendant laquelle le travailleur est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, quelle que soit la période de chômage au cours de laquelle se poursuit cette occupation.

La Cour reprend ensuite les périodes relevées par l’arrêt de la cour du travail et conclut que celui-ci a légalement décidé que l’article 116, § 5, « ne limite pas la non-dégressivité de l’allocation au travailleur en première période d’indemnisation » et que le travailleur « bénéficie de l’article 116, § 4, et (est) dès lors maintenu en deuxième période d’indemnisation (…) pendant la période considérée ».

Le moyen n’a dès lors pas été accueilli.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation répond aux trois branches du pourvoi, examinant en premier lieu la troisième.

La deuxième branche faisait valoir une différence de traitement discriminatoire et le moyen a été rejeté.

Quant à la première branche, elle a été jugée irrecevable, dans la mesure où elle constituait un fondement distinct (examen de la disposition dans sa version en vigueur du 1er novembre 2012 au 31 mars 2014).

L’on retiendra l’enseignement de la Cour de cassation sur l’article 116, § 5, dans la version applicable à l’époque, étant que le montant de l’allocation de chômage est calculé sans tenir compte de la durée du chômage pendant laquelle le travailleur est occupé exclusivement dans les liens de contrats de très courte durée, et ce quelle que soit la période de chômage au cours de laquelle se produit cette occupation.


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