Terralaboris asbl

L’ONEm supporte également des obligations (motivation formelle et accompagnement)

Commentaire de Trib. trav. Verviers, 6 novembre 2006, R.G. 1.732/05

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Tribunal du travail de Verviers, 6 novembre 2006, R.G. 1.732/2005

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Par jugement du 6 novembre 2006, le Tribunal du travail de Verviers revient sur les obligations de l’ONEm dans le cadre de son rôle de contrôle de la recherche active d’emploi. Les décisions appréciant le caractère suffisant des efforts de recherche d’emploi et les mesures figurant au contrat doivent être formellement motivées et être adéquates par rapport au profil des intérêts et de leur sous-région. Par ailleurs, l’ONEm est tenu d’apprécier son rôle dans le cadre d’une « contractualisation du droit »

Les faits

Mme G. bénéfice d’allocations d’attente au taux chef de famille depuis le 10 octobre 2003.

Elle est convoquée par l’ONEm dans le cadre des nouvelles dispositions sur le contrôle de la recherche active d’emploi. Un entretien se déroule le 24 décembre 2004, portant sur la période du 18 novembre 2003 au 18 novembre 2004. A ce moment, Mme G. est enceinte de son troisième enfant.

Elle signale, au cours de ce 1er entretien, qu’elle n’a pas effectué de recherche d’emploi les 12 derniers mois, devant s’occuper de ses deux enfants en bas âge.

La recherche d’emploi est jugée insuffisante et elle se voit proposer la signature d’un contrat, prévoyant les actions suivantes : contacter le FOREM, s’inscrire auprès de 4 bureaux d’intérim et répondre aux offres d’emploi proposées dans ce cadre, suivre les offres d’emploi publiées sur l’internet et répondre à au moins 8 offres, se présenter auprès de Carrefour Formation en vue de rechercher un emploi de vendeuse dans le secteur de l’habillement.

Le deuxième entretien se déroule le 6 septembre 2005. Il ressort de celui-ci que Carrefour Formation avait été contacté par l’intermédiaire du FOREM, en vue d’une formation de 6 mois comme vendeuse mais que Mme G. ne l’a pas suivie du fait de problèmes familiaux, que les offres d’emploi proposées par le FOREM imposaient de trop longs déplacements, qu’elle ne s’est pas inscrite auprès d’agences d’intérim, ayant dû porter plainte contre son compagnon pour coups et blessures et enfin qu’elle n’a pu suivre les offres d’emploi sur l’internet faute de connexion.

Le facilitateur estime le contrat non respecté, de sorte que l’ONEm sanctionne la chômeuse (exclusion temporaire du bénéfice des allocations pendant 4 mois).

Elle introduit un recours auprès du Tribunal, indiquant dans sa requête qu’elle a trois jeunes enfants mais être d’accord pour travailler dans le futur.

La décision du tribunal

Le Tribunal estime la sanction infligée comme inadéquate en ses motifs mais également que l’action administrative est constitutive d’excès ou de détournement de pouvoir.

Le Tribunal estime en effet que la sanction ne peut être appliquée que si l’ONEm a respecté les conditions de procédure ou de fond.

En l’espèce, il s’agit des décisions prises antérieurement, dans le cadre du processus réglementaire, décisions reconnues comme des « actes détachables ». Parmi celles-ci figurent la décision par laquelle le directeur estime les efforts fournis insuffisants ainsi que celle par laquelle il détermine les actions concrètes à prendre par le travailleur. Ces décisions doivent être formellement motivées, ce qui n’est pas le cas, alors que la motivation est nécessaire à l’appréciation que doit porter le Tribunal.

Le Tribunal relève que ce défaut de motivation est d’autant plus contestable que les critères dégagés par la réglementation en matière d’appréciation des efforts et des choix des actions concrètes n’ont pas été respectés, les actions n’étant pas adaptées à la situation sociale, familiale et scolaire de l’intéressée, ni à l’offre concrète du marché sub-régional ni encore aux possibilités concrètes offertes par les transports en commun de la sous-région.

En l’absence de motivation, le Tribunal estime ne pas pouvoir confirmer que l’ONEm a concrètement apprécié les efforts de l’intéressée ou a imposé des actions appropriées à ses possibilités.

Par ailleurs, le Tribunal relève qu’il apparaissait évident qu’à défaut d’assistance, les carences de l’intéressée, bien perceptibles lors du 1er entretien, subsisteraient et entraîneraient la mesure litigieuse. Le Tribunal estime que les actions proposées auraient dès lors dû faire l’objet d’un accompagnement par l’ONEm.

Il se fonde à cet égard sur la notion de contrat repris dans la réglementation (article 59 quinquies, § 5 et 6 A.R. 21 novembre 1991), qui implique une contrepartie à l’activité demandée au chômeur, contrepartie à charge de l’ONEm, qui ne peut que consister en une activité d’accompagnement par l’ONEm lui-même. Pour le Tribunal, l’action du chômeur en vue de la recherche d’un emploi dans le cadre du contrat suppose non de recevoir des injonctions de l’Office mais de collaborer avec celui-ci (selon les termes de l’article 24, § 1er, alinéa 3, 5° de l’arrêté royal du 21 novembre 2005).

Le Tribunal reproche ainsi à l’ONEm de ne pas concevoir son rôle réglementaire dans le sens d’une réelle « contractualisation du droit ».

Intérêt de la décision

Il existe encore peu de jurisprudence relative aux obligations concrètes de l’ONEm dans le cadre de cette réglementation et le jugement en cause applique à la lettre les nouvelles dispositions quant au contenu concret de celles-ci.

Notons que l’Auditorat du travail avait quant à lui développé une thèse intéressante, étant que, s’agissant d’examiner si le chômeur a respecté les engagements souscrits au contrat (le non respect fondant la sanction contestée), il appartient au Tribunal d’examiner la légalité des décisions (détachables du contrat lui-même) par lesquelles l’ONEm a estimé les efforts insuffisants et a choisi les actions concrètes qui seront reprises au contrat. Ces décisions doivent se conformer aux critères fixés par l’article 59quater (AR 21 11 1991) et la liste annexée à l’arrêté ministériel (5 juillet 2004), et être formellement motivées.

S’il apparaît que le choix des actions est manifestement disproportionné à la situation personnelle de l’intéressée sur le marché sub-régional de l’emploi, le contrat est entaché d’illégalité, de sorte que le Tribunal ne peut examiner le respect des obligations y contenues.

N.B. : Voir néanmoins le contenu de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2008 (R.G. S.07.0082.F)


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