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Temps partiel irrégulier : rappel des conséquences…

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 mars 2016, R.G. 2015/AB/14

Mis en ligne le lundi 12 décembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 17 mars 2016, R.G. 2015/AB/14

Terra Laboris

Dans un arrêt du 17 mars 2016, la Cour du travail de Bruxelles fait un rappel complet des règles applicables en cas d’occupation de travailleurs à temps partiel, soulignant les effets du caractère réfragable de la présomption légale de l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969.

Les faits

L’inspection sociale du SPF Sécurité sociale effectue un contrôle dans un établissement Horeca, contrôle suivi d’un deuxième quelques mois plus tard. Il est constaté qu’une travailleuse preste selon un horaire extrêmement réduit (4 ou 8 heures par semaine). L’impossibilité de travail à temps plein est avérée pour une partie de la période mais pas pour la totalité de celle-ci.

L’ONSS annonce, en conséquence, une régularisation de cotisations sur la base d’un temps plein, ce qui amènera à un total de l’ordre de 25.000€.

Une procédure est introduite par l’Office devant le Tribunal du travail de Bruxelles en 2011. Celle-ci porte sur le principal, l’intérêt légal depuis l’exigibilité des sommes, ainsi que les frais de justice dont une indemnité de procédure de 1.100€.

Le tribunal du travail ordonne une réouverture des débats par jugement du 28 septembre 2012 et, dans un jugement vidant sa saisine le 24 janvier 2014, il fait droit à la demande de l’ONSS. L’indemnité de procédure est de 2.200€.

Appel est interjeté.

Dans sa requête, la société demande à pouvoir établir par toutes voies de droit et notamment par l’audition de témoins que l’intéressée a travaillé à temps partiel.

L’ONSS demande la confirmation du jugement.

Décision de la cour

La cour fait un rappel des règles dans une telle situation. L’article 22ter de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs contient une présomption légale selon laquelle sauf preuve du contraire, en cas de non respect des articles 160, 162, 163 et 165 de la loi-programme du 22 décembre 1989 ou à défaut d’utilisation des appareils visés à l’article 164 de la même loi, les travailleurs à temps partiel sont supposés avoir effectué leurs prestations dans le cadre d’un temps plein. Il en va de même à défaut de publicité des horaires de travail à temps partiel visée aux articles 157 à 159 de la même loi.

Le principe est dès lors que la présomption joue sauf si l’inspection sociale a constaté l’impossibilité matérielle de prester à temps plein.

Les règles en matière de publicité des horaires figurent aux articles 157 à 159 de la loi- programme ci-dessus. Une copie du contrat doit être conservée à l’endroit où le règlement du travail peut être consulté. Ceci signifie pour la cour que chaque travailleur doit à n’importe quel moment et sans l’intervention d’un tiers pouvoir consulter le texte définitif du règlement ainsi que les modifications de celui-ci, et ce dans un endroit d’accès aisé. En outre, si le régime de travail est organisé selon un cycle dont les horaires figurent dans ce règlement de travail et qui est supérieur à une semaine, il doit pouvoir être déterminé à tout moment quand ce cycle commence.

Il existe cependant une hypothèse dans laquelle la présomption ne trouve pas application, étant que l’inspection sociale a pu établir l’impossibilité matérielle de prester à temps plein. Si l’impossibilité de prester à temps plein a en l’occurrence été établie pour une courte période de trois semaines - dans la mesure où l’intéressée était occupée chez un autre employeur -, les obligations légales n’ont pas été respectées par la société, ce qui a été constaté par les services d’inspection. Il en découle que la présomption légale doit malgré tout jouer.

La cour rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation en ce qui concerne les caractéristiques de cette présomption. La disposition n’en détermine pas la nature mais celle-ci peut uniquement être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable lorsque les services de l’inspection sociale ont constaté l’impossibilité matérielle d’effectuer les prestations concernées à temps plein. En conséquence, le texte n’indiquant pas que la présomption est irréfragable et la loi n’annulant aucun acte ou n’interdisant aucune action sur la base de celle-ci, il faut considérer qu’elle a un caractère réfragable.

Il avait déjà été admis dans un précédent arrêt de la Cour de cassation (Cass., 3 février 2003, S.02.0081.N) que la preuve contraire doit être apportée par l’employeur et consiste à prouver que les travailleurs à temps partiel n’ont pas effectué de prestations à temps plein dans le cadre d’un tel contrat. L’employeur ne doit cependant pas prouver l’étendue des prestations réellement effectuées dans le cadre du contrat de travail à temps partiel.

La cour du travail renvoie encore à un arrêt inédit de sa juridiction (C. trav. Bruxelles, 4 septembre 2008, R.G. n° 50.368) relatif au renversement de la présomption : celui-ci ne peut intervenir que par un mode fiable d’enregistrement de la durée du travail et par la preuve que le travailleur était occupé ailleurs ou encore qu’il a la qualité d’étudiant.

Pour la cour, une telle preuve contraire n’est pas rapportée en l’espèce, les éléments avancés par la société ne présentant pas ce degré de fiabilité. Il s’agit de déclarations de tiers, étant, d’ailleurs, des proches et la cour retient encore que l’établissement était ouvert pendant de larges plages horaires et que l’ensemble des éléments présentés ne permet pas d’admettre l’absence de travail à temps plein.

Intérêt de la décision

Cette décision est un cas d’application type – pourrait-on dire – de la sanction du non respect des dispositions de la loi-programme du 22 décembre 1989 (Chap. 4).

Le mécanisme légal complet est rappelé, tant, en premier lieu, sur la mise en œuvre de la présomption elle-même (dès lors que les conditions de l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969 sont rencontrées), que sur l’hypothèse où elle ne joue pas (constatation par l’inspection sociale de l’impossibilité de prestations à temps plein) et enfin, sur la possibilité pour l’employeur de renverser celle-ci, la cour reprenant l’exigence en matière de preuve contraire.

L’on pourra encore renvoyer, outre les décisions de la Cour de cassation visées dans l’arrêt, à un arrêt du 25 janvier 2016 (Cass., 25 janvier 2016, S.15.0070.N) dans lequel un arrêt de la Cour du travail d’Anvers a été censuré, arrêt qui avait mis à charge de l’ONSS la preuve de l’exécution du temps plein. Pour la Cour de cassation, il ressort des dispositions correspondantes de la loi du 27 juin 1969 ainsi que de l’article 1352 du Code civil que la présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe.

L’on relèvera encore que dans son arrêt du 7 février 2011 (S.10.0056.N), la Cour de cassation avait relevé que cette présomption a un caractère réfragable quels que soient les termes de l’exposé des motifs du projet de loi, qui ne sauraient conférer à cette disposition légale une portée qui n’est pas conforme au texte.


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