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Mutualités : étendue de l’obligation d’une information de l’O.C.M. quant à l’affectation des réserves ne relevant pas du régime de l’assurance obligatoire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 janvier 2016, R.G. 2014/AB/494 et 2014/AB/496

Mis en ligne le mardi 13 septembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 14 janvier 2016, R.G. 2014/AB/494 et 2014/AB/496

Terra Laboris

Par arrêt du 14 janvier 2016, la Cour du travail de Bruxelles examine l’étendue de l’obligation d’information des mutualités vis-à-vis de l’Office de Contrôle des Mutualités et des Unions nationales de Mutualités sur les décisions d’affectation des réserves visées à l’article 29, § 4, de la loi du 6 août 1990.

Les faits

Une sanction est prise par l’Office de Contrôle des Mutualités et des Unions nationales de Mutualités vis-à-vis d’une union nationale ainsi que d’une des mutualités affiliées à celle-ci, au motif d’un manque d’informations correctes dans le délai réglementaire sur les affectations des réserves visées à l’article 3, § 2, de l’arrêté royal du 13 novembre 2002 portant exécution de l’article 29, § 4, de la loi du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales.

L’amende est de 33.000 €. Elle est payée, mais contestée devant le tribunal du travail.

Celui-ci annule les décisions et condamne l’Office au remboursement. Le tribunal considère en effet qu’il n’y a pas d’infraction, l’Union ayant informé correctement l’Office à la fin de chaque trimestre des affectations en cause. Il considère qu’elle n’était pas tenue de l’informer des renouvellements de celles-ci au courant du trimestre même. Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

L’Office considère que toute décision relative au placement des fonds, en ce compris la prorogation des placements existants, peut avoir une incidence sur l’équilibre financier de l’entité contrôlée et doit dès lors faire l’objet d’une notification, et ce dès l’échéance d’un placement, lorsque celui-ci est reconduit. Il y a à ce moment un choix qui est posé et le risque doit être réapprécié. La sanction n’est, à son sens, pas disproportionnée par rapport à la gravité des faits.

Quant à l’union, elle considère avoir appliqué correctement la loi en faisant une information trimestrielle. Les placements venus à échéance en cours de trimestre faisaient l’objet de l’information exigée à la fin de celui-ci. La réglementation prévoit uniquement la communication de la situation des affectations pour chaque trimestre et non le détail de toutes les opérations pendant celui-ci. Sur la sanction, elle considère que, à supposer que la cour ne suive pas son point de vue, la manière de procéder résulte d’une pratique longue de plusieurs années et qu’aucune instruction différente n’a été donnée, la manière de travailler étant ainsi conforme à la législation. A supposer enfin qu’il faille une sanction, celle-ci est disproportionnée, ainsi qu’abusive, du fait que l’Office a fait le choix de la voie la plus dommageable, sans avertissement et alors que d’autres solutions étaient possibles.

La décision de la cour

La cour reprend l’article 29, § 3, de la loi du 6 août 1990 et la disposition qui l’exécute dans l’arrêté royal du 13 novembre 2002, qui règlent l’affectation des fonds ne relevant pas du régime de l’assurance obligatoire et qui, subsidiairement, autorisent certains placements. Des dérogations et conditions sont prévues à l’article 3 de l’arrêté royal, étant de ne pas mettre en péril l’équilibre financier du centre administratif et d’informer l’Office de ces affectations par lettre recommandée dans les 30 jours civils de la fin du trimestre au cours duquel elles sont réalisées (article 3, § 2, 2°).

Pour la cour, l’interprétation à donner à ce texte n’est pas univoque, puisqu’il vise uniquement l’information des affectations dans un délai de 30 jours civils à dater de la fin du trimestre au cours duquel elles sont intervenues. Le contenu de l’information, non plus que l’obligation de délivrer celle-ci individuellement, ne figurent pas dans le texte. Par contre, la référence au « trimestre en cours » permet de penser qu’il peut s’agir d’une affectation globale à l’échéance.

La cour rappelle que la loi pénale est de stricte interprétation, ces principes généraux valant tant pour les sanctions pénales proprement dites que pour celles non officiellement qualifiées de telles. Elle renvoie à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 janvier 2015 (C. const., 28 janvier 2015, n° 9/2015) sur le principe de légalité en matière pénale. Celui-ci exige que le législateur indique en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, et ce afin, d’une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement de manière satisfaisante quelle en sera la conséquence pénale et, d’autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d’appréciation.

Il ne peut s’agir ici d’une infraction, et ce quelle que soit l’interprétation à donner de la disposition.

La cour rappelle encore que l’article 60 de la loi du 6 août 1990 permet à l’Office de prendre une décision motivée, en cas de non-respect des obligations légales, et ce en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction. Il peut s’agir d’exiger la cessation de l’agissement répréhensible constaté et éventuellement la régularisation de la situation dans un délai déterminé, de prononcer une amende administrative (de 100 à 500 €), ou encore de nommer un commissaire spécial ou de retirer l’agrément du service.

La sanction d’un tel manquement peut dès lors être de nature purement administrative.

A supposer encore qu’il y ait eu une infraction « technique » à la réglementation, une telle solution eut dû intervenir, d’autant que la pratique de plusieurs années a autorisé le mode de fonctionnement de l’union.

La cour se prononce enfin sur son pouvoir en matière de sanction au sens de la réglementation et considère qu’elle a ici une pleine juridiction, c’est-à-dire un pouvoir de substitution en opportunité. Elle rappelle encore que, depuis la loi du 6 décembre 2000, les juridictions se sont vu octroyer un pouvoir de contrôle judiciaire, alors que, précédemment, l’affaire ne pouvait être que de la compétence du Conseil d’Etat.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle deux choses importantes, étant un premier point mentionné in fine de l’arrêt, relatif au pouvoir de pleine juridiction du juge social pour se prononcer sur les sanctions administratives en la matière. Il s’agit d’une compétence de substitution quant à la justification de la sanction elle-même.

Ensuite, sans que la question ne soit réglée, la cour souligne les difficultés d’interprétation de la disposition visée, étant l’article 3, § 2, 2°, de l’arrêté royal du 13 novembre 2002.


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