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Un ressortissant d’un Etat tiers ayant obtenu le statut de résident de longue durée dans un autre Etat membre, a-t-il automatiquement droit aux allocations de chômage s’il vient travailler en Belgique ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 juin 2017, R.G. 2014/AB/877

Mis en ligne le mardi 28 novembre 2017


Cour du travail de Bruxelles, 22 juin 2017, R.G. 2014/AB/877

Terra Laboris

Par arrêt du 22 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles reprend les règles, en la matière, tant au niveau européen qu’au niveau du droit interne.
Le droit à la libre circulation n’implique pas automatiquement le droit au séjour.

Les faits

Un ressortissant tunisien a obtenu en Italie le statut de résident de longue durée en vertu des dispositions de la Directive européenne 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers, résidents de longue durée.

Après avoir travaillé plus de deux ans en Italie, il vient en Belgique. Il obtient un permis de travail et demande un permis de séjour (même directive – transposée par la loi du 25 avril 2007 insérant un article 61/7 dans la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l‘éloignement des étrangers).

Il tombe ultérieurement au chômage. Il ne remplit pas, pour l’ONEm, la condition de stage, certaines journées de travail, étant celles antérieures à l’obtention du permis de séjour, n’étant pas pris en compte.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail de Nivelles (div. Wavre).

Ayant été débouté de celui-ci, l’intéressé interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelant demande la prise en compte des journées prestées depuis l’obtention du permis de travail, ce qui est suffisant pour remplir cette condition en application de l’article 32, 2° de l’arrêté royal (deux tiers au moins du nombre de jours de travail requis par l’article 30 et huit journées de travail dans les dix ans précédant la période de référence pour chaque journée manquante).

Bénéficiant d’un permis de séjour vu son statut de résident de longue durée européen, ce bénéfice devait, pour lui, également lui être accordé dans un autre Etat membre dans la mesure où il comptait y exercer une activité. Pour lui, le droit de travailler implique nécessairement l’existence du droit de séjour correspondant.

Pour l’ONEm, il ressort des articles 43 et 69 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 que le travailleur étranger qui demande le bénéfice des allocations de chômage doit satisfaire à la législation relative aux étrangers de même qu’à celle sur l’occupation de la main d’œuvre étrangère. Sans permis de séjour, le séjour est illégal.

Décision de la cour

La cour reprend les articles 30 et 32 de l’arrêté royal, relatifs au nombre de journées auxquelles il faut satisfaire pendant la période de référence pour être admissible aux allocations de chômage.

Pour que du travail soit pris en considération qu’il ait été effectué conformément à la loi relative à l’occupation de la main d’œuvre étrangère. Il faut dès lors à la fois le permis de travail et le permis de séjour.

La question spécifique en l’espèce est le bénéfice du statut de résident de longue durée dans un autre Etat de l’Union, ce qui permet à l’intéressé d’exercer son droit à la libre circulation. Pour la cour se pose la question de savoir si ceci implique nécessairement l’octroi d’un permis de séjour dans les autres pays de l’Union. La Directive européenne 2003/109/CE du 25 novembre 2003 impose à l’étranger, dans cette situation, de demander un permis de séjour dans l’Etat membre où il se déplace dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après son arrivée.

Des conditions peuvent alors être mises par les Etats membres pour l’octroi de celui-ci, étant (i) l’existence de ressources et (ii) une assurance maladie.

En outre, peut être exigé par les Etats que ces personnes satisfassent à des mesures d’intégration conformément au droit national.

Cette norme européenne a été exécutée par l’article 61/7 de la loi du 15 décembre 1980, introduit par la loi du 25 avril 2007 ci-dessus. Le droit belge prévoit ainsi pour l’étranger ayant le statut de résident de longue durée U.E. (en vertu d’un titre délivré par un autre Etat membre) que doit lui être accordée l’autorisation de séjour de plus de trois mois - s’il l’introduit ! – dès lors qu’il remplit, et qu’aucune raison d’ordre public ou de sécurité nationale ne s’y oppose, les trois conditions suivantes : (i) exercer une activité salariée ou non salariée en Belgique, (ii) poursuivre des études ou une formation professionnelle ou (iii) venir en Belgique à d’autres fins.

L’étranger doit donc introduire une demande et celle-ci fera l’objet de vérifications vu les conditions requises par la loi. Le droit au séjour ne sera obtenu qu’au jour où le permis sera délivré (sauf exceptions). En l’occurrence le permis de séjour a été délivré tardivement (vu qu’il doit l’être dans un délai de quatre mois, qui n’a pas été respecté, situation dans laquelle normalement l’autorisation de séjour doit être délivrée à l’échéance). A supposer, comme le relève la cour, que l’on retienne la fin de ce délai comme date à laquelle le permis aurait dû exister, la période de travail se trouve légèrement allongée mais le résultat final n’est pas modifié.

Enfin, la cour relève que l’intéressé renvoie à la jurisprudence de la CJUE (dont CJUE, 8 novembre 2012, C-268/11, Gûlbahce). Il s’agit d’affaires turques. La cour relève le statut spécifique des travailleurs turcs, en exécution de la décision n° 1/80 du Conseil d’association du 19 septembre 1980, situation qui n’est pas transposable pour tout résident de longue durée.

Intérêt de la décision

La spécificité de cet arrêt est d’examiner le droit aux allocations de chômage pour les travailleurs ressortissants d’Etats tiers ayant obtenu dans un autre Etat membre de l’Union le statut de résident de longue durée, conformément à la Directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut de ces ressortissants.

Cette disposition permet à ceux-ci d’exercer leur droit à la libre circulation, ceci n’impliquant cependant pas le droit automatique à bénéficier d’un permis de séjour dans tous les Etats membres.

La cour relève que la Directive contient un premier corps de règles fixant les conditions auxquelles les Etats membres peuvent soumettre l’octroi d’un permis de séjour, étant d’une part d’avoir des ressources stables et régulières, suffisantes pour l’entretien de la personne en cause ainsi que des membres de sa famille, sans recourir à l’aide sociale de l’Etat concerné, ainsi que l’exigence d’une assurance maladie couvrant sur le territoire tous les risques normalement couverts pour les ressortissants de l’Etat membre lui-même.

Il peut également être exigé de satisfaire à des mesures d’intégration spécifiques.

En exécution de ces règles-cadre, la Belgique a introduit dans la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, sur le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, un article 61/7 qui fixe les conditions auxquelles l’étranger doit satisfaire pour voir sa demande examinée (et acceptée). La cour rappelle en outre que la demande d’autorisation de séjour doit être introduite conformément aux articles 9 et 9bis de la loi et qu’elle doit l’être dans un délai de trois mois au plus tard après l’entrée sur le territoire.


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