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Allocation aux personnes âgées handicapées et détermination des revenus immobiliers

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 juin 2015, R.G. 2014/AB/116

Mis en ligne le vendredi 27 novembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 10 juin 2015, R.G. 2014/AB/116

Terra Laboris

Dans un arrêt du 10 juin 2015, la Cour du travail de Bruxelles examine la délicate question de la cession de biens immobiliers, cession en l’occurrence à titre gratuit, ainsi que les effets de cette opération sur les conditions d’octroi de l’allocation aux personnes âgées.

Les faits

Le SPF Sécurité sociale (Direction générale Personnes handicapées) refuse une demande d’allocation aux personnes âgées, eu égard à la condition de revenus. Il considère que l’intéressé bénéficie de revenus trop élevés pour être dans les conditions d’octroi. Il est en effet titulaire d’une pension ainsi que de revenus immobiliers. Le total dépasse le montant de l’A.P.A. dans la catégorie à laquelle il pourrait prétendre (en l’occurrence la catégorie 4).

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui, par jugement du 22 janvier 2014, rejette celui-ci.

La cour du travail est ainsi saisie de la question de l’examen des revenus à prendre en compte pour l’octroi de cette allocation en présence de revenus immobiliers.

En l’espèce, l’intéressé était, au moment où la demande a été introduite, sous administration provisoire et n’avait pas la jouissance de ses revenus immobiliers, d’autant qu’ils avaient dû être vendus et ont dès lors disparu.

Position de la cour

La cour examine en premier lieu la date à laquelle les revenus doivent être calculés, étant que c’est la date d’effet de la demande d’allocation (article 6, § 3 de l’arrêté royal – sauf pour les revenus professionnels).

Quant aux revenus eux-mêmes, il faut distinguer les conditions de prise en compte des pensions et des
revenus immobiliers.

La pension (pension belge ou étrangère) intervient à concurrence de 90% de la pension annuelle.

Quant aux revenus immobiliers, à la date de la demande, l’intéressé était propriétaire de trois immeubles, dont le revenu cadastral total avoisine 6.350 €. C’est à partir de ce revenu cadastral qu’il faut faire le calcul, étant que, s’agissant d’immeubles bâtis, il y a en premier lieu une exonération forfaitaire (1.500 €) et que, ensuite, il y a lieu de multiplier le solde du revenu cadastral par trois, les revenus à prendre en compte étant ainsi fixés de manière forfaitaire.

Le système du forfait exclut qu’il soit tenu compte du revenu réel issu du bien. En conséquence, si l’intéressé n’a perçu aucun revenu, cet élément est indifférent, le juge devant retenir le revenu cadastral forfaitaire. Cette solution vaut même dans l’hypothèse de la désignation d’un administrateur provisoire, dont la mission est précisément de gérer les biens pour le compte de son administré, celui-ci en restant propriétaire.

Enfin, dans le calcul, il faut retenir un abattement de l’ordre de 12.400 € à l’époque, s’agissant d’une personne vivant seule.

La cour va, en procédant au recalcul global, aboutir à la conclusion que, à l’époque, les revenus excédaient le montant de l’allocation et qu’en conséquence, elle n’est pas due.

Reste, cependant, à examiner la question de l’évolution de la situation de l’intéressé, puisque son patrimoine a été considérablement modifié (le produit de la vente ayant fait l’objet de donations à des membres de sa famille).

La cour souligne que l’intéressé aurait dû faire une nouvelle demande, eu égard à la modification ainsi intervenue. Cette procédure est autorisée par l’article 17 de l’arrêté royal du 22 mai 2003. Elle souligne qu’il peut encore le faire, étant cependant entendu que la nouvelle demande ne produirait ses effets que le premier jour du mois suivant son introduction.

Quant à la question de savoir si elle doit tenir compte de la modification de revenus survenue en cours d’instance, la cour rappelle qu’en matière d’allocations aux personnes handicapées, le juge peut connaître des demandes fondées sur des faits qui se sont produits après la décision administrative, ainsi une modification de la situation de famille de la personne. Elle renvoie à plusieurs arrêts de la Cour de cassation (dont Cass., 30 octobre 2000, n° S.00.0026.N). La modification des revenus de la personne au cours de la procédure administrative et judiciaire peut également être prise en compte.

A cet égard, la cour rappelle que, du fait de la vente, le produit doit intervenir dans la mesure où il est encore en possession de l’intéressé. En outre, l’article 17 de l’arrêté royal impose de tenir compte de la valeur de tout bien cédé à titre gratuit ou onéreux au cours des dix années précédant la date de prise d’effet de la demande. Seules peuvent être déduites certaines dettes.

Elle souligne encore que l’administration doit procéder à une enquête sur les revenus de l’intéressé et réunir toutes les données utiles au sujet de la vente des immeubles, ainsi que de la destination du produit de celle-ci. Quant à l’assuré social, en sa qualité de demandeur d’allocation, il doit établir qu’il remplit les conditions d’octroi et informer valablement l’administration quant au sort réservé aux biens immobiliers. A toutes fins, la cour invite – et au besoin ordonne - à l’administrateur provisoire (ainsi qu’à celui qui lui a succédé) de produire le rapport de fin de mandat.

Intérêt de la décision

Même si cette décision ne tranche pas définitivement le litige, la cour du travail résume, synthétiquement, les règles en la matière et tente déjà de dégager plusieurs solutions.

L’examen de la prise en compte des revenus immobiliers en cas de cession pour le calcul de l’allocation aux personnes âgées est une question qui peut parfois s’avérer complexe. Relevons ainsi que dans un arrêt du 22 février 1999 (Cass., 22 février 1999, n° S.98.0049.N), la Cour suprême avait jugé que, s’il y a eu une donation par deux conjoints dans les dix ans précédant la demande d’octroi d’un bien immobilier indivis, et que le conjoint décédait avant cette demande d’octroi, ce n’est pas l’intégralité de la valeur du bien qui doit être prise en compte, mais une fraction de celle-ci, étant 50%. Par contre, s’il y a eu cession à titre gratuit d’un bien dont le conjoint décédé était seul propriétaire, il n’y a pas lieu de tenir compte du produit de la cession.

L’on peut encore renvoyer à un arrêt de la Cour du travail de Liège du 9 décembre 2013 (C. trav. Liège, sect. Liège, 9 décembre 2013, R.G. 2013/AL/404), qui a repris de nombreuses décisions de jurisprudence sur la notion de dettes à prendre en compte, dettes qui ont pu être apurées par le produit de la cession.


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