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AMI : conditions de l’indemnisation suite à la cessation d’une activité professionnelle

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 24 février 2017, R.G. 14/11.775/A et 15/11.818/A

Mis en ligne le jeudi 15 juin 2017


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 24 février 2017, R.G. 14/11.775/A et 15/11.818/A

Terra Laboris

Dans un jugement rendu le 24 février 2017, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles rappelle les règles d’indemnisation dans le cadre de l’article 100, § 1er, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, étant qu’un travailleur ne peut être reconnu comme incapable de travailler au sens de cette disposition si son état de santé, au moment de l’interruption de travail, ne s’est pas aggravé par rapport à celui qui existait au début de son occupation.

Les faits

Un assuré social conteste une décision du médecin-conseil de son organisme assureur, selon laquelle il y a fin d’incapacité de travail au sens de l’article 100, § 1er, de la loi coordonnée, le médecin-conseil considérant que la cessation des activités n’est pas la conséquence directe du début de l’aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels, ceux-ci n’entraînant plus une réduction des deux tiers de la capacité de gain évaluée conformément aux professions de référence. Pour le médecin-conseil, il y a état antérieur et il recommande de « s’inscrire à la Vierge Noire ».

L’intéressé maintient qu’il remplit les conditions pour être reconnu incapable de travailler à plus de 66%.

La décision du tribunal

Au moment où il y a eu reconnaissance de l’incapacité de travail, l’intéressé était au chômage et celle-ci a été fondée sur le fait qu’il avait été hospitalisé pour une décompensation psychotique grave.

Une première pathologie de ce type avait déjà été enregistrée lorsque l’intéressé avait environ 18 ans, ayant donné lieu à l’époque à une seule consultation médicale.

Dans le cadre de l’hospitalisation ultérieure, il y eut un suivi psychiatrique dans un centre de guidance bruxellois et la médication prescrite sembla bénéfique pour l’équilibre de l’intéressé. C’est huit mois plus tard que, lors d’une nouvelle visite chez le médecin-conseil, il fut considéré à ce moment qu’il n’a jamais eu de réelle capacité de gain, la problématique psychiatrique étant jugée préexistante à l’entrée de l’intéressé sur le marché du travail. En ce qui concerne les périodes de travail, le tribunal relève qu’il y en a eu cinq ou six et qu’elles ont été de très brève durée (quelques jours).

Le tribunal relève que le demandeur a peu travaillé mais qu’il explique ceci en raison des difficultés à trouver un emploi sur le marché du travail et non eu égard à son état de santé, de très nombreuses démarches ayant été entreprises.

Pour le tribunal, il ressort de l’article 100, alinéa 1er, de la loi coordonnée que la question de la capacité initiale de gain ainsi que celle de l’état antérieur ne sont pas purement médicales. Il retient à cet égard que le médecin-conseil de l’U.N.M.S. ne demande pas d’expertise judiciaire, non plus d’ailleurs que le demandeur.

Analysant la question en droit, le tribunal rappelle que le législateur a souhaité, après un arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 1979 (R.D.S., 1979, p. 236), introduire un lien de causalité. Le secteur n’indemnise pas la cessation du travail qui intervient en raison de lésions ou de troubles fonctionnels préexistants à l’acquisition de la qualité de titulaire. L’état de santé au moment de l’interruption du travail doit s’être aggravé par rapport à sa situation au début de l’occupation.

En d’autres termes, si quelqu’un a une capacité réduite au début de l’occupation en raison d’un « état antérieur », il ne pourra pas être reconnu incapable au sens de la législation AMI sans aggravation de son état. Cette aggravation peut être minime, pourvu qu’elle ait entraîné une incapacité de gain de plus des deux tiers. Le tribunal renvoie ici à la doctrine (F. FALEZ, « L’état antérieur en assurance maladie-invalidité », in P. LUCAS et M. STEHMAN (dir.), L’évaluation et la réparation du dommage corporel. Questions choisies, Anthémis, 2013, p. 92).

L’évaluation de la réduction de capacité de gain se fera en prenant en compte l’ensemble des lésions et troubles fonctionnels présentés au moment de celle-ci.

Le tribunal relève que l’article 100 n’exige pas que la capacité initiale de gain soit celle d’un travailleur apte à 100%.

En l’occurrence, le demandeur n’a connu aucun échec scolaire jusqu’à la fin du secondaire, mais il a échoué au stade de ses études supérieures, qu’il a abandonnées en 2010. Il a ensuite bénéficié d’allocations d’insertion jusqu’en novembre 2013 et, à ce moment, son incapacité de travail a été admise par l’organisme assureur. Il avait, jusque-là, travaillé un peu (occupations de courte durée), dans le cadre de contrats d’intérim. Quant à l’état antérieur (manifestation d’une pathologie plusieurs années auparavant), le tribunal retient, à partir des éléments médicaux, qu’il y a manifestement eu une stabilisation. L’intéressé dépose par ailleurs de nombreuses preuves de recherche d’emploi, qui ne concordent pas avec l’affirmation d’une absence de capacité de gain au moment de son entrée sur le marché de l’emploi.

Le tribunal conclut dès lors à l’existence de celle-ci en 2010 (entrée sur le marché de l’emploi) et à l’aggravation à partir de novembre 2013. Il y a dès lors bien cessation en conséquence directe du début ou de l’aggravation de troubles fonctionnels.

Il fait dès lors droit à la demande.

Intérêt de la décision

Ce jugement du tribunal du travail, particulièrement documenté, rappelle que l’assurance maladie n’indemnise pas toute cessation du travail, à savoir celle due à des lésions ou troubles fonctionnels qui préexistaient avant que l’intéressé ne devienne titulaire.

Le jugement reprend également – dans ses développements de principe – la distinction faite dans le secteur de l’assurance maladie-invalidité, où la loi ne permet pas d’évaluer l’incapacité par rapport à un modèle abstrait (une personne valide), mais où l’évaluation est individualisée (étant tenu compte de l’exercice de l’activité antérieure et de facteurs propres à l’assuré social) par rapport au régime des prestations pour personnes handicapées, où l’évaluation se fait par rapport à la personne valide, qui est une référence abstraite.


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