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Congé parental : droit à l’allocation d’interruption

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Dinant), 10 février 2017, R.G. 16/27/A

Mis en ligne le jeudi 31 août 2017


Tribunal du travail de Liège, division Dinant, 10 février 2017, R.G. 16/27/A

Terra Laboris

Par jugement du 10 février 2017, le Tribunal du travail de Liège (division Dinant) rappelle la portée de la norme européenne fixée dans la Directive 2010/18/UE et dans l’accord-cadre européen du 18 juin 2009, ainsi que la latitude laissée aux Etats membres pour fixer le montant de l’indemnisation correspondante.

Les faits

Un membre de la Police fédérale introduit en août 2016 une demande d’interruption de carrière. Il s’agit d’une réduction du temps de travail pendant 20 mois pour raison parentale. L’autorisation lui est accordée par décision du mois de novembre.

L’ONEm fixe son allocation d’interruption à un montant de l’ordre de 220 euros pendant 15 mois et la réduit à 0 euro ensuite.

Un recours est introduit, l’intéressé faisant valoir l’accord-cadre européen du 18 juin 2009, la Directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, ainsi que l’arrêté royal du 20 juillet 2012 de transposition. Pour l’intéressé, cet arrêté royal est illégal, dans la mesure où il viole le principe d’égalité et de non-discrimination, s’appliquant différemment selon que les enfants sont nés avant ou après la date du 8 mars 2012 (s’agissant ici d’un enfant né après celle-ci).

La décision du tribunal

Le tribunal reprend l’accord-cadre sur le congé parental du 18 juin 2009, qui institue un droit au congé parental, mais non un droit à des prestations sociales en cas d’interruption de carrière, les Etats membres s’étant vus obligés de mettre en vigueur les dispositions de celui-ci au plus tard pour le 8 mars 2012, mais pouvant toutefois bénéficier d’un délai d’un an pour intégrer ces dispositions dans leur législation.

En Belgique, avant sa modification par l’arrêté royal du 20 juillet 2012, existait un arrêté royal du 7 mai 1999 relatif à l’interruption de carrière professionnelle du personnel des administrations.

Celui-ci fixait les conditions dans lesquelles le congé parental devait être autorisé et, notamment, quant à sa durée. Le tribunal précise qu’actuellement, le texte prévoit que le droit à l’allocation d’interruption pour les agents qui bénéficient d’un quatrième mois ou d’un autre régime équivalent n’est octroyé que pour les enfants nés ou adoptés à partir du 8 mars 2012, date de référence. Le congé, tel qu’organisé dans l’accord-cadre et qui doit être répercuté au niveau des Etats membres, est un congé d’un minimum de 4 mois (étant de 3 mois auparavant), congé devant être accordé jusqu’à ce que l’enfant ait au moins 8 ans (l’âge limite étant resté fixé à 12 ans). Pour le tribunal, il n’y a pas de disposition dans la directive ou dans l’accord-cadre qui imposerait un droit à une prestation sociale en faveur du parent qui prend ce congé, et ce pendant toute la durée de celui-ci. En Belgique, ce mécanisme a été transposé par la garantie d’un droit aux prestations pendant les trois premiers mois d’interruption (soit 15 mois d’interruption, à concurrence de 1/5e). Aucune prestation n’est due pour le 4e mois (soit 5 mois, en cas d’interruption de 1/5e). Pour le tribunal, il s’agit d’une augmentation des droits pour les enfants nés après la date du 12 mars 2012.

En l’espèce, l’intéressé conteste que cette mesure ne vaille pas avec effet rétroactif. Il invoque à la fois l’illégalité de l’arrêté royal pour défaut de consultation de la section législation du Conseil d’Etat et l’inconstitutionnalité de la disposition, vu l’introduction d’une discrimination selon la date à laquelle les enfants sont nés.

Sur le premier point, le tribunal conclut que l’urgence était motivée et justifiée. A supposer d’ailleurs qu’il y ait eu illégalité, celle-ci aurait eu pour conséquence l’annulation des dispositions modifiées, étant que le système antérieur était maintenu.

Pour ce qui est de la discrimination, le tribunal reprend la règle selon laquelle toute modification législative, quelle qu’elle soit, a toujours une date d’entrée en vigueur et que ceci entraîne une différence de traitement dans la situation des personnes visées selon qu’elles se trouvent avant ou après celle-ci.

Sur l’article 23 de la Constitution et le principe de standstill qu’il renferme, il rappelle que celui-ci ne confère pas de droit subjectif précis et n’interdit pas que le droit social soit modifié ou adapté en fonction des nécessités budgétaires et des évolutions sociales. En l’occurrence, il n’y a aucune diminution des droits qui pourrait être constatée mais, au contraire, majoration de ceux-ci pour les enfants nés après le 12 mars 2012.

Il rejette dès lors le recours.

Intérêt de la décision

Le point dégagé par ce jugement est la portée des garanties de l’accord-cadre européen et de la directive en la matière (Directive 2010/18/UE du 8 mars 2010), qui ne contiennent pas l’obligation pour les Etats membres d’assurer une prestation sociale dans le cadre du congé parental pris et, par ailleurs, les dispositions de droit interne, qui, en l’occurrence, ont été modifiées et ont élargi la durée du congé qui peut l’être.

Si celle-ci a été portée à 4 mois (le tribunal précisant que ceci pouvant revenir à un total de 15 mois + 5 mois en cas d’interruption de 1/5e), le législateur belge était autorisé à ne pas allouer d’indemnités pour la partie de la période qui a ainsi été élargie.

Aucune discrimination ne peut exister par rapport aux enfants nés sous le régime antérieur à l’introduction de cette modification de texte.


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