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Accident du travail lors d’un retour au domicile pendant le temps de repos

Commentaire de Cass., 15 mai 2017, n° S.16.0081.F

Mis en ligne le vendredi 29 septembre 2017


Cour de cassation, 15 mai 2017, n° S.16.0081.F

Terra Laboris

Par arrêt du 15 mai 2017, la Cour de cassation reprend les règles en matière de chemin du travail, contenues à l’article 8 de la loi du 10 avril 1971, et ce à l’occasion d’un accident survenu pendant la pause de midi.

Le litige

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu le 9 juillet 2014 par la Cour du travail de Mons. Dans cet arrêt, la Cour du travail de Mons avait admis qu’un accident survenu à un travailleur pendant l’heure de midi, alors qu’il était rentré à son domicile pour prendre son repas et emporter une attestation médicale, était un accident sur le chemin du travail (chute sur le chemin du retour).

Il s’agissait d’une fonctionnaire occupée dans une administration de la Ville de Mons ayant fait une chute vers 13h00 alors qu’elle circulait à vélo sur le trajet entre sa résidence et son lieu de travail. Cette fonctionnaire était occupée à temps plein.

Pour l’employeur public, le fait accidentel ne pouvait constituer un accident du travail, dans la mesure où l’intéressée était rentrée à son domicile pendant la pause de midi et que l’accident s’était produit sur le chemin du retour, trajet effectué pour des raisons personnelles.

La cour du travail avait fait droit à la demande, constatant que le motif tiré de la prescription médicale (qui avait été remise par le médecin à son époux dans la matinée et dont elle avait un besoin impérieux) était avéré. Elle avait également considéré que le fait pour l’intéressée de choisir de prendre son repas à domicile parce qu’elle avait éprouvé la nécessité de se procurer un médicament ne pouvait pas faire échec à l’application de la loi.

L’Etat belge s’est pourvu en cassation.

La décision de la Cour de cassation du 15 mai 2017

La Cour répond en premier lieu à une fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la travailleuse, déduite de ce que le pourvoi était formé sur les poursuites et diligences de la cellule accidents du travail au nom du Ministre des Finances pour l’Etat belge. La Cour rejette cette fin de non-recevoir, dans la mesure où la cellule accidents du travail est le service désigné pour suivre la procédure dans l’organisation interne de l’administration. L’Etat belge est dès lors valablement représenté par le Ministre des Finances.

Sur le fond, se pose la question de savoir si la situation visée est couverte par l’article 8 de la loi du 10 avril 1971. La Cour de cassation reprend les constatations de l’arrêt de la cour du travail, selon lesquelles l’intéressée est effectivement rentrée à son domicile pendant son temps de repos (celui-ci pouvant s’étendre de 11h45 à 14h00), qu’elle y a pris son repas et qu’elle a été victime d’une chute alors qu’elle circulait à vélo, les juges d’appel ayant par ailleurs constaté que l’intéressée se trouvait sur le trajet normal entre sa résidence et son lieu de travail.

Pour la Cour suprême, il est dès lors constaté que l’accident est survenu pendant la pause du midi sur le trajet du retour, ce trajet étant normal dans l’espace et dans le temps.

La Cour reprend, pour examiner cette question d’utilisation de la pause de midi, les règles applicables dans la loi du 3 juillet 1967 d’abord et dans celle du 10 avril 1971 ensuite.

En effet, la loi du 3 juillet 1967 (concernant le secteur public) renvoie, pour l’accident survenu sur le chemin du travail, à l’article 8 de la loi du 10 avril 1971 (secteur privé). C’est l’article 2, alinéa 3, 1°.

L’analyse se poursuit, dès lors, dans le cadre de l’article 8. Son § 1er, alinéa 1er, pose le principe que l’accident survenu sur le chemin du travail est un accident du travail. L’alinéa 2 définit le trajet normal, étant celui que le travailleur doit parcourir entre sa résidence et le lieu d’exécution du travail (et inversement). Une assimilation est prévue, quant aux divers trajets que le travailleur peut être amené à emprunter et l’article 8, § 2, 1°, vise précisément le trajet entre le lieu du travail et le lieu où le travailleur prend ou se procure son repas (et inversement).

Cette disposition exige que le trajet soit celui qui est parcouru depuis le lieu du travail (et inversement), après que le travailleur a pris ou s’est procuré son repas, vers ce même lieu du travail. L’accident intervient ainsi pendant une interruption du travail. Le trajet doit répondre aux conditions légales, étant qu’il doit être normal dans l’espace et dans le temps.

Pour la Cour de cassation, ces dispositions n’excluent pas que le travailleur choisisse pour des raisons étrangères au repas le lieu où il prend ou se procure celui-ci.

La cour du travail ayant fait les constatations ci-dessus et celles-ci ayant permis à la Cour de cassation de vérifier que l’accident s’est produit pendant la pause de midi sur le trajet requis et que ce trajet est normal, il est conclu que l’arrêt a justifié légalement sa décision qu’il y avait chemin du travail. La cour du travail a en effet visé en outre le fait que le choix de la défenderesse de prendre son repas à domicile a été guidé par la nécessité de se procurer un médicament et que ceci ne fait pas échec à l’application de l’article 8, § 2, 1°.

Le pourvoi est dès lors rejeté.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Mons du 9 juillet 2014 (C. trav. Mons, 9 juillet 2014, R.G. 2013/AM/399 – précédemment commenté) avait repris l’ensemble des éléments requis pour que l’accident soit retenu comme étant un accident du travail.

Dans le commentaire fait sous cet arrêt, nous avions rappelé que la Cour du travail de Mons avait dégagé une solution, qui est la combinaison de deux règles, étant d’une part celle de l’occupation normale du temps (ou de la pause) de midi et, d’autre part, celle de la distinction à opérer selon que le travailleur est ou non sous l’autorité de l’employeur.

Le tribunal du travail avait retenu que l’intéressée avait quitté le travail pour des raisons de convenances personnelles, mais la cour du travail avait abordé la question à partir de l’usage normal du temps de midi, qui avait été retenu en l’espèce. Elle avait précisé que l’intéressée était autorisée à choisir le lieu de son repas de midi et que, de ce fait, le retour était considéré comme normal, même si, en l’espèce, il s’était accompagné d’une circonstance complémentaire (le médicament).

La Cour de cassation confirme cette conclusion et dégage un principe, étant que l’article 8, § 1er, alinéas 1er et 2, ainsi que § 2, 1°, n’exclut pas que le travailleur choisisse pour des raisons étrangères au repas le lieu où il prend ou se procure celui-ci.


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