Terralaboris asbl

Accompagnement des chômeurs et obligations des institutions

Commentaire de C. trav. Mons, 12 octobre 2016, R.G. 2015/AM/14

Mis en ligne le vendredi 31 mars 2017


Cour du travail de Mons, 12 octobre 2016, R.G. 2015/AM/14

Terra Laboris

Dans un arrêt du 12 octobre 2016, la Cour du travail de Mons reprend les obligations de l’ONEm et des services régionaux de l’emploi en matière d’accompagnement des chômeurs et particulièrement sur le plan de la procédure administrative (art. 51, § 1er A.R. organique)

Les faits

Un assuré social, bénéficiant d’allocations de chômage, présente une inaptitude temporaire au travail d’au moins 33%. Celle-ci est admise par le médecin agréé de l’ONEm pour une durée de deux ans minimum. La procédure de suivi d’activation du comportement de recherche d’emploi est dès lors suspendue. L’intéressé reste cependant inscrit comme demandeur d’emploi et il lui est notifié qu’il doit être disponible pour le marché du travail, ceci impliquant, pour l’ONEm, une obligation de collaboration active aux actions d’accompagnement, de formations, etc.

L’ONEm annonce informer de sa décision le service régional de l’emploi.

Suite à un refus exprimé par l’intéressé de participer à un programme d’accompagnement (ayant fait selon lui l’objet de moqueries lors d’une précédente expérience), il est exclu des allocations pour une durée indéterminée. L’Office considère qu’il est devenu chômeur par suite de circonstances dépendant de sa volonté.

Suite au recours introduit, le Tribunal du travail de Mons et de Charleroi (division de Mouscron) admet qu’il y a lieu de rétablir l’intéressé dans ses droits.

L’ONEm interjette appel.

Les arrêts de la cour du travail

La cour rend un premier arrêt le 10 février 2016, dans lequel elle pose deux questions en vue d’une réouverture des débats, portant d’une part sur l’aptitude de l’intéressé au sens de la législation AMI (article 60 de l’arrêté royal organique) et, d’autre part, sur l’existence d’une éventuelle discrimination entre deux types de chômeurs, selon qu’ils répondent ou non aux conditions cumulatives du groupe-cible (visé par l’accord de coopération du 30 avril 2004 relatif à l’accompagnement et au suivi actifs des chômeurs), alors qu’ils appartiendraient en réalité à un même groupe).

Dans l’arrêt annoté, du 12 octobre 2016, qui statue sur l’état de la réglementation à la date de la décision du FOREm, étant le 31 mars 2012, il est relevé en premier lieu que les dispositions en matière de contrôle de suivi de la recherche active d’emploi (articles 59bis à 59decies de l’arrêté royal organique) ne remplacent ni n’annulent les dispositions de celui-ci relatives à la situation où le chômage est dû au propre fait du travailleur (articles 51 à 53bis).

La cour fait ensuite l’historique des accords de coopération entre l’Etat, les Communautés et les Régions sur la question, le premier de ceux-ci étant celui du 22 septembre 1992, actuellement abrogé. Un accord du 30 mars 2000, visant l’insertion des jeunes chômeurs dans le monde du travail, précisait la notion de « parcours d’insertion ». Suite à une modification en date du 31 août 2001, l’objectif de prévenir le chômage de longue durée, et particulièrement en ce qui concerne les jeunes demandeurs d’emploi, a été confirmé. Enfin, l’accord en vigueur au moment des faits, du 30 avril 2004, précise les obligations de l’Etat fédéral ainsi que des Régions et Communautés sur la question, réservant aux Régions la compétence pour l’accompagnement des chômeurs. En Wallonie, c’est le rôle du FOREm, tandis que la procédure de recherche active d’emploi est confiée à l’ONEm.

Ce sont dès lors les conditions de ce dernier accord qui doivent être appliquées, sur la question de l’accompagnement des chômeurs au sens de l’article 51, § 1er, alinéa 2, 5°, de l’arrêté royal.

Cet accord de coopération définit, en son article 6, 4°, b), le groupe-cible, étant qu’il ne vise pas les chômeurs reconnus comme ayant un taux d’incapacité physique de travail de longue durée d’au moins 33%, et ce pour un minimum de deux ans. Dès lors que ce type de personnes est exclu, aucune mesure d’accompagnement ne pouvait être proposée.

Pour la cour, la détermination du groupe-cible vise d’ailleurs à la fois les actions d’accompagnement (FOREm) et le suivi du chômeur (ONEm). Aucune mesure d’exclusion ne pouvait donc être prise.

La cour relève encore – surabondamment – qu’il n’est pas établi par l’Office que les conditions d’application de l’article 51, § 1er, alinéa 2, 5°, sont réunies, à savoir qu’une procédure est prévue avec le FOREm (étant des entretiens aux fins d’établir un diagnostic socio-professionnel, l’obligation de proposer des modules d’insertion, etc.).

En l’espèce, la convocation du FOREm ne permet pas d’identifier le plan d’accompagnement des chômeurs (PAC) ou le parcours d’insertion qui allait être proposé à l’intéressé. Enfin, la cour fait encore grief au FOREm de ne pas avoir précisé clairement le motif du refus, dans la mesure où l’on ignore tout du contenu du plan d’action.

Il est encore confirmé, au dossier, que le FOREm n’a pas de documents à fournir, dans la mesure où le plan d’accompagnement n’a pas été établi au motif que le refus de l’intéressé avait été exprimé par celui-ci. Pour la cour, il n’y a dès lors pas eu de diagnostic socio-professionnel (diagnostic qui aurait dû tenir compte de son âge, de ses capacités personnelles, sociales, professionnelles, ainsi encore que de ses aptitudes physiques).

Elle confirme dès lors le jugement, au motif que les conditions d’application de l’article 51, § 1er, alinéa 2, 5°, de l’arrêté royal organique ne sont pas réunies.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle la répartition des compétences entre l’Etat, les Communautés et les Régions en matière de plan d’accompagnement.

Après avoir repris l’évolution des textes, la cour dégage les responsabilités respectives de l’Etat (suivi du chômeur via l’ONEm) et des Communautés et Régions (actions d’accompagnement via le FOREm en Wallonie), rappelant que la détermination du groupe-cible vise les deux.

Elle retient – même si ces considérations n’étaient pas indispensables à la solution du litige – que les conditions d’application de l’article 51, § 1er, alinéa 2, 5°, ne sont pas réunies, disposition qui définit la notion de chômage par suite de circonstances dépendant de la volonté du travailleur. Le texte actuel de cette disposition (5°) vise le refus du chômeur de participer ou de collaborer à un plan d’action individuel tel que visé à l’article 27, alinéa 1er, 14°, qui lui est proposé par le service régional de l’emploi compétent.

Il vise le plan d’action individuel tel que défini par l’arrêté royal du 26 juin 2014, étant le plan d’action adapté au chômeur en fonction de son profil, de ses besoins et de ceux du marché du travail, proposé par le service régional de l’emploi compétent dans le but d’offrir aux chômeurs un nouveau départ sous la forme d’un accompagnement individuel d’orientation professionnelle, d’un accompagnement dans la recherche d’emploi, d’une formation ou de toutes autres mesures de nature à augmenter sa disponibilité ou son employabilité sur le marché du travail, dans les conditions et délais fixés par le dernier accord de coopération existant – et actuellement en vigueur – du 6 novembre 2013 conclu entre l’Etat fédéral, les Communautés et les Régions relatif à l’accompagnement et au suivi actifs des chômeurs.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be