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Allocations familiales, cas pratique : Parents séparés et relevant de régimes différents, qui est l’attributaire ?

Commentaire de C. trav. Liège, 14 décembre 2006, R.G. 33.931/06

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Liège, 14 décembre 2006, R.G. 33.931/06

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 14 décembre 2006, la Cour du travail de Liège répond à la question concernant le cas de parents dont la mère relève du régime « indépendants » et le père du régime salarié, parents séparés en 1992. Elle estime que c’est la mère qui est l’attributaire.

Les faits

Monsieur X et Mme Y ont deux filles.

Monsieur X bénéficie d’indemnités pour invalidité et relève du régime des travailleurs salariés. Mme Y relève quant à elle du régime des travailleurs indépendants.

Le couple se sépare en 1992. Dans ce cadre, un jugement de septembre 1992 du Tribunal de la jeunesse confie la garde des enfants à Mme Y.

Les allocations familiales sont versées jusqu’en 1995.

En date du 23 juin 2003, les anciens époux introduisent une demande auprès de l’ONAFTS pour que Monsieur X se voie reconnaître la qualité d’attributaire. Cette demande est rejetée par l’ONAFTS, cet organisme se fondant sur le droit de garde exclusif dans le chef de la maman.

Un recours est introduit à l’encontre de cette décision par requête du 14 août 2003.

Ultérieurement, par jugement du 2 octobre 2003, le Tribunal de la jeunesse « maintient » (selon les termes de l’arrêt) l’autorité parentale conjointe et décide de l’hébergement principal des enfants chez Mme Y.

La décision du tribunal

Le Tribunal estime que la fiction consacrée par l’article 69 des lois coordonnées sur les allocations familiales des travailleurs salariés doit recevoir application à partir du 2 octobre 2003 (date du jugement du Tribunal de la jeunesse) et fait droit à la demande à cette date uniquement.

La position des parties

L’ONAFTS introduit un appel à l’encontre du jugement, contestant la qualité d’attributaire du père. Selon lui, c’est en effet la mère qui devrait être reconnue comme attributaire, et en ce en vertu des règles anti-cumul prévues par l’article 60 des lois coordonnées.

La décision de la cour

La Cour relève que le litige porte sur la détermination du parent attributaire, relevant chacun d’un régime différent (régime des travailleurs salariés pour le père et celui des indépendants pour la mère). La règle légale permettant de déterminer la personne qui ouvre le droit (l’attributaire) est contenue à l’article 60 des lois coordonnées.

Pour la situation jusqu’au second jugement du Tribunal de la jeunesse d’octobre 2003, la Cour retient que, malgré que le père relève du régime des travailleurs salarié et serait dès lors prioritaire, c’est la mère qui est attributaire, vu la garde exclusive dans son chef.

La Cour relève qu’il n’est pas contesté que ce second jugement consacre la « coparenté » (exercice conjoint de l’autorité parentale), de sorte qu’à partir de son prononcé, les enfants sont considérés comme faisant partie du ménage des deux parents (article 60, § 3 et dispositions transitoires), ce qui, eu égard à la règle de priorité du travailleur salarié, permet à Monsieur X d’être reconnu comme attributaire des allocations familiales.

Cependant, la Cour note qu’en vertu de l’article 60, § 3, alinéa 1er, 3°, le droit aux allocations familiales dans le régime des travailleurs indépendants exclut tout autre droit lorsqu’il existe avant que l’autre parent, dans une situation spécifique telle que l’invalidité, ne devienne attributaire.

En l’espèce, le père n’est devenu attributaire que postérieurement à l’ouverture du droit dans le chef de la maman (lequel découle de la garde exclusive antérieure).

La Cour accueille dès lors l’appel de l’ONAFTS et confirme la qualité d’attributaire dans le chef de celle-ci.

Intérêt de la décision

Rappelons que le montant des allocations familiales n’est pas identique dans les deux régimes, travailleurs salariés et travailleurs indépendants. Etant plus élevées dans le premier, il est logique que les parents tentent de faire reconnaître la qualité d’attributaire dans le chef du parent relevant du régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés.

L’arrêt ci-dessus représente un cas pratique d’application des dispositions anti-cumul entre les deux régimes et de son application dans le temps, vu les modifications introduites suite à la refonte du régime de l’autorité parentale, consacrant la « coparentalité », c’est-à-dire l’exercice conjoint de l’autorité parentale.


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