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Réorganisation judiciaire avec pour objet le transfert sous autorité de justice

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Liège), 18 janvier 2017, R.G. 16/7.479/A

Mis en ligne le jeudi 13 juillet 2017


Tribunal du travail de Liège, division Liège, 18 janvier 2017, R.G. 16/7.479/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 18 janvier 2017, le Tribunal du travail de Liège (division Liège) examine une demande faite en vue de permettre un transfert d’activité d’une société vers une autre, dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire, en vue du transfert sous autorité de justice au sens des articles 59 et suivants de la loi du 31 janvier 2009 sur la continuité des entreprises.

Les faits

Le Tribunal de commerce de Liège a été saisi d’une demande de réorganisation judiciaire et a, dans le cadre de celle-ci, désigné un mandataire de justice en vue d’organiser le transfert. Une offre a été faite, émanant d’une autre société (dont le gérant est le beau-fils du gérant de la société en difficulté). Elle porte sur la reprise de l’ensemble des travailleurs et le maintien de leurs conditions de travail et de rémunération (dont l’ancienneté).

La décision du tribunal

Le tribunal reprend, en premier lieu, le siège de la matière, étant particulièrement l’article 61 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises. Celui-ci prévoit la possibilité de conclure une convention collective de travail au sein du C.N.T. en vue de préciser les modalités du transfert des droits et obligations des travailleurs concernés par un transfert d’entreprise sous autorité de justice. Cette convention collective doit contenir toute une série de garanties et aborder l’ensemble des questions au cœur du transfert.

Le tribunal renvoie également à la doctrine, étant F. KEFER et G. GAILLIET (F. KEFER et G. GAILLIET, « Le sort des travailleurs d’une entreprise en réorganisation judiciaire », Questions spéciales de droit social. Hommage à Michel Dumont, Larcier, CUP, 2014, p. 399), qui ont relevé à juste titre que le droit de l’entreprise en difficulté entretient avec le droit du travail des liens tendus, qui ‘confinent à l’incompatibilité d’humeur’, le juge étant chargé de vérifier la conciliation de ces intérêts divergents.

En l’espèce, le contrôle judiciaire porte sur les points essentiels suivants : (i) le maintien d’un maximum d’emplois, (ii) le maintien des conditions de travail (sauf négociation collective avec l’ensemble du personnel – vu l’absence d’organe représentatif des travailleurs) et (iii) l’information transmise au personnel.

En ce qui concerne le volet social de la convention projetée, le tribunal relève méticuleusement les situations personnelles des travailleurs, ainsi que leurs conditions de travail, examen dont il ressort que le projet de convention envisage la reprise aux mêmes conditions, et ce à partir du transfert effectif des actifs au candidat repreneur. L’engagement porte également sur les pécules de vacances et les primes de fin d’année exigibles après le transfert.

Dans la mesure où il n’y a pas de dette sociale vis-à-vis des travailleurs et que ceux-ci ont reçu le paiement de l’ensemble des obligations exigibles lors de l’ouverture de la procédure, la garantie proposée par le candidat repreneur apparaît sérieuse. Le tribunal relève que celui-ci n’est cependant pas tenu des dettes vis-à-vis de l’O.N.S.S. en vertu de l’article 41quinquies de la loi du 27 juin 1969 ni vis-à-vis du SPF Finances conformément à l’article 442bis, § 4, du C.I.R. 92.

Le tribunal actualise encore les données, afin d’avoir une vision complète de la situation au moment où il statue, et il conclut que les conditions sont remplies, relevant d’ailleurs que toute autre solution dans l’état actuel du dossier aboutirait sans doute à un constat de faillite.

Il relève encore l’absence de discrimination dans le choix des personnes reprises (vu que l’ensemble de celles-ci sont visées), ainsi que le respect par les deux sociétés des obligations en matière de rémunération sectorielle. Il insiste encore sur le fait que l’obligation d’information de la reprise avec ces conditions a été dûment respectée et que l’homologation est également de nature à apporter un surcroît de sécurité juridique aux travailleurs.

Il homologue dès lors le plan, sans avoir négligé cependant de relever certaines « zones d’ombre », dont il tient compte dans son dispositif.

Intérêt de la décision

Les procédures d’homologation devant les juridictions du travail, formées sur la base de l’article 61, § 5, de la loi du 30 janvier 2009, ne sont pas très fréquentes. Cette partie de la disposition prévoit que le cessionnaire, le débiteur ou le mandataire de justice peut demander, par requête adressée au tribunal du travail du siège social ou de l’établissement principal du débiteur, l’homologation de la convention de transfert projetée et qu’il appartient au tribunal du travail de vérifier si les conditions légales ont été remplies par les parties signataires et si l’ordre public a été respecté. Cette procédure s’inscrit dans le cadre de l’urgence, le tribunal devant entendre les représentants des travailleurs, ainsi que la partie requérante.

En vertu de l’article 41quinquies de la loi du 27 juin 1969, § 2, un cessionnaire est en principe solidairement responsable du paiement des cotisations de sécurité sociale (ainsi que des majorations et intérêts de retard) dues par le cédant, mais tel n’est pas le cas, en vertu du § 4, pour les cessions réalisées par un curateur, un mandataire judiciaire, ou dans le cadre d’une opération de fusion, de cession, d’apport d’une universalité de biens ou d’une branche d’activité réalisée conformément aux dispositions du Code des sociétés.

Le C.I.R. 92 prévoit quant à lui une disposition similaire quant à la responsabilité solidaire du cessionnaire, dont est cependant dispensée l’hypothèse d’une cession réalisée par un curateur, un mandataire de justice chargé d’organiser et de réaliser un transfert sous autorité de justice, conformément à l’article 60 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises (ou encore dans les hypothèses de fusion, cession, etc., ci-dessus).


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