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Conditions d’octroi des primes SINE en cas de changement de domicile du bénéficiaire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 avril 2016, R.G. 2014/AB/961

Mis en ligne le lundi 14 novembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 14 avril 2016, R.G. 2014/AB/961

Terra Laboris

Par arrêt du 14 avril 2016, la Cour du travail de Bruxelles statue sur les conditions d’octroi des primes SINE en cas de changement de domicile du travailleur, impliquant la modification du C.P.A.S. compétent : cet octroi doit être poursuivi automatiquement tant que les conditions relatives au contrat de travail sont respectées.

Les faits

Une entreprise de titres-services occupe notamment des personnes dans le cadre du programme SINE (programme d’économie sociale d’insertion). Celui-ci permet l’intervention financière du C.P.A.S. dans le coût salarial d’un bénéficiaire de revenu d’intégration sociale mis au travail par ce biais. C’est la « prime SINE ».

Une personne, domiciliée à Etterbeek, entre au service de la société sous ce statut. Le C.P.A.S. compétent reconnaît que les conditions légales sont réunies et il octroie une aide financière de 500 € (pour un temps plein), et ce pour une période de 21 trimestres.

L’intéressée déménage, ultérieurement, de telle sorte que le C.P.A.S. qui a octroyé la prime cesse son intervention. Elle formule la même demande que précédemment auprès du C.P.A.S. de son nouveau domicile, qui refuse, au motif que le délai d’introduction de la demande n’aurait pas été respecté. Un recours est formé devant le tribunal du travail et aboutit au désistement de l’intéressée.

L’employeur demande, alors, aux deux C.P.A.S., la régularisation des primes. La situation concerne plusieurs travailleuses. Il s’agit d’une période de plusieurs mois en 2010 et 2011. Le total est de l’ordre de 6.000 €.

Le C.P.A.S. qui est intervenu initialement fait savoir au conseil de la société que, lors de son déménagement, l’intéressée s’est vu notifier une attestation de fin d’aide, constatant la fin de l’intervention dans le programme SINE, du fait du déménagement. La même décision a été adressée au C.P.A.S. de la nouvelle résidence en vue de la reprise du dossier. Trois mois plus tard, l’intéressée aurait signalé qu’elle n’avait pas encore fait les démarches auprès du nouveau C.P.A.S., au motif qu’elle n’avait pas été avertie de cette obligation précédemment. Il constate également ne jamais avoir été contacté par le C.P.A.S. du lieu de résidence. Il considère, dès lors, que la décision prise par ce dernier ne le concerne pas.

En fin de compte, les primes sont refusées par le C.P.A.S. du lieu de résidence au motif que la décision a été notifiée à l’intéressée et qu’elle a introduit un recours devant le tribunal du travail (ci-dessus). Cette dernière décision est celle qui est attaquée devant le tribunal du travail.

Objet des demandes

La société demande l’annulation des deux décisions rendues et la condamnation solidaire des deux C.P.A.S. à payer les primes SINE.

Une demande reconventionnelle est formée par ceux-ci en paiement de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire.

Dans son jugement, le Tribunal du travail de Bruxelles admet qu’il y a lieu d’octroyer des dommages et intérêts à la société et prononce une condamnation provisionnelle de 1 €, rouvrant les débats sur les montants.

Appel est interjeté et les parties se retrouvent devant la cour en défendant les mêmes positions, le C.P.A.S. étant initialement intervenu dans le dossier considérant par ailleurs qu’il y a incompétence matérielle des juridictions du travail.

La discussion de la cour

La cour statue en premier lieu sur la compétence des juridictions du travail, dans une demande fondée sur l’article 1382 du Code civil. Elle rappelle que ce que la société poursuit est le paiement des primes, celles-ci étant instituées par un arrêté royal du 11 juillet 2002 (A.R. du 11 juillet 2002 déterminant l’intervention financière du Centre public d’action sociale dans le coût salarial d’un ayant-droit à l’intégration sociale mis au travail dans une initiative d’insertion sociale).

La cour rappelle que les juridictions du travail sont compétentes pour les demandes basées sur l’article 1382 du Code civil, vu la règle de compétence de l’article 580, 8°, c), du Code judiciaire pour ce qui est des contestations relatives à la loi du 26 mai 2002 instaurant le droit à l’intégration sociale. L’intervention financière du C.P.A.S. est un élément de la mise en œuvre du droit à l’intégration sociale.

La cour rappelle également qu’elle est compétente pour toute contestation d’ordre individuel dont l’appartenance au contentieux social est reconnue après examen dont il ressort que les éléments juridiques de sa solution relèvent du droit social.

Après avoir rencontré des arguments d’irrecevabilité – qu’elle rejette –, la cour examine le droit au paiement des primes.

Celui-ci est prévu à l’article 8 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 et le C.P.A.S. compétent est tenu d’assurer l’intervention financière aussi longtemps que le contrat de travail est poursuivi (avec une durée maximale). Dès lors, si les conditions de mise à l’emploi restent conformes aux règles de l’arrêté royal, le C.P.A.S. compétent doit payer la prime et, s’il y a modification de la compétence vu un changement de domicile, cette prime doit être payée par le C.P.A.S. devenu territorialement compétent.

La procédure introduite par l’intéressée ne devait pas l’être, les primes devant être payées à l’employeur, et l’attitude qu’elle a adoptée devant le tribunal du travail ne préjudicie pas le droit de celui-ci d’introduire une action en ce qui le concerne en vue du paiement.

La conclusion dégagée par la cour est dès lors l’obligation pour chacun des C.P.A.S. de payer successivement la prime due.

Le montant fait l’objet d’une réouverture des débats.

Intérêt de la décision

Le système des primes SINE fait l’objet de peu de débats en jurisprudence.

Dans cet arrêt, la cour du travail a souligné deux choses, étant d’abord que le travailleur ne doit pas introduire une nouvelle demande (et éventuellement entamer une procédure judiciaire) en vue de bénéficier du paiement de la prime en cas de changement de domicile et, par ailleurs, que, dès qu’elle a été accordée par le C.P.A.S. compétent et qu’un autre se substitue à ce dernier, le paiement de la prime doit se poursuivre – tant que les autres conditions restent inchangées. Il n’y a pas de réexamen de la situation, non plus que de démarches administratives à faire par le bénéficiaire (travailleur) en vue de faire réapprécier les conditions d’octroi initiales.


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