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Accident du travail : notion d’exécution du contrat

Commentaire de C. trav. Liège, div. Liège, 8 mai 2015, R.G. 2014/AL/524

Mis en ligne le lundi 28 septembre 2015


Cour du travail de Liège, div. Liège, 8 mai 2015, R.G. n° 2014/AL/524

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Dans un arrêt du 8 mai 2015, la Cour du travail de Liège rappelle les principes relatifs à la notion d’exécution du contrat de travail, à l’occasion d’un accident survenu à une secrétaire médicale prestant au domicile du médecin au service duquel elle était occupée, accident consistant en une morsure par un animal domestique.

Les faits

Une secrétaire médicale, au service d’une société, preste pour un médecin, dont le cabinet est à son domicile.

A la fin d’une journée de travail, la secrétaire médicale, qui s’apprête à partir et se trouve dans la cuisine de l’immeuble, prend congé de l’épouse du médecin. Alors qu’elle l’embrasse, le chien de cette dernière, qui se trouvait sur ses genoux, la mord.

L’intéressée est emmenée aux urgences. Elle est hospitalisée quelques jours.

Elle conserve de l’accident des séquelles, essentiellement au niveau de l’œil gauche.

L’assureur conteste qu’il y a accident du travail, celui-ci n’étant pas, selon lui, survenu par le fait de l’exécution du contrat de travail.

Une procédure est dès lors introduite, devant le Tribunal du travail de Liège et celui-ci admet l’accident, par jugement du 10 juin 2014. Il désigne un expert aux fins de donner un avis sur les séquelles.

L’assureur-loi interjette appel.

Position des parties devant la cour

La partie appelante considère essentiellement que la morsure n’est pas survenue dans le cours de l’exécution du contrat de travail et par le fait de celle-ci. Il fait grief à l’intéressée de ne pas établir qu’elle était toujours sous l’autorité de l’employeur (le fait de saluer son épouse n’étant pas un fait inhérent à l’exécution du contrat) et critique le jugement en ce qu’il a fait une interprétation trop extensive de la notion d’« accident survenu par le fait de l’exécution ». Il ne s’agissait pas, en l’espèce, d’un risque auquel la secrétaire était exposée en qualité de travailleuse.

Décision de la cour du travail

La cour renvoie aux principes en la matière, principes repris aux articles 7 et 9 de la loi du 10 avril 1971. Elle rappelle le mécanisme de la preuve, étant celle à charge de la victime ainsi que les présomptions légales et insiste particulièrement sur la notion de cours de l’exécution du contrat.

Elle relève d’emblée que cette notion est « bien plus large » que celle d’exécution.

Elle renvoie à la doctrine du Prof. HORION (P. HORION, Traité des accidents du travail, p. 89), selon laquelle le législateur a entendu viser tout accident qui s’est produit en un lieu et en un temps dont les parties sont convenues expressément ou explicitement qu’ils font partie du contrat. En conséquence, il s’agit d’un lieu où l’employeur a le droit d’exercer son autorité et sa surveillance sur le travailleur et donc de lui donner des ordres. Ces règles, dégagées par le Prof. HORION, sont reprises expressis verbis. Suit un examen de jurisprudence, tant de la Cour de cassation que de diverses cours du travail, qui ont admis que l’autorité peut être virtuelle et qu’il faut entendre par cette notion, toutes les situations dans lesquelles la liberté personnelle du travail leur est limitée eu égard à l’exécution du contrat.

Elle souligne également que le temps de l’exécution du contrat commence dès que le travailleur est à disposition de l’employeur et qu’il s’arrête lorsqu’il ne l’est plus, étant lorsqu’il retrouve sa liberté d’action. Il doit dès lors inclure les actes préparatoires ou consécutifs au travail.

Elle en vient, alors, aux éléments de fait, considérant que son examen doit porter sur le fait de savoir si l’accident est survenu à un moment où la secrétaire avait sa liberté personnelle limitée en raison de l’exécution du contrat. Elle renvoie au but de la loi, rappelé par la Cour de Cassation dans sa jurisprudence, étant qu’il s’agit de protéger la victime dans toutes les circonstances où elle se trouve sous l’autorité de l’employeur – celle-ci pouvant au moment en cause être purement virtuelle.

L’exécution du contrat ne coïncidant pas avec l’exécution du travail lui-même, le lien de subordination ne peut pas être limité à la durée de l’exécution du travail.

Pour admettre, à partir des éléments de fait, qu’il y avait exécution du contrat, la cour retient qu’il n’y avait pas de pointeuse et que l’employée pouvait très bien être tenue de signaler son départ à son employeur ou à son épouse, ceci pouvant être un usage.

Quant au fait que l’intéressée se trouvait dans la cuisine, la cour retient que le lieu du travail était situé au sein même de l’habitation.

Ces deux éléments expliquent la présence de l’intéressée dans ce lieu. L’accident est dès lors survenu, en raison de l’organisation particulière du travail du cabinet médical.

L’assureur ne pouvait dès lors considérer que le caractère cordial de la relation entre les deux personnes pouvait tenir en échec la reconnaissance de l’accident.

Elle va dès lors conclure que les faits sont survenus dans le cours de l’exercice normal du contrat de travail. Par ailleurs, sur la question de savoir s’il est survenu par le fait de cet exercice, elle rappelle qu’une fois établi que l’accident est survenu dans le cours de l’exercice, la présomption légale de l’article 7 joue et l’accident est considéré comme survenu par le fait de l’exercice. Il appartient dès lors à l’assureur de renverser celle-ci, c’est-à-dire d’établir que l’accident n’a aucun lien avec l’activité professionnelle.

Le seul fait de la présence d’un animal domestique dans l’habitation privée ne suffit pas à renverser cette présomption.

La cour conclut, comme le tribunal, qu’il y a accident du travail.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est un bon rappel des principes relatifs à la notion d’exécution du contrat de travail, celle-ci étant comprise comme large, pouvant couvrir l’ensemble des hypothèses où le travailleur ne jouit pas de sa liberté d’action (celle-ci étant limitée eu égard à l’exécution du contrat).

La cour rappelle très judicieusement que celle-ci ne coïncide pas avec l’exécution du travail lui-même et qu’il faut notamment y inclure tous les actes préparatoires et consécutifs.

Fait ainsi partie des obligations contractuelles celle d’annoncer son arrivée ou comme en l’espèce de signaler son départ. Dans la mesure où les modalités décrites sont compatibles avec une exécution normale des obligations contractuelles du travailleur, la présomption de l’article 7 de la loi fait que l’accident survenu au cours de l’exécution du contrat est présumé l’être par le fait de cette exécution. A défaut de renversement, la condition légale est remplie.


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