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Accident du travail d’un membre du personnel d’un C.P.A.S. : rémunération de base

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 mars 2018, R.G. 2017/AB/471

Mis en ligne le lundi 16 juillet 2018


Cour du travail de Bruxelles, 5 mars 2018, R.G. 2017/AB/471

Terra Laboris

Par arrêt du 5 mars 2018, la Cour du travail de Bruxelles fait le point sur la question de la désindexation de rémunération de base servant au calcul de la rente d’incapacité permanente et sa portée sur le montant de ladite rente, ceci concernant un accident du travail subi par un membre du personnel du C.P.A.S.

Rappel des faits

Un membre du personnel d’un C.P.A.S. bruxellois avait été victime d’un accident du travail le 7 avril 2007.

Une procédure judiciaire avait été introduite devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles pour déterminer les conséquences de l’accident et le tribunal a statué, après expertise, dans un jugement du 7 avril 2014.

Le taux de l’incapacité permanente ainsi que les périodes d’incapacité temporaire ne sont pas contestés, non plus que la date de consolidation.

Le tribunal avait cependant retenu, pour la rémunération de base à prendre en compte pour l’incapacité permanente, un salaire de 24.516,65 euros, qu’il ramène au plafond légal de 24.332,08 euros. Ce salaire est celui réellement perçu, tenant compte du traitement indexé du membre du personnel.

Le C.P.A.S. demande, en appel, de fixer le salaire de base pour l’incapacité permanente partielle à sa valeur hors index, c’est-à-dire à 100% à l’indice 138.01, soit, en l’espèce, à 20.159,98 euros. Le C.P.A.S. demande, ainsi, la désindexation.

La victime avait introduit un appel incident sur les composantes de la rémunération de base tant pour l’incapacité temporaire (dont elle demande que restent inclus dans celle-ci les allocations, primes et sursalaires habituellement payés, en ce compris les prestations irrégulières, week-ends et jours fériés) et de l’incapacité permanente (pour laquelle elle sollicite également la prise en compte de tous les postes rémunératoires). La discussion, sur ce point, s’est aplanie en cours de procédure.

La victime, qui postule à titre principal, que la Cour retienne le montant indexé de sa rémunération, demande, à titre subsidiaire, que la rémunération de base soit fixée au montant de 20.159,98 euros (valeur 100% à l’indice 138.01 – qui est le chiffre du C.P.A.S.), mais que soit alors appliqué à la rente (calculée sur la base de la rémunération désindexée) le coefficient de majoration de 1,4002 (étant le coefficient de la date de l’accident).

La décision de la cour

La cour statue, ainsi, sur le seul point précis de la rémunération de base.

Elle règle dans un premier temps la question de l’assiette de calcul de l’incapacité temporaire, qui doit inclure l’ensemble des allocations, primes et sursalaires habituellement payés (dont lessursalaires pour prestations irrégulières, week-ends et jours fériés).

Pour la rémunération de base de l’incapacité permanente, la cour tranche la discussion sur la rémunération à prendre en compte : rémunération effectivement perçue (et donc le traitement indexé) ou rémunération (traitement) hors index.

La discussion trouve sa source dans la différence de libellé des textes : à l’inverse des arrêtés royaux des 24 janvier 1969 (applicable à la fonction publique fédérale, aux entités fédérées et à l’enseignement) et 30 mars 2001 (applicable à la police), le texte de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 (fonction publique locale) ne prévoit pas que la rémunération à prendre en compte est celle hors index.

La cour estime néanmoins que tel est bien le cas, sur la base du libellé (a contrario) de l’article 18 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, du rapport au Roi et en privilégiant une interprétation cohérente avec les autres arrêtés royaux d’exécution de la loi du 3 juillet 1967. La cour voit encore un appui à sa conclusion dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (C. const., 21 janvier 2016, n° 9/16) - les deux systèmes (secteur public et secteur privé) contenant des mécanismes propres non discriminatoires -, ainsi que dans un arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1995 (Cass., 13 mai 1995, n° S.94.0125.N).

La cour conclut à l’exigence de cohérence et retient donc la rémunération désindexée (20.159,98 €).

Ce souci de cohérence pousse en outre la cour à une autre conclusion, concernant cette fois la fixation du montant (nominal) de la rente. Tout en soulignant le peu de clarté des dispositions appliquées, elle revient à son principe de cohérence dans l’interprétation des dispositions en cause et conclut qu’à la désindexation de la rémunération, il convient de répondre par l’indexation de la rente jusqu’à la date de l’accident. Ce mécanisme revient à neutraliser la désindexation de la première par l’indexation de la seconde. Elle renvoie ici à l’avis du Procureur général LECLERCQ avant l’arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2011 (Cass., 14 mars 2011, n° S.09.0099.F – concernant l’arrêté royal du 24 janvier 1969).

Elle rejette, par ailleurs, un argument tiré de l’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 (selon lequel la rente n’est pas indexée en cas d’I.P.P. inférieure à 16%), vu que cette disposition ne s’applique qu’après que le montant de la rente a été correctement déterminé.

Le calcul à retenir est dès lors de partir de la rémunération de base désindexée de 20.159,98 euros, à multiplier par le taux d’I.P.P. – non contesté en l’espèce –, taux devant éventuellement être réduit si l’article 4, § 3, de la loi trouve à s’appliquer (petite incapacité), à majorer du coefficient de réindexation à la date de l’accident, en l’occurrence 1,4002 euros.

Intérêt de la décision

Cet arrêt a le mérite de faire le point sur la question. La lacune figurant dans l’arrêté royal du 13 juillet 1970 n’est pas, vu le raisonnement de la cour, déterminante, dans la mesure où il se trouve confirmé que ce système a intérêt à recevoir une interprétation cohérente en fonction des arrêtés royaux. Les textes relevés par la cour, en ce compris les décisions des hautes cours, confirment cette conclusion.

Le premier enseignement de l’arrêt est donc que, pour les accidents relevant du champ d’application de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, la rémunération de base est fixée en tentant compte du traitement hors index, comme c’est le cas pour les accidents relevant des autres arrêtés royaux. Cette rémunération est comparée au plafond, qui n’est lui-même pas indexé.

Le second enseignement, qui vaut pour les accidents du secteur public quel que soit l’arrêté dont il relève, est qu’au système de désindexation de la rémunération de base correspond une « indexation » (à la date de l’accident) de la rente. Il ne s’agit pas du mécanisme d’indexation, qui s’applique une fois le montant de la rente arrêté, à dater du paiement (et ne concerne que les incapacités permanentes de 16 % au moins). Le rattrapage est inhérent au système de fixation du montant initial de la rente. Telle était d’ailleurs la position défendue par le CPAS dans le cas d’espèce. La cour confirme le système, l’articulant sur les dispositions réglementaires.


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