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Accident du travail dans le secteur public et absences postérieures à la consolidation

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 12 janvier 2016, R.G. 2015/AL/91

Mis en ligne le jeudi 29 septembre 2016


Cour du travail de Liège (division Liège), 12 janvier 2016, R.G. 2015/AL/91

Terra Laboris

Par arrêt du 12 janvier 2016, la Cour du travail de Liège (division Liège) rappelle que les juridictions du travail ne sont pas compétentes pour régler une question relative au statut administratif des enseignants (Communauté française) fondée sur le décret du 5 juillet 2000 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie.

Les faits

Un enseignant (occupé dans un établissement d’enseignement subsidié par la Communauté française) est victime d’un accident du travail en janvier 2010. L’accident du travail a été reconnu. Le fait accidentel consistait dans une inculpation, par un juge d’instruction, pour blessures involontaires, inculpation ayant provoqué notamment des souffrances psychiques.

La procédure administrative de l’accident est menée à bien et deux décisions sont prises, reprenant l’ensemble des périodes d’incapacité (4 ans), une date de consolidation (1er janvier 2014) et un taux d’I.P.P. de 4%. Les décisions ne portent pas sur les absences postérieures à la consolidation.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Liège (division de Huy). Celui-ci désigne un expert par jugement du 26 novembre 2014.

L’intéressé interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelant fait grief au MEDEX d’avoir exclu des séquelles indemnisables les absences postérieures à la date de consolidation, et ce pour ce seul motif. Il considère que les absences pour maladie doivent être accordées sans limite de temps lorsqu’elles résultent d’un accident du travail et qu’aucune justification n’est apportée quant au rejet de ces périodes. Il demande, en conséquence, une modification de la mission d’expertise et, au cas où se poserait un déclinatoire de compétence, le renvoi devant le Tribunal de Première Instance de l’arrondissement judiciaire de Huy.

Quant à la Communauté française, elle plaide que le décret du 5 juillet 2000, fixant le régime de congés et de disponibilité pour maladie, n’a pas pour objet l’indemnisation d’une victime d’un accident du travail et que les périodes d’incapacité temporaire postérieures à la consolidation ne doivent pas intervenir pour le décompte du nombre de jours de congé pour cause de maladie.

La décision de la cour

La cour statue en premier lieu – et essentiellement – sur sa compétence.

Pour la Communauté française, en effet, les absences postérieures à la consolidation ne sont pas imputables à l’accident, tandis que l’appelant soutient le contraire et demande leur indemnisation dans ce cadre. Il se fonde sur l’article 10 du décret du 5 juillet 2000, selon lequel le congé pour maladie ou infirmité est accordé sans limite de temps lorsqu’il résulte d’un accident du travail (ou d’un accident sur le chemin du travail, ou encore d’une maladie professionnelle). Il demande que la cour dise pour droit que le congé dû à l’accident et survenu après la date de consolidation soit accordé sans limite de temps.

La cour relève que l’article 10 n’a pas pour objet l’indemnisation des victimes suite à un accident du travail, mais qu’il est relatif aux congés et à leur durée pour cause de maladie ou infirmité, ainsi qu’à leur incidence sur la position administrative de l’agent. Se pose dès lors un problème de compétence, les juridictions du travail ne pouvant connaître que des demandes relatives à la réparation des dommages résultant des accidents du travail (article 579, 1°, C.J.) et non des dispositions relevant du statut administratif de ceux-ci.

Le fondement de la demande n’est pas la loi du 3 juillet 1967 et la cour renvoie ici expressément à l’article 6, § 3, de celle-ci, selon lequel, si l’incapacité de travail permanente s’aggrave au point qu’elle ne puisse exercer temporairement un nouvel emploi, la victime a droit, pendant cette période, à l’indemnisation de l’article 3bis, à savoir les indemnités pour incapacité temporaire, telles que précisées à cette disposition.

La demande relève du statut administratif de l’intéressé et n’entre pas dans la compétence des juridictions du travail.

Il y a dès lors lieu d’appliquer l’article 854 du Code judiciaire, concernant la compétence matérielle des juridictions, question que le juge doit examiner d’office. La mission de l’expert ne peut être modifiée en ce qui concerne l’imputabilité des absences. Demander au juge d’appliquer une disposition relative au statut administratif de l’agent ou de statuer sur les séquelles d’un accident du travail n’est pas la même chose. Vu le déclinatoire de compétence, la cause doit être renvoyée au juge d’appel compétent.

La cour ne vide pas sa saisine, vu que se pose la question de savoir si elle peut renvoyer une partie du litige devant une autre juridiction, tout en en conservant les autres.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est un « classique », dans la mesure où une demande fondée sur l’article 10 du décret du 5 juillet 2000 est généralement admise comme étant une demande relevant du statut administratif de l’agent et ne pouvant constituer le fondement d’une action en indemnisation des séquelles d’un accident du travail. La cour a constaté que n’est pas visée la loi de base relative à la réparation de celui-ci, qui est la loi du 3 juillet 1967 et qui serait susceptible de fonder sa compétence.

L’on notera encore que la contestation ne porte pas sur la date de consolidation elle-même, alors qu’il ressort du dossier que l’intéressé a été en incapacité jusqu’à la fin de l’année académique 2014-2015 en tout cas.


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