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Rémunération des jours de remplacement des jours fériés ou de repos compensatoire : un rappel utile

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Verviers), 28 mars 2018, R.G. 17/47/A

Mis en ligne le vendredi 14 septembre 2018


Tribunal du travail de Liège, division Verviers, 28 mars 2018, R.G. 17/47/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 28 mars 2018, le Tribunal du travail de Liège (division Verviers) rappelle que n’existe pas dans la loi du 4 janvier 1974 de droit au paiement du montant de la rémunération des jours fériés pour les jours de remplacement de ceux-ci ou les jours de repos compensatoire dont le travailleur n’a pas bénéficié.

Les faits

Un ouvrier occupé dans une entreprise en régime continu selon des cycles de 5 semaines introduit une action devant le tribunal en paiement de sommes correspondant à la rémunération de jours fériés. Son régime de travail prévoit des prestations de 60 heures la première semaine, pas de prestations fixes la deuxième semaine (semaine de réserve avec une moyenne de prestations de 12 heures), 48 heures la troisième semaine, 60 heures la quatrième semaine et aucune prestation la cinquième semaine (semaine de repos). Pour les 5 semaines, les heures prestées sont ainsi au nombre de 180, soit une moyenne de 36 heures hebdomadaires.

Une convention collective a été conclue, aux fins d’encadrer le système. Les choses ont cependant donné lieu à une plainte auprès du Contrôle des lois sociales et à des discussions. Un avertissement a été donné à la société, lui rappelant les dispositions de la loi du 4 janvier 1974 sur les jours fériés ainsi que de celle du 16 mars 1971 sur le travail. Une nouvelle convention collective a finalement été signée, mais par une seule organisation syndicale. Des discussions ont repris et n’ont pas abouti.

L’ouvrier qui introduit l’action est un membre de l’organisation syndicale qui n’a pas signé la convention collective. Sa demande porte sur le paiement et la récupération des jours fériés non travaillés qui tombent en semaine de réserve ou en semaine de repos. Sa position est que le jour férié doit être payé comme s’il avait été travaillé.

La société conteste ce point de vue.

La décision du tribunal

Le tribunal examine la réglementation en matière de jours fériés. En vertu des articles 6 et suivants de la loi du 4 janvier 1974, lorsqu’un tel jour coïncide avec un dimanche ou un jour habituel d’inactivité, il est remplacé par un jour habituel d’activité. Le jour de remplacement peut être fixé par le Conseil d’Entreprise à défaut de décision d’un organe paritaire rendu obligatoire par arrêté royal. La décision peut également résulter d’un accord d’entreprise ou d’un accord pris avec les travailleurs. L’accord individuel est également envisageable en l’absence de décision prise conformément à ce qui précède.

A défaut de fixation du jour de remplacement, l’article 9 de la loi dispose que le jour férié est remplacé par le premier jour habituel d’activité dans l’entreprise suivant celui-ci.

Par ailleurs, si le travailleur a été occupé pendant un jour férié, il a droit à un repos compensatoire (article 11). Celui-ci doit être imputé sur la durée du travail et doit être octroyé dans les 6 semaines qui suivent le jour férié. Si ce repos ne peut être accordé pendant cette période, dans certaines hypothèses (le texte renvoyant à l’hypothèse de suspension du contrat pour certains travailleurs et aux hypothèses de force majeure temporaire pour d’autres), le jour de remplacement doit intervenir dans les 6 semaines suivant la fin de l’événement en cause.

Dans l’entreprise, la convention collective de travail initiale (qui date de 1999) reprend 8 jours fériés et 2 jours non travaillés. Les jours travaillés sont payés au tarif du dimanche, avec une majoration pour l’équipe de nuit, et ce que le jour tombe en semaine ou un dimanche. Les jours sont ensuite récupérés. Quant aux jours fériés non travaillés qui tombent en semaine de réserve ou en semaine de repos (ou encore pour l’équipe du dimanche 14h-22h), ils sont payés directement au salaire moyen du jour férié. Enfin, les jours fériés prestés sont récupérés sur le temps normal du travail et payés au même taux. Ils doivent obligatoirement être récupérés dans l’année en cours. La convention collective ne prévoit pas de récupération pour les jours fériés non prestés.

Le système a été reconduit dans le dernier accord d’entreprise, signé en 2016, celui-ci précisant certaines conditions de la récupération, étant qu’elle intervient au libre choix du travailleur, dans le délai légal.

Le demandeur a ainsi été payé pour les jours fériés non travaillés de la semaine de repos ou de la semaine de réserve, conformément aux conventions collectives.

Il s’agit, pour le tribunal, de vérifier si la rémunération du jour férié récupéré doit être payée pour les jours fériés non prestés.

