Terralaboris asbl

Effet de la bonne foi dans le cas d’un chômeur n’ayant pu établir qu’il vivait isolé

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 septembre 2007, R.G. 48.834

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 5 septembre 2007, R.G. 48.834

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 5 septembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles, statuant sur le cas d’un chômeur ayant déclaré vivre seul mais dont elle reconnaît qu’il cohabitait avec des membres de sa famille, admet l’existence d’une bonne foi dans son chef, limitant en conséquence la récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation ainsi que la sanction infligée (pour déclarations inexactes).

Faits et rétroactes

Monsieur M., bénéficiaire d’allocations de chômage, déclare vivre seul à dater du 1er juin 2004. A cette date, il quitte en effet le foyer familial pour emménager dans la villa de sa tante. Il soutient y occuper un studio séparé.

A la suite d’une enquête administrative, l’ONEm estime qu’il y a lieu de retenir la cohabitation avec la tante, de sorte que, par décision du 16 mars 2005, il l’exclut du bénéfice des allocations perçues (taux isolé), ordonne la récupération des allocations indûment perçues et lui inflige une sanction d’exclusion de 8 semaines (base : art. 153 A.R. du 25.11.1991 – déclarations inexactes ou incomplètes).

L’intéressé introduit un recours à l’encontre de cette décision, dont le Tribunal le déboute, estimant la cohabitation établie.

Il interjette alors appel de la décision, invoquant dans sa requête d’appel sa bonne foi, de même qu’un handicap (l’empêchant de comprendre à suffisance la portée des documents administratifs). Il ne dépose cependant pas de conclusions devant la Cour, et ce malgré le pli judiciaire sur pied de l’article 751 C.J. qui lui a été notifié à la demande de l’ONEm.

La décision de la Cour

La Cour commence par écarter les arguments et moyens soulevés par Monsieur M. lors de l’audience de plaidoiries (et qui n’avaient pas fait l’objet d’un débat contradictoire, faute du dépôt de conclusions reprenant ces éléments). La Cour s’appuie sur le principe dispositif et le principe du contradictoire.

Elle constate ensuite que l’intéressé n’établit pas l’absence de cohabitation avec sa tante.

Elle examine ensuite la question de la bonne foi, alléguée par Monsieur M. Elle rappelle que la bonne foi n’est pas définie légalement et qu’elle apparaît comme une notion « ouverte », dont le contenu dépend des circonstances de fait mais également du jugement de valeur de chacun. La Cour retient qu’elle requiert loyauté et honnêteté, telles qu’on peut attendre d’une personne raisonnablement prudente et diligente. Enfin, elle rappelle que cette notion doit être examinée en tenant compte de l’ensemble des circonstances en rapport avec l’attitude incriminée.

En l’espèce, la Cour va retenir la bonne foi dès lors que l’intéressé a pu penser, en quittant le domicile parental, qu’il acquérait une autonomie permettant de le considérer comme isolé. Elle s’appuie également sur sa méconnaissance de la notion légale de cohabitation, de même que sur son léger handicap.

En conséquence, la Cour limite la décision de récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation.

Quant à la sanction, elle rappelle que le directeur du B.C. peut l’appliquer dès lors qu’il y a déclaration inexacte ou incomplète et peu importe si la déclaration a été faite de bonne foi ou non ou encore avec une intention frauduleuse. La sanction, dans son principe, est dès lors maintenue. Quant à son montant, la Cour retient la parfaite bonne foi de l’intéressé pour la réduire au minimum, soit une semaine d’exclusion.

Intérêt de la décision

Outre les développements théoriques consacrés à la notion de bonne foi, l’arrêt présente l’intérêt d’une application concrète des effets de la bonne foi sur la situation d’un chômeur n’ayant pu établir sa situation familiale : limitation de la période de récupération et limitation de la hauteur de la sanction (ici réduite à son minimum légal).


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