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La garantie de revenus aux personnes âgées et la notion de cohabitation pour le calcul des ressources

Commentaire de Cass., 21 septembre 2015, n° S.14.0105.F

Mis en ligne le lundi 8 février 2016


Cour de cassation, 21 septembre 2015, n° S.14.0105.F

Terra Laboris

La Cour de cassation rappelle que, en la matière, la division des ressources ne s’effectue que pour les personnes dont les ressources sont prises en considération. Il y est dérogé pour les enfants mineurs d’âge et les enfants majeurs, à la condition que le bénéficiaire perçoive des allocations familiales.

Les faits et antécédents de la cause

M. G. D. cohabite notamment avec un enfant majeur pour lequel il ne perçoit pas d’allocations familiales.

Les règles en matière de garantie de revenus, avant la modification de la loi du 22 mars 2001 par la loi du 8 décembre 2013, étaient en substance que :

  • le montant de l’allocation dépend de la question de savoir si le bénéficiaire partage ou non la même résidence principale avec une ou plusieurs personnes. Le montant des allocations est en effet majoré d’un coefficient de 1,50 lorsque le chômeur est « isolé », c’est-à-dire ne partage pas la même résidence avec une ou plusieurs personnes (article 6 de la loi du 22 mars 2001). Certaines personnes ne sont toutefois pas censées partager la même résidence principale que le bénéficiaire nonobstant leur inscription au registre de la population à la même adresse, dont les enfants majeurs pour lesquels les allocations familiales sont perçues ;
  • en vertu de l’article 7, tous les revenus et pensions dont dispose(nt) l’intéressé et/ou les personnes avec qui il partage la même résidence principale sont pris en considération. Mais lorsque le bénéficiaire est considéré comme isolé, seules les ressources dont il dispose personnellement sont prises en considération. Aux termes de l’article 7, § 2, le montant total des ressources prises en considération est, après déduction des immunisations, divisé par le nombre de personnes qui partagent la même résidence principale.

L’O.N.P. n’a pas tenu compte du fils majeur de M. G. D. pour l’application de l’article 7, § 2.

M. G. D. a introduit un recours contre cette décision. Le premier juge lui avait donné raison. La cour du travail de Mons a réformé la décision par un arrêt du 11 septembre 2014 en décidant que la division par le nombre de personnes qui partagent la même résidence principale ne concerne pas un enfant majeur pour lequel des allocations familiales ne sont pas perçues.

L’arrêt se réfère notamment à l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 26 septembre 2013 (n° 125/2013) qui répond à des questions préjudicielles posées par la cour du travail de Bruxelles dans un arrêt du 15 novembre 2012 (R.G. 2011/AB/512). La cour du travail s’interrogeait sur le cas d’une cohabitation du bénéficiaire de la GRAPA avec un étranger séjournant illégalement sur le territoire et dépourvu de ressources et a interrogé la Cour sur la question de savoir si l’article 6, § 2, de la loi est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où les bénéficiaires qui partagent leur habitation commune avec une personne dont la cohabitation leur procure un avantage économique sont traités de la même manière que les bénéficiaires dont la cohabitation ne peut pas procurer cet avantage.

La Cour Constitutionnelle a décidé qu’il n’était pas justifié que le bénéficiaire perde son droit au taux majoré, soit celui d’isolé, du fait de cette cohabitation.

La Cour Constitutionnelle a également précisé que cette cohabitation ne pouvait par contre permettre au bénéficiaire de la GRAPA d’obtenir un avantage, étant la division des revenus prévue par l’article 7, § 2, de la loi. Cette cohabitation est donc « neutralisée ».

La cour du travail de Mons applique par analogie cet enseignement au cas de M. G. D.

Un pourvoi a été formé par M. G. D., qui invoquait essentiellement la violation de cet article 7, § 2.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi en se fondant sur l’ensemble des dispositions de l’article 6, § 2, de l’article 7, §§ 1er et 2 et de l’article 2 de l’arrêté royal du 5 juin 2004, qu’elle synthétise comme suit : « lorsque le demandeur cohabite avec un descendant majeur pour lequel ne sont pas perçues d’allocations familiales et qui n’est, dès lors, pas censé partager la même résidence principale que lui, les ressources de ce descendant ne sont pas prises en considération pour le calcul de la garantie de revenus et lui-même n’est pas inclus dans le nombre de personnes par lequel est divisé le montant total des ressources et pensions visées à l’article 7, § 2, alinéa 1er, de la loi du 22 mars 2001 ».

Intérêt de la décision

On observera que la loi du 8 décembre 2013 a modifié, notamment, les articles 6 et 7 de la loi du 22 mars 2001.

Seules les ressources du demandeur et de son conjoint ou cohabitant légal sont prises en considération pour l’application de l’article 7, § 1er et, en vertu de l’article 7, § 2, la division des ressources ne s’effectue que pour les personnes dont les ressources sont prises en considération.

Il y est dérogé pour les enfants mineurs d’âge et les enfants majeurs, à la condition que le bénéficiaire perçoive des allocations familiales. Leur nombre est donc pris en considération dans le cadre de la division de ressources prévue par l’article 7, § 2.

L’arrêté royal du 5 juin 2004 est abrogé.

Pour ce qui concerne le litige tranché par l’arrêt de la Cour de cassation commenté, la solution reste la même, à savoir que le fils de M. G.D. ne devait pas être pris en considération dans le cadre de la division des ressources.

Sur les conséquences concrètes de la modification des articles 6 et 7, on se référera aux travaux préparatoires de la loi du 8 septembre 2008 (notamment au document de la Chambre 53-2953/2012/2013, n° 1, pp. 5 à 8).


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