Terralaboris asbl

Notion d’institution de soins dans la législation relative aux prestations pour personnes handicapées

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 19 avril 2017, R.G. 16/2.801/A

Mis en ligne le vendredi 29 septembre 2017


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 19 avril 2017, R.G. 16/2.801/A

Terra Laboris

Par jugement du 19 avril 2017, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles précise la notion d’institution de soins visée à l’arrêté royal du 6 juillet 1987, s’agissant en l’espèce de séjours effectués par une personne souffrant d’un handicap mental.

Les faits

L’Etat belge alloue à un demandeur d’allocations une allocation de remplacement de revenus (catégorie A), ainsi qu’une allocation d’intégration (catégorie 3), en octobre 2011. En novembre 2015, il notifie une indu de l’ordre de 5.000 euros.

L’intéressé est célibataire et âgé d’un peu plus de 20 ans. Il a changé deux fois d’adresse entre 2011 et 2015. Par ailleurs, un centre d’hébergement (centre d’hébergement Pierre Jurdant) atteste de ce qu’il a séjourné de nuit en son sein pendant 2 ans (novembre 2013 – octobre 2015). Il s’avère qu’il participait également à des activités de jour au sein de cette A.S.B.L.

Suite à la demande d’allocations qu’il avait introduite en octobre 2011, lui furent allouées les prestations ci-dessus. Une révision d’office intervint en avril 2014, augmentant l’A.R.R. (en catégorie B) et maintenant l’A.I. en catégorie 3.

C’est la modification de catégorie effectuée par l’Etat belge dans sa décision ultérieure, du 20 octobre 2015 (ramenant l’A.R.R. à la catégorie A), qui est l’objet du litige.

Ultérieurement, en 2016, est réattribuée une catégorie B, tenant compte du fait que l’intéressé vit à nouveau dans le centre qui l’avait hébergé précédemment.

La décision du tribunal

Le tribunal doit déterminer si la situation qui lui est présentée permet de retenir la catégorie A ou la catégorie B.

Le passage de la catégorie B à la catégorie A se fonde sur la circonstance que l’attestation de séjour du centre mentionne que l’intéressé n’y résidait que la nuit et non le jour. La modification intervenue en 2016 aura, quant à elle, comme fondement la domiciliation à l’adresse du centre.

Pour le tribunal, l’Etat belge considère ainsi que doivent rentrer dans la catégorie B uniquement les personnes handicapées qui soit vivent seules, soit séjournent nuit et jour dans une institution de soins depuis 3 mois au moins (et qui n’appartenaient pas à la catégorie C auparavant).

Se pose ainsi la définition de l’institution de soins et, à ce propos, le tribunal rappelle qu’il peut s’agir à la fois d’un hôpital, d’un centre de revalidation, d’un home ou d’une maison de repos.

S’agissant d’une personne qui a un handicap mental, il faut entendre par « soins » non seulement les soins médicaux, mais également un ensemble d’actes permettant de veiller au bien-être de la personne handicapée.

En l’espèce, il s’agit d’un centre qui accueille une vingtaine de personnes dans un cadre familial, celles-ci présentant un handicap mental (léger à modéré) et qui a pour objectif de leur permettre de prendre part à la société.

Renvoyant au site-web de Bruxelles Social, le tribunal retient que sont notamment visées des activités d’apprentissage, d’occupation, de réadaptation adaptée, ainsi que la possibilité de séjour, l’ensemble existant à côté de traitements médicaux ou psychologiques nécessaires.

Une convention d’hébergement est signée avec les personnes hébergées et celle-ci précise les obligations des parties dans le cadre d’un projet pédagogique individualisé. Pour le tribunal, il s’agit dès lors bien d’une institution de soins (la disposition précisant cependant qu’il faut que le séjour soit effectué « nuit et jour » et qu’il soit de 3 mois au moins).

Le séjour ne doit cependant pas viser une seule institution, le tribunal renvoyant à sa jurisprudence, selon laquelle une personne handicapée doit pouvoir passer d’un centre à un autre sans pour autant que la durée requise ne soit ainsi interrompue. De même, rien n’empêche la personne handicapée de scinder ses journées, étant de nuit dans une institution et de jour dans une autre.

En l’occurrence, le séjour de jour est externalisé via une autre A.S.B.L., auprès de laquelle il est prévu une activité en journée, et ce dans la convention d’hébergement elle-même.

La deuxième A.S.B.L. impliquée est également comprise, par le tribunal, comme une institution de soins, puisqu’elle a pour objectif de contribuer à l’épanouissement des personnes handicapées mentales et de favoriser leur intégration et leur reconnaissance sociale. Pour ce, l’A.S.B.L. assure une prise en charge globale des personnes accueillies dont la dépendance ne leur permet pas de s’intégrer même dans un établissement de travail adapté.

Le tribunal conclut, ainsi, que l’intéressé séjourne de nuit dans une institution de soins et de jour dans une autre. Il doit dès lors relever de la catégorie B. Le retour à la catégorie A ne se justifie dès lors pas et la décision est annulée, de même que celle de récupération de l’indu.

Intérêt de la décision

Le tribunal fait ici une application réaliste de la réglementation, étant que l’octroi de l’A.R.R. en catégorie B pour les personnes qui séjournent nuit et jour dans une institution de soins pour une durée de 3 mois au moins n’est pas soumis à d’autres conditions que la réunion de ces trois critères : l’établissement doit être une institution de soins, le séjour ne doit pas concerner un seul établissement eu égard aux critères de durée minimale de 3 mois et il peut également en même temps concerner deux établissements de soins, l’un de jour et l’autre de nuit.

L’on notera également que, sur la notion d’institution de soins, le tribunal admet, s’agissant d’une personne présentant un handicap mental, que peut avoir ce caractère un centre qui aide les personnes handicapées afin de promouvoir leur réinsertion dans la vie sociale et qui met en œuvre des moyens tels que l’apprentissage, l’occupation, le séjour, la réadaptation adaptée, ceux-ci étant joints à toute mise au point et à tous traitements médicaux ou psychologiques nécessaires.

Est ainsi admis que rentre dans la définition un centre ayant pour objet de contribuer à l’épanouissement des personnes handicapées mentales et qui prend celles-ci en charge dans la mesure où leur dépendance ne leur permet de s’intégrer dans le monde du travail.

Par « soins », il ne faut dès lors pas comprendre que ne seraient visés que des soins médicaux au sens strict.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be