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Economie collaborative : UBER et la Cour de Justice de l’Union européenne

Commentaire de C.J.U.E., 20 décembre 2017, Aff. n° C-434/15 (ASOCIACIÓN PROFESIONAL ELITE TAXI c/ UBER SYSTEMS SPAIN SL)

Mis en ligne le mardi 30 janvier 2018


Cour de Justice de l’Union européenne, 20 décembre 2017, Aff. n° C-434/15 (ASOCIACIÓN PROFESIONAL ELITE TAXI c/ UBER SYSTEMS SPAIN SL)

Economie collaborative : UBER et la Cour de Justice de l’Union européenne

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Une association de taxis de la Ville de Barcelone (Asociación Profesional Elite Taxi) a introduit un recours devant le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona (tribunal de commerce) aux fins de faire constater par cette juridiction qu’il y a violation de la réglementation en vigueur, dans le chef de Uber Systems Spain, vu le recours à des pratiques trompeuses et des actes de concurrence déloyale. L’association demande également que Uber Systems Spain soit condamnée à mettre fin à son comportement déloyal, qui consiste à assister d’autres sociétés du groupe en leur fournissant des services de réservation à la demande, et ce au moyen d’appareils mobiles et d’internet. Est enfin demandée l’interdiction pour Uber Systems Spain d’exercer cette activité à l’avenir.

Pour le juge espagnol, il s’agit de vérifier si cette société doit ou non disposer d’une autorisation administrative préalable, étant qu’il faut voir si les services fournis sont des services de transport, de services propres à une société de l’information, ou une combinaison des deux. De cette qualification va dépendre l’obligation ou non de demander une autorisation administrative préalable. Sur le plan du droit européen, la question est de savoir si l’activité de Uber Systems Spain relève de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, ou de la Directive n° 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998 portant modification de la Directive n° 98/34/CE prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques. Est également visée la Directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et, notamment, du commerce électronique dans le marché intérieur (« Directive sur le commerce électronique »).

Les questions préjudicielles portent sur la qualification juridique du service en cause et non sur des éléments de fait. Les questions sont au nombre de quatre.

La Cour de Justice admet la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, même si la décision est considérée comme « succincte » dans sa référence aux dispositions nationales pertinentes. Elle permet en effet de comprendre le service fourni par Uber Systems Spain, qui est décrit avec la précision suffisante.

Pour la Cour de Justice, un service d’intermédiation qui consiste à mettre en relation un chauffeur non professionnel utilisant son propre véhicule et une personne qui souhaite effectuer un déplacement urbain constitue en principe un service distinct du service de transport, qui consiste en l’acte physique de déplacement de personnes ou de biens d’un endroit à un autre au moyen d’un véhicule.

Chacun des services pris isolément est susceptible d’ailleurs d’être rattaché à différentes directives ou dispositions du Traité FUE relatives à la prestation de services.

Un service d’intermédiation peut entrer dans la qualification de « service de la société de l’information » (Directive n° 2000/31), s’agissant d’un service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services. Par contre, un service de transport urbain non collectif (ainsi service de taxis) est un « service dans le domaine des transports » (Directive n° 2006/123/CE).

Vu les particularités des services offerts par Uber Systems Spain, la Cour considère que cette activité d’intermédiation doit être considérée comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport. Elle correspond non pas à la qualification de « service de la société de l’information » mais à celle de « service dans le domaine des transports ». La Cour répond dès lors que ce service doit avoir la qualification de service dans le domaine des transports au sens de l’article 58, § 1er, TFUE, et doit être exclu du champ d’application de l’article 56, TFUE, ainsi que de la Directive n° 2006/123 et de la Directive n° 2000/31.

Dans la mesure où ce secteur (services de transport urbain non collectif et services qui leur sont indissociablement liés, tels que services d’intermédiation visés) n’a pas donné lieu à l’adoption de règles communes, il revient aux Etats membres de réglementer les conditions de prestation de ceux-ci dans le respect des règles générales du Traité FUE.

La Cour limite son examen à ces questions, les autres étant devenues sans intérêt.

Le dispositif de l’arrêt est le suivant :

L’article 56 TFUE, lu conjointement avec l’article 58, § 1er, TFUE, ainsi que l’article 2, § 2, sous d), de la Directive n° 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, et l’article 1er, point 2, de la Directive n° 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la Directive n° 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998, auquel renvoie l’article 2, sous a), de la Directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« Directive sur le commerce électronique »), doivent être interprétés en ce sens qu’un service d’intermédiation, tel que celui en cause au principal, qui a pour objet, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation, contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain, doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport et comme relevant, dès lors, de la qualification de « service dans le domaine des transports », au sens de l’article 58, § 1er, TFUE. Un tel service doit, partant, être exclu du champ d’application de l’article 56 TFUE, de la Directive n° 2006/123 et de la Directive n° 2000/31.


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