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Sur la possibilité pour l’organisme de paiement des allocations de chômage de répercuter sur le chômeur les conséquences de sa faute

Commentaire de C. trav. Liège (sect. Namur), 7 juin 2011, R.G. 2010/AN/193

Mis en ligne le lundi 1er août 2016


Cour du travail de Liège (section Namur), 7 juin 2011, R.G. 2010/AN/193

Terra Laboris

Les faits de la cause

La CAPAC n’ayant pas tenu compte du passage au forfait, a payé à M. NR des allocations de chômage sensiblement trop élevées entre les mois de mai et d’août 2008. Elle reconnaît son erreur et le fait qu’elle n’a pas respecté l’autorisation de paiement transmise par l’O.N.Em. qui a rejeté les dépenses. La CAPAC a pris deux décisions de récupération de l’indu. Le tribunal du travail de Dinant a admis cette récupération.

Le chômeur interjetait appel de cette décision mettant à la cause tant la CAPAC que l’O.N.Em. mais ne critiquant que la décision d’autoriser la récupération de l’indu.

L’arrêt analysé

La cour du travail rappelle que le principe de la récupération de l’indu sous la réserve de la prescription est confirmé tant par l’article 169 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 que par l’article 1235 du Code civil. L’article 17, alinéa 2, de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la Charte de l’assuré social y apporte une exception lorsque l’erreur est due exclusivement à une institution de sécurité sociale. La nouvelle décision ne peut en règle rétroagir. Mais l’article 18bis de la Charte a permis au Roi de déterminer les régimes ou subdivisions de régime de sécurité sociale pour lesquels une décision relative aux mêmes droits prise à la suite d’un examen de la légalité des prestations payées n’est pas considérée comme une nouvelle décision pour l’application de cet article 17.

En exécution de cette disposition, l’article 166, alinéa 2, de l’ARO prévoit que les décisions visées à l’article 164, § 2, de l’arrêté royal – soit les décisions de l’O.N.Em. de rejet des dépenses après leur vérification – ne sont pas de nouvelles décisions au sens des articles 17 et 18 de la Charte.

La cour du travail rappelle que deux interprétations des articles 18 de la Charte et 166, § 2, de l’arrêté royal ont alors été défendues. Dans la première interprétation, ce sont les décisions de contrôle de l’O.N.Em. que l’article 18bis permet d’exclure de la notion de nouvelle décision et non les décisions de l’organisme de paiement de répercuter sur le chômeur la charge des dépenses effectuées par erreur.

Dans la seconde interprétation, toutes les décisions prises à la suite de la vérification des dépenses ne sont pas des nouvelles décisions. La Cour de cassation a entériné cette seconde interprétation par des arrêts des 9 juin 2008 (J.T.T., 2008, p. 377, J.L.M.B., 2008, p. 1498 et Chron.D.S., 2009, p. 143) et 27 septembre 2010 (J.T.T., 2010, p. 433).

La cour du travail rappelle qu’elle avait, par un arrêt du 5 mai 2009 (treizième chambre, R.G. n° 7.911/2005) posé à la Cour constitutionnelle la question si dans cette interprétation, l’article 18bis n’établissait pas une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution entre les assurés sociaux selon le type de prestations dont ils demandent le bénéfice.

La Cour constitutionnelle y a répondu par un arrêt du 2 juin 2010 (n° 67/2010) que l’article 18bis ne faisait en soi aucune différence entre les catégories d’assurés sociaux, ajoutant que « s’il apparaissait que, sur la base de l’habilitation faite par la disposition en cause, le Roi a introduit une différence de traitement entre deux catégories d’assurés sociaux (ceux qui ne peuvent voir la décision de révision rétroagir en leur défaveur et ceux qui, comme en matière de chômage pourraient, lorsque l’erreur émane de l’organisme de paiement, subir cette rétroactivité), c’est au juge a quo qu’il appartiendrait, en application de l’article 159 de la Constitution, le cas échéant, de vérifier s’il existe une justification raisonnable pour cette différence de traitement ».

La cour du travail souhaite dès lors que les parties se positionnent sur cette importante question de la rétroactivité, rappelant que, dans l’interprétation stricte du texte, les organismes de paiement sont exempts de toute prise en charge des conséquences de leurs errements grâce au fait qu’un organisme de contrôle vérifie les dépenses et ce même lorsque l’indu est une conséquence de leur faute exclusive. Est-ce bien là la volonté du législateur ?

Importance de la décision

La cour du travail de Liège, section de Namur, a donc saisi la balle au bond que lui renvoyait la Cour constitutionnelle en s’interrogeant sur la volonté du législateur. Elle rappelle que selon l’exposé des motifs du projet de loi (Doc. Ch., législature 49, session 1996/1997, p. 16), l’article 18bis avait été justifié par la circonstance que, dans le cas de l’assurance chômage et de l’assurance soins de santé et indemnités, la plupart des décisions de paiement sont prises par des organismes privés et sont contrôlées par les établissements publics que sont l’O.N.Em. et l’I.N.A.M.I. Le délai de trois mois est insuffisant pour effectuer ce contrôle alors que l’objectif de la Charte n’est pas de le rendre impossible. La cour du travail se réfère également à B. Graulich et G. Ninane : « L’application de la Charte de l’assuré social en matière de chômage », in Dix ans d’application de la Charte de l’assuré social, Etudes pratiques, Kluwer, 2008, pp. 127 et ss.


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