Terralaboris asbl

Instruction par l’ONEm d’une demande de remboursement d’indu et délai raisonnable

Commentaire de C. trav. Mons, 12 janvier 2017, R.G. 2015/AM/438

Mis en ligne le vendredi 28 juillet 2017


Cour du travail de Mons, 12 janvier 2017, R.G. 2015/AM/438

Terra Laboris

Par arrêt du 12 janvier 2017, la Cour du travail de Mons reprend les règles relatives au « délai raisonnable » de l’instruction par une institution de sécurité sociale d’un dossier de remboursement d’indu, rappelant les critères à prendre en compte pour que ce délai soit admissible. Elle rappelle également qu’il s’agit d’un principe dérivé de celui de bonne administration.

Les faits

Une enseignante quitte l’Algérie et s’installe en Belgique. Elle était nommée à titre définitif et a démissionné de ses fonctions en vue de son déménagement sur le territoire belge.

Elle bénéficie des allocations de chômage à son arrivée. Plus de deux ans plus tard, l’ONEm constate qu’elle ne pouvait les percevoir, au motif qu’elle était fonctionnaire et n’était pas assujettie à la sécurité sociale secteur chômage pour ses prestations en Algérie. Un indu de l’ordre de 9.000 euros lui est réclamé.

Elle introduit un recours devant le Tribunal du travail de Charleroi (division Charleroi).

Elle est déboutée de son recours et interjette appel.

Elle ne conteste plus, devant la cour, ne pas être admissible aux allocations de chômage, les débats portant sur le remboursement. Elle fait valoir l’absence de fraude dans son chef et, par contre, un manquement dans celui de l’ONEm, notamment un manquement à son obligation d’information ainsi que le non-respect du délai raisonnable. Les décisions administratives en cause datent en effet d’octobre 2014 et elle bénéficiait à ce moment des allocations depuis deux ans et cinq mois.

La décision de la cour

L’arrêté royal du 25 novembre 1991 prévoit en son article 169 l’hypothèse de la bonne foi, qui peut intervenir aux fins de limiter l’étendue de l’indu à rembourser. La cour rappelle à cet égard que le concept de bonne foi ne se confond pas avec l’absence d’esprit de fraude, cette dernière n’ayant pas d’incidence sur la récupération des allocations.

Il s’agit en l’espèce d’examiner le droit subjectif de l’intéressée aux prestations et la cour précise qu’en cas de constat d’illégalité d’une décision, le juge ne peut se limiter à en prononcer l’annulation. S’il y avait violation du principe de bonne administration, ceci serait sans incidence (hors règle de prescription) pour ce qui est de statuer sur le droit aux allocations et la récupération. La méconnaissance du principe du délai raisonnable (étant le non-accomplissement d’acte d’enquête pendant deux ans) ne peut remettre en cause la décision en tant qu’elle porte sur l’exclusion et la récupération.

Ceci pourrait cependant constituer une faute et le bénéficiaire des prestations pourrait agir sur la base du droit commun de la responsabilité. La cour rappelle ici un principe important dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 octobre 2010 (Cass., 14 octobre 2010, n° C.08.0451.F), selon lequel l’obligation de restituer l’indu ne constitue pas un dommage dès lors que celui sur lequel pèse cette obligation n’a aucun droit à l’avantage en cause.

La cour poursuit son examen en reprenant les règles de la Charte de l’assuré social, s’agissant de savoir s’il y a eu manquement à l’obligation d’information utile. L’arrêté royal du 25 novembre 1991 met à charge de l’ONEm et des organismes de paiement des obligations distinctes (articles 24 et 26bis), mécanisme dont il ressort que l’obligation est principalement à charge des O.P. Ceux-ci ne peuvent cependant exercer leur mission que s’ils sont informés des données relatives à la situation de la personne.

Or, les éléments produits ne permettaient pas de connaître la situation précise de l’intéressée – et la cour relève d’ailleurs que les éléments qui sont encore produits devant elle sont assez contradictoires. L’ONEm n’a dès lors pas commis de manquement à une obligation d’information et de conseil.

Resterait encore la question de savoir si la décision a été prise dans un délai raisonnable. La cour rappelle que ce principe est dérivé du principe général de bonne administration et qu’il doit dès lors trouver à s’appliquer à l’ensemble des décisions administratives. Pour conclure que le délai était raisonnable, il faut prendre en compte la question de savoir si l’autorité était en possession de tous les éléments de fait, renseignements et avis utiles.

Ce caractère raisonnable doit dès lors être examiné au cas par cas en tenant compte (i) de l’intérêt pour la personne concernée, (ii) de la complexité de la cause et (iii) de l’attitude des parties.

En conséquence, un long délai n’est pas une violation du principe si les motifs qui l’expliquent sont fondés (complexité, renseignements des administrations étrangères, etc.). Relevant encore que le dossier présentait une apparence de sérieux et que l’ONEm a procédé à une enquête longue et complexe présentant une composante internationale, le délai de deux ans peut être admis – vu notamment l’attitude de l’intéressée, qui est toujours restée assez « vague » sur son statut exact.

Intérêt de la décision

La notion de « délai raisonnable » n’est pas définie, le principe figurant cependant dans la C.E.D.H. Après avoir rappelé qu’il est un principe dérivé de celui de bonne administration, la cour souligne cependant qu’il doit être examiné essentiellement au regard de trois ordres de critères, étant l’intérêt pour la personne concernée, la complexité de l’affaire et l’attitude des parties. Aucune règle générale ne peut dès lors être dégagée quant à la fixation de ce délai dans le temps, les circonstances de la cause pouvant – comme en l’espèce – rendre un long délai d’instruction normal.

Relevons enfin que les critères relevés par la cour sont d’une part des critères objectifs (intérêt pour la personne concernée et complexité de la cause) et, de l’autre, des critères liés aux circonstances (essentiellement liés à l’attitude, c’est-à-dire à la collaboration du bénéficiaire des prestations sociales en cause).


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be