Le tribunal renvoie à un arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2007 (Cass., 17 septembre 2007, n° S.06.0103.N). La Cour suprême y a rappelé les dispositions de la loi du 4 janvier 1974, étant, d’abord, que le jour férié qui coïncide avec un dimanche ou un jour habituel d’inactivité est remplacé par un jour habituel d’activité. Le travailleur peut être occupé au travail pendant un jour férié, si le travail dominical est autorisé dans le cadre des dispositions de la loi du 16 mars 1971. Il aura alors droit à un repos compensatoire (qui doit intervenir dans les 6 semaines suivant le jour férié lui-même ou, en cas de suspension, dans les 6 semaines suivant la disparition de la cause de suspension).

La loi prévoit encore l’hypothèse où le travailleur serait en préavis, étant que le repos compensatoire doit être accordé avant l’expiration de celui-ci. Le principe de la loi du 4 janvier 1974 est ainsi de garantir au travailleur l’octroi de 10 jours fériés par an, en plus des jours habituels d’inactivité. Quant à la rémunération des jours fériés (étant la rémunération du jour férié lui-même ou du jour de remplacement au cours duquel le travailleur n’a pas été occupé au travail, ainsi encore que pour chaque jour de repos compensatoire), l’article 14, § 1er, alinéa 1er, de la loi dispose que la rémunération du jour férié lui-même n’est due que pour les jours où le travailleur n’a pas été occupé au travail. Aucune disposition de la loi n’impose à l’employeur de payer la rémunération du jour férié pour le jour de remplacement ou le jour de repos compensatoire dont le travailleur n’a pas bénéficié, et ce – ajoute la Cour suprême – même si ce fait est imputable à l’employeur. Elle constate que, dans l’espèce qui lui est soumise, le demandeur avait été indûment occupé au travail 3 jours par an, selon les constatations de l’arrêt de fond, et qu’il réclamait le paiement des arriérés de salaire pour les jours de remplacement et/ou les jours de repos compensatoire dont il n’avait pas bénéficié et pour lesquels il avait perçu sa rémunération habituelle. Pour la Cour, le travailleur ne peut demander le paiement de la rémunération de ces jours pour les jours de remplacement mais peut par contre réclamer des dommages et intérêts pour le dommage résultant de la faute de l’employeur qui n’a pas accordé ces jours.

En l’espèce, le demandeur ne soutient pas avoir travaillé plus que la moyenne hebdomadaire dans l’entreprise (36 heures) ni que le nombre d’heures de prestations annuelles (incluant les dimanches et jours fériés) et les repos compensatoires auraient été dépassés. Le système appliqué dans l’entreprise permet de retenir un chiffre de 1800 heures pour 10 cycles (soit 50 semaines, auxquelles il faut ajouter 2 semaines, correspondant à la fin de l’année civile et à la première semaine de l’année suivante, pour lesquelles il est travaillé au total 24 heures). Après avoir déduit les vacances annuelles et l’équivalent de 2 semaines correspondant aux jours fériés, le tribunal conclut que l’année, étant de 46 semaines, donne 1656 heures de travail et que la semaine de réserve constitue en l’espèce la variable d’ajustement, la durée annuelle du travail était ainsi respectée.

Le tribunal rejette dès lors la demande, qui porte uniquement sur la question du paiement des jours fériés en cause, étant limitée aux jours de remplacement ou de repos compensatoire dont le travailleur n’aurait pas bénéficié. Ces jours ont été récupérés et, conformément à l’arrêt de la Cour de cassation, il n’y a pas lieu de retenir, pour le paiement de ceux-ci, le taux du jour férié lui-même.

Intérêt de la décision

La question des jours fériés donne lieu à peu de contentieux.

La question tranchée par le tribunal avait fait l’objet d’une intervention de la Cour de cassation dans l’arrêt que celui-ci reprend, étant l’arrêt du 17 septembre 2007.

La Cour suprême a renvoyé à l’article 14, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 4 janvier 1974 relative aux jours fériés, selon lequel le travailleur a droit à une rémunération pour chaque jour férié ou chaque jour de remplacement au cours duquel il n’a pas été occupé au travail, ainsi que pour chaque jour de repos compensatoire. Cette disposition doit être interprétée comme signifiant que la rémunération des jours fériés n’est due que pour les jours où le travailleur n’a pas été occupé au travail.

Aucune disposition n’impose à l’employeur de payer, pour les jours de remplacement ou les jours de repos compensatoire dont le travailleur n’a pas bénéficié, la rémunération des jours fériés eux-mêmes.

La particularité de l’espèce soumise à la censure de la Cour de cassation était que le fait (absence d’octroi des jours de remplacement ou des jours de repos compensatoire) était dû à l’employeur. La Cour y avait précisé que, même si le droit à la rémunération ne figure pas dans la loi du 4 janvier 1974 elle-même, le travailleur peut, s’il y a faute de l’employeur, réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi.


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