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Validité d’une clause contractuelle par laquelle un licenciement n’interviendra que moyennant paiement d’une indemnité et non par la prestation du préavis

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 septembre 2017, R.G. 2016/AB/549

Mis en ligne le mardi 13 mars 2018


Cour du travail de Bruxelles, 5 septembre 2017, R.G. 2016/AB/549

Terra Laboris

Par arrêt du 5 septembre 2017, confirmant la conclusion du tribunal du travail, la Cour du travail de Bruxelles admet la validité d’une clause contractuelle par laquelle les parties se sont mises d’accord de n’envisager qu’un mode de rupture (en dehors du motif grave), étant le paiement de l’indemnité compensatoire de préavis, sans préavis à prester.

Les faits

Une société engage une « project manager » en 2007. Le contrat contient une clause spécifique, fixant conventionnellement l’indemnité de rupture à douze mois en cas de licenciement, le préavis « légal » étant cependant prévu si l’employée devait démissionner.

Sept ans plus tard, l’intéressée est licenciée moyennant annonce d’un préavis à prester de douze mois. Le licenciement est motivé par son attitude et son positionnement par rapport à la stratégie et aux valeurs de la société.

L’intéressée conteste devoir prester le préavis notifié. Elle tombe en incapacité de travail et, l’employeur refusant de modifier sa décision au motif que le choix était « d’ordre public », une procédure est introduite devant le Tribunal du travail du Brabant wallon.

Le jugement du tribunal du travail

Celui-ci s’est prononcé par jugement du 16 février 2016, confirmant qu’en application de la clause, l’indemnité prévue devait être versée, hors l’hypothèse d’un motif grave, condition contenue dans le contrat mais non réalisée en l’espèce.

Dans la mesure où l’employeur bénéficiait de deux modes de rupture autorisés (avec ou sans préavis), rien n’empêchait que les parties conviennent de l’une des deux modalités plutôt que de l’autre.

La convention ayant été valablement conclue, il y avait lieu pour l’employeur de l’exécuter de bonne foi.

Il a dès lors décidé que la société était redevable de l’indemnité de rupture de douze mois.

Celle-ci interjette appel.

La décision de la cour

La cour souligne, dans des remarques préliminaires sur l’appel, que la société se limite à réitérer ses moyens et arguments tels que développés devant le premier juge et qu’elle ne démontre pas d’erreur de droit ou de fait dans la motivation développée par le tribunal.

Elle procède assez longuement à sa propre appréciation de la clause, signalant qu’elle rejoint la conclusion du premier juge, la disposition en cause ne prévoyant nullement la possibilité d’un préavis à prester.

Elle rejette le recours fait par la partie appelante à l’article 1158 du Code civil, selon lequel les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans celui qui convient le plus à la matière du contrat. Pour la cour, il n’y a pas deux sens possibles à la clause rédigée par les parties. Il y a eu au contraire une volonté clairement exprimée de ne prévoir qu’une modalité en cas de rupture, étant le paiement de l’indemnité. Les termes de la clause sont clairs, précis et non ambigus. En outre, la cour s’appuie sur la précision apportée dans le contrat quant à l’hypothèse d’une démission, étant que, dans ce cas, il y aurait un préavis à prester et que celui-ci serait le préavis légal. Pour la cour, cette disposition aurait été inutile si la possibilité du préavis était maintenue dans l’hypothèse du licenciement.

Quant au caractère d’ordre public des articles 32, 3°, 82 et 39 de la loi du 3 juillet 1978 invoqué par la société, la cour corrige, précisant qu’il s’agit de dispositions unilatéralement impératives.

Aucun problème d’interprétation ne peut dès lors se poser.

La cour souligne encore que la réaction de l’intéressée (qui était en congé au moment où elle a été licenciée) a été rapide et que celle-ci a dès lors fait état de son désaccord de manière très claire. Si elle a poursuivi pendant quelque temps les relations, il n’y a pas là autre-chose qu’une mesure de préservation de ses droits, l’intéressée étant consciente des conséquences d’une inexécution de ses prestations au cas où la décision judiciaire ne lui serait pas favorable.

La décision du premier juge est dès lors confirmée sur la question de principe.

Est encore à régler le sort des prestations accomplies par l’intéressée après la notification de la rupture. Ces prestations sont indues et le premier juge les a considérées comme étant « non restituables ». Il a en conséquence décidé que les montants afférents au paiement de celles-ci devaient être déduits de l’indemnité de rupture.

La cour confirme cette position, constatant que, si l’intimée a presté à titre conservatoire, ses prestations n’ont pas été faites en accomplissement d’un préavis ni en vertu d’un contrat de travail, le contrat liant les parties étant devenu inexistant et aucun autre contrat n’ayant été conclu. La cour fait dès lors grief à l’intéressée de ne pas justifier la base légale de sa demande sur ce point. Dans la mesure où elle n’a pas introduit de demande de dommages et intérêts alors qu’elle invoquait le comportement fautif de l’employeur, la décision du tribunal est confirmée sur ce point également.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles renvoie à des règles d’interprétation des conventions, étant celles du droit civil, applicables en cas de clause pouvant avoir deux sens.

En l’espèce, cependant, la clause contractuellement acceptée par les parties en 2007 est claire et ne peut faire l’objet d’une interprétation contraire à ses termes.

Par ailleurs, si le droit de mettre un terme au contrat de travail est d’ordre public, s’agissant d’une prérogative patronale dont ce caractère n’est pas contesté, les articles relatifs aux modalités de rupture, prévus dans la loi du 3 juillet 1978, sont des dispositions n’ayant pas le caractère de dispositions d’ordre public, mais de dispositions unilatéralement impératives en faveur du travailleur.


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