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Compatibilité entre la perception d’allocations de chômage et la reprise d’études

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 avril 2016, R.G. 2014/AB/854

Mis en ligne le vendredi 19 mai 2017


Cour du travail de Bruxelles, 21 avril 2016, R.G. 2014/AB/854

Terra Laboris

Par arrêt du 21 avril 2016, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’étendue des missions de l’organisme de paiement dans le cadre de la réglementation chômage, dans l’hypothèse particulière d’une demande de dispense introduite en vue de reprendre des études.

Les faits

Madame E., bénéficiaire d’allocations de chômage, entend suivre des études d’assistante sociale et sollicite l’autorisation de l’ONEm (année académique 2011-2012). La demande est introduite via l’office de paiement des allocations. Elle est dûment enregistrée fin octobre et parvient à l’ONEm quelques jours plus tard. Il y a refus dans le courant du mois de novembre, au motif de la non-réalisation d’une condition, étant que l’intéressée n’a pas perçu au moins 312 allocations au cours des deux années précédant le début des études. Celle-ci se désinscrit dès lors.

En janvier, une décision d’exclusion est prise par l’ONEm pour la période de septembre à fin novembre (décision de l’Office) et la récupération est ordonnée. Un recours est introduit devant le tribunal du travail.

La procédure en première instance

A la requête de l’Auditorat, l’office de paiement est mis à la cause.

Des conclusions sont prises par l’intéressée contre celui-ci, aux fins d’obtenir des dommages et intérêts équivalents au montant des allocations réclamées.

Madame E. est déboutée de sa demande par jugement du 9 juillet 2014 et interjette appel.

Position des parties devant la cour

Madame E. expose l’origine de son projet d’études, qui fait suite à des rencontres au sein d’un groupe de détermination professionnelle, et ce auprès de la mission locale pour l’emploi. Les divers intervenants contactés avaient considéré qu’elle était apte pour ces études et que c’est suite à un problème d’inscription vis-à-vis de l’enseignement d’établissement qu’elle a tardé pendant quelques semaines au début de l’année académique pour demander l’autorisation à l’ONEm.

Elle signale par ailleurs être restée disponible sur le marché de l’emploi et avoir adressé diverses candidatures. Elle maintient sa demande de condamnation de l’office de paiement à des dommages et intérêts, au motif que celui-ci ne l’a pas informée du fait qu’elle ne remplissait pas la condition des 312 allocations pour bénéficier de l’autorisation en cause.

L’ONEm demande la confirmation du jugement, précisant que le début de la période de fréquentation des cours est le 15 septembre.

Quant à l’office de paiement, sa position est de contester avoir donné une information inexacte (étant que l’intéressée aurait rempli les conditions pour pouvoir solliciter et obtenir l’autorisation en cause). Il conteste que sa responsabilité puisse être mise en cause et se réfère d’une part à l’article 167, § 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 et d’autre part à l’article 3 de la Charte en ce qui concerne ses obligations. Sa position est de considérer que, lorsque l’O.P. reçoit la demande d’allocations, il ne doit pas nécessairement procéder à une pré-analyse du dossier et attirer l’attention du chômeur sur les problèmes qui peuvent être soulevés par l’ONEm.

Il fait également valoir, à supposer l’existence d’une faute dans son chef, qu’il n’y a pas de lien causal entre cette faute et le préjudice, puisqu’en aucun cas, l’intéressée n’aurait pu bénéficier des allocations.

La décision de la cour

La cour examine successivement l’appel dirigé contre l’ONEm et contre l’organisme de paiement.

Elle rappelle dans un premier temps les conditions dans lesquelles des études de plein exercice peuvent être suivies par une personne bénéficiant d’allocations de chômage, l’une des hypothèses étant la dispense de disponibilité sur le marché de l’emploi. La condition d’avoir bénéficié de 312 allocations comme chômeur complet au cours des deux années précédant le début des études figure dans la réglementation et il n’est pas contesté qu’en l’espèce, l’intéressée ne remplissait pas cette condition. Elle ne pouvait dès lors bénéficier de la dispense.

Ayant parallèlement suivi des études, elle ne peut être considérée comme ayant respecté la réglementation chômage. En effet, en dehors de l’hypothèse de la dispense, des cours de plein exercice peuvent être suivis s’ils sont dispensés principalement le samedi ou après 17 heures. Les études ne pouvaient dès lors permettre d’accepter un emploi. La décision d’exclusion est justifiée.

Quant à l’O.P., la cour rappelle que ses missions sont définies dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (article 24). Il a, parmi ses obligations, celle de conseiller gratuitement le travailleur et de fournir toute information utile concernant ses droits et ses devoirs. Ceci vise des informations complémentaires. Sont donc de la responsabilité de l’O.P. i) les conditions de stage et d’octroi, ii) les modalités d’indemnisation, iii) la constitution du dossier, iv) son traitement et v) les droits et devoirs des chômeurs.

La question de la responsabilité de l’office de paiement est dès lors examinée tenant compte du fait qu’il n’est pas établi qu’il avait été informé avant la fin octobre 2011 de l’intention de l’intéressée d’entamer de nouvelles études tout en bénéficiant des allocations. Au moment où il a été saisi, il devait cependant, conformément à l’article 24 de l’arrêté royal, vérifier si elle répondait aux conditions pour obtenir la demande de dispense. En tant qu’organisme de paiement, il est mesure de vérifier si le nombre de jours était atteint. Il y a dès lors manquement au devoir d’information.

La cour écarte un argument de l’O.P. tiré de l’article 167 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, rappelant qu’il règle la responsabilité des organismes à l’égard de l’ONEm ainsi que les conditions de récupération vis-à-vis des assurés sociaux. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Sur le lien causal entre la faute et le dommage de l’intéressée, la cour le retient, dans la mesure où celle-ci a mis un terme immédiatement à ses études dès lors que la décision lui a été notifiée. Si elle avait été informée antérieurement, la cour en déduit qu’elle aurait réagi de la même manière plus tôt. Il y a dès lors octroi de dommages et intérêts pour la période à partir du mois de novembre. Le jugement est ainsi partiellement réformé, l’intéressée devant rembourser les allocations perçues pour la période précédente.

Intérêt de la décision

Les missions des organismes de paiement sont décrites dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991 lui-même, même s’il peut également, dans l’hypothèse où leur responsabilité est mise en cause, être renvoyé aux dispositions de la Charte de l’assuré social.

L’article 24 de l’A.R., qui décrit longuement lesdites missions et notamment l’objet des « informations utiles ». La disposition est une mesure d’exécution des articles 7 et 13 à 16 de la Charte et ces organismes doivent dès lors remplir les obligations correspondant à leur mission conformément aux principes qui y sont énoncés.


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