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Reprise du travail non autorisée en AMI : un rappel nécessaire fait par la Cour du travail de Bruxelles

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 mai 2016, R.G. 2014/AB/874

Mis en ligne le mardi 13 décembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 26 mai 2016, R.G. 2014/AB/874

Terra Laboris

Par arrêt du 26 mai 2016, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conséquences de l’apport législatif de la loi du 28 avril 2010 en cas de reprise du travail non autorisée, concluant qu’à défaut pour la mutuelle de produire une décision de son médecin-conseil concluant à la fin de l’incapacité à l’issue de l’examen médical organisé, le droit à la poursuite des indemnités reste acquis.

Les faits

Un assuré social, reconnu en incapacité de travail par l’organisme assureur AMI, fait l’objet, lors d’un passage de douane, d’un contrôle, à l’occasion duquel des produits alimentaires avec factures sont découverts dans son véhicule. Il avait été autorisé à se rendre à l’étranger jusqu’au jour précédent.

Le dossier suit son cours et un PV est établi, suite à son audition par un contrôleur social de l’I.N.A.M.I., constatant qu’une activité avait été exercée pendant la période pour laquelle l’autorisation lui avait été donnée de se rendre à l’étranger (une quinzaine de jours). Quelques mois plus tard, lui est réclamé le remboursement, par son organisme assureur, d’indemnités perçues pour une période d’un an, soit depuis la date d’autorisation. Il y a exclusion.

Dans une deuxième décision, une sanction administrative d’exclusion (21 indemnités journalières) est prise par l’I.N.A.M.I.

La mutuelle signale, quelques mois plus tard, que le médecin-conseil a annulé la décision de reprise et demande, en conséquence, à l’intéressé de considérer comme nulle et non avenue la lettre demandant le remboursement d’un an d’indemnités. Elle demande uniquement celui relatif à la courte période visée.

Une troisième décision est alors prise, quelques semaines plus tard, la mutuelle indiquant alors que sa deuxième lettre soit considérée comme nulle et non avenue et considérant que la décision de l’inspecteur de l’I.N.A.M.I. ‘primerait’ celle du médecin-conseil. Il est dès lors précisé que la reprise doit être maintenue et que le dossier de l’intéressé est clôturé à cette date. Un indu beaucoup plus important est alors réclamé.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles contre les décisions de la mutuelle, ainsi que contre celle de l’I.N.A.M.I. (sanction administrative).

Ayant été débouté par jugement du 22 juillet 2014, l’intéressé interjette appel.

Moyens des parties devant la cour

L’appelant fait valoir, sur la base de la Charte de l’assuré social, qu’il a été induit en erreur par la deuxième notification de l’U.N.M.S., qui avait fortement réduit la période litigieuse.

L’organisme assureur conteste la chose, au motif que l’article 17, al. 1er, de la Charte ne trouve pas application si l’assuré social savait ou devait savoir qu’il n’avait pas ou qu’il n’avait plus droit à une indemnité. Ayant repris une activité professionnelle, l’intéressé ne pouvait ignorer ceci.

Quant à l’I.N.A.M.I., il renvoie à l’article 100 de la loi coordonnée. Une reprise du travail à temps partiel n’est possible que moyennant l’autorisation préalable du médecin-conseil et, en l’occurrence, cette reprise d’activité a eu lieu.

La décision de la cour

La cour déplore en premier lieu que diverses questions posées par le premier juge n’aient pas fait l’objet d’une réponse dans le chef de la mutuelle. Ces questions – diverses – concernaient notamment l’organisation d’un examen médical dans les 30 jours ouvrables à compter de la constatation de l’activité non autorisée (article 245decies de l’arrêté royal du 3 juillet 1996), ainsi que la question de savoir sur quelle base la décision de l’I.N.A.M.I. ‘primait’ celle de la mutuelle.

La cour procède à un rappel complet du mécanisme légal. Elle reprend, ainsi, l’article 101, §§ 1er et 2, relatifs à la situation où le titulaire effectue un travail sans l’autorisation préalable (ou sans respecter les conditions de celle-ci). Est notamment prévue dans cette disposition l’organisation d’un nouvel examen médical afin de vérifier si les conditions de reconnaissance de l’incapacité sont encore réunies. Elle reprend également les §§ 2 et 3 relatifs au remboursement.

Elle revient sur l’évolution des textes depuis la loi du 9 août 1963, l’article 101 ayant été modifié à diverses reprises. Aux fins de remédier aux conséquences néfastes des dispositions initiales (qui débouchaient assez rapidement sur la perte du droit aux indemnités, ainsi que de l’assurabilité), elle rappelle qu’en cas de reprise non autorisée, l’assurabilité a été maintenue si l’intéressé restait incapable de travailler pour au moins 50%. La vérification de l’incapacité est de la compétence du médecin-conseil (incapacité primaire) et du CMI (invalidité). En outre, une limitation est intervenue dans les remboursements et le Comité de gestion a acquis compétence en vue de renoncer totalement ou partiellement à la récupération.

Le système actuel fait suite à une dernière modification intervenue par la loi du 28 avril 2010, qui organise une procédure nouvelle, dans laquelle n’est plus vérifiée l’incapacité pendant la période de travail non autorisée, et ce vu les difficultés de porter une telle appréciation pour une période passée. L’évaluation doit aujourd’hui se faire à la date de l’examen médical. Reprenant les travaux préparatoires, la cour souligne que cette vérification reste de la compétence du médecin-conseil (incapacité primaire) et du CMI (invalidité).

En l’occurrence, la procédure n’a pas été suivie. Le seul élément produit étant que le médecin-conseil aurait annulé sa décision de reprise, ceci signifie que l’intéressé restait en incapacité de travail et qu’il peut continuer à percevoir les indemnités.

Enfin, la cour rejette que la notification de l’inspecteur de l’I.N.A.M.I. puisse primer celle du médecin-conseil de la mutuelle, soulignant que ceci manque de tout fondement. Le service de contrôle administratif de l’I.N.A.M.I. n’a ici aucune compétence, ce qui pourrait par contre être le cas du CMI s’il y avait eu examen médical.

Dans la mesure où il n’est pas contesté qu’il y a eu une reprise du travail (pour une courte période), les indemnités correspondant à celle-ci doivent être remboursées. La cour confirme dès lors la deuxième des trois décisions de la mutuelle.

Intérêt de la décision

La cour procède à un judicieux rappel de l’évolution du mécanisme légal en cas de reprise du travail non autorisée. Elle souligne que les mesures figurant initialement dans la loi du 9 août 1963 ont dû être adoucies vu les effets qu’elles avaient même sur le plan de l’assurabilité. Après la mise en place d’un système plus souple et plus concret, qui prévoyait une nouvelle vérification des conditions médicales, la cour reprend l’apport de la dernière modification législative introduite par la loi du 28 avril 2010 (loi portant des dispositions diverses), étant qu’un nouvel examen médical doit intervenir dans un bref délai (30 jours) aux fins d’apprécier si les conditions de la reconnaissance en incapacité sont remplies à ce moment.

Du non-respect de la procédure, il découle que l’organisme assureur n’est pas en mesure de produire une décision de son médecin-conseil qui aurait mis fin à l’incapacité de travail après avoir examiné l’assuré.

Rappelons encore sur la question l’important arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 mai dernier – précédemment commenté –, qui a rappelé les effets à attacher à l’examen médical eu égard à la condition générale de stage.


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