Terralaboris asbl

Travaux de rénovation de son habitation réalisés par le chômeur et droit aux allocations : cas pratique

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 février 2007, R.G. 46.691

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 28 février 2007, R.G. 46.691

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 28 février 2007, la Cour du travail de Bruxelles admet que l’accomplissement de travaux de rénovation effectués par un chômeur dans son habitation est compatible avec le maintien des allocations de chômage.

Les faits

Monsieur N. acquiert un bâtiment, composé d’une maison principale et d’une dépendance, cadastré en deux parties (la maison ayant elle-même deux numéros de « rue »).

Il réalise des travaux de rénovation dans cette habitation, travaux qui s’étalent sur plusieurs années et qui sont effectués par lui-même, avec l’aide de ses enfants et d’amis.

A la suite d’une enquête de l’ONEm, celui-ci est mis au courant de l’existence de ces travaux et prend, le 12 décembre 2003, une décision d’exclusion des allocations de chômage et de restitution des allocations versées.

L’ONEm estime en effet que les travaux seraient intégrés dans le courant des échanges économiques de biens et de services et ne seraient pas limités à la gestion normale des biens propres, les travaux ayant entraîné une plus-value.

L’intéressé introduit un recours à l’encontre de la décision administrative, recours rejeté par le Tribunal. Il interjette alors appel du jugement.

Les positions des parties

A l’appui de son appel, l’intéressé a fait valoir que les travaux avaient été réalisés avec l’aide de ses enfants, dans un seul souci de confort de la famille (rendre l’immeuble habitable au quotidien). Il contestait ainsi avoir poursuivi un but de lucre et précisait que la réalisation des travaux n’avait pas entamé sa disponibilité sur le marché du travail.

La décision de la cour

La Cour du travail commence par examiner les déclarations du chômeur quant à la nature des travaux exécutés et leur ampleur, déclarations qui sont jugées non contredites valablement par l’ONEm et confirmées par ailleurs par les éléments du dossier déposé par l’intéressé (état des lieux, photographies, acte de vente, rapport d’expertise du notaire, …).

Elle relève ainsi que les travaux effectués sont des travaux de conservation et d’entretien, dont certains présentaient un degré de nécessité, et même d’urgence.

Les travaux en question étaient l’installation d’un disjoncteur, de câbles, de nouveaux tuyaux de plomberie, d’une douche et d’une salle de bain (en l’absence de salle d’eau à l’achat), le replacement d’un plancher pourri, le placement de carrelage, des travaux de plafonnage (pour boucher des trous dans les murs).

Relevant que la décision administrative se fonde sur la plus-value donnée à l’immeuble par les travaux, la Cour du travail relève que tous travaux apportent une telle plus-value et que l’existence de celle-ci n’est pas exclue par la réglementation. Elle se fonde ainsi sur l’alinéa 5 de l’article 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui admet une plus value modérée, ce qui est, à l’estime de la Cour, le cas en l’espèce.

L’ONEm se fondait également sur le fait que la dépendance aurait été louée (postérieurement à la fin des travaux). Il entendait ainsi établir la poursuite d’un but de lucre.

A cet égard, la Cour note qu’il n’y a pas vraiment deux maisons et que si la mère d’un des enfants de l’intéressé a occupé la dépendance, c’était temporairement et sans que l’on puisse affirmer que cette partie aurait été aménagée spécifiquement en vue de sa location. La Cour s’appuie sur l’absence de salle de bain dans cette seconde partie et le fait que, après le départ de son occupant, elle a été utilisée par l’intéressé lui-même.

En conséquence, la Cour estime que les travaux n’ont pas été effectués dans un but de lucre, aucune intention de cette espèce ne pouvant être constatée au moment de leur réalisation.

Enfin, la Cour estime que les travaux n’ont pas compromis la disponibilité du chômeur, vu l’aide apportée par des tiers (enfants et amis) et la durée des travaux (7 ans). Elle s’appuie aussi sur un calcul fait par l’intéressé du nombre d’heures consacrés aux travaux, calcul conforté par des devis remis par des professionnels de la construction.

La Cour en conclut dès lors que les travaux ont été limités à la gestion normale des biens propres, de sorte que la décision administrative n’est pas justifiée.

Intérêt de la décision

L’on remarque, à travers l’arrêt, l’importance accordée aux éléments du dossier du chômeur quant à la nature, l’ampleur et la destination des travaux, dossier qui, en l’espèce, apparaît bien étoffé.

Il faut par ailleurs noter que la Cour du travail examine la notion de travail pour propre compte sous l’angle de la question de la « gestion normale des biens propres », relevant que le critère de l’intégration dans le courant des échanges économiques de biens ou de services est pratiquement toujours rempli. Pour apprécier le critère retenu, elle se réfère à l’alinéa 5 de l’article 45, étant les conditions précisées par la réglementation pour que l’activité soit reconnue comme limitée à la gestion normale des biens propres. Elle les passe en revue un à un (but de lucre, accroissement de la valeur du patrimoine et incidence de l’ampleur de l’activité sur la disponibilité du chômeur).

L’on avait déjà pu relever que cet alinéa est illégal (voir les arrêts des 24 janvier et 28 mars 2006 de la Cour du travail de Liège également disponible dans cette rubrique), de sorte que l’examen de l’ensemble de ces critères n’est plus pertinent.


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