Terralaboris asbl

Classification professionnelle au sein de la CPNAE

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 mars 2015, R.G. 2013/AB/401

Mis en ligne le lundi 21 septembre 2015


Cour du travail de Bruxelles, 24 mars 2015, R.G. n° 2013/AB/401

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 24 mars 2015, la Cour du travail de Bruxelles examine une question de classification professionnelle, au sein de la CPNAE, rappelant les règles à respecter lors du passage des critères de la Convention collective du 29 mai 1989 à celle du 28 septembre 2009, modifiant la précédente avec effet au 1er janvier 2010.

Les faits

Une employée est engagée dans le cadre d’une société familiale. Elle y exerce dans un premier temps des fonctions de représentant de commerce, ainsi que repris dans le contrat de travail.

Les fonctions vont évoluer par la suite, l’objet des activités de la société se modifiant. Ainsi, à partir 1994, elle place des présentoirs en clientèle (lunettes). Les fonctions telles que reprises dans un nouveau contrat de travail portent sur le réassort en magasin et la démonstration sur les lieux de vente.

Un changement d’actionnaires intervient ultérieurement.

En 2010, l’intéressée est licenciée moyennant préavis de douze mois à prester. Ce préavis sera écourté, la société payant le solde de l’indemnité.

Un litige survient, ensuite, eu égard notamment à une demande d’arriérés de rémunération, l’employée considérant que la classification professionnelle n’a pas été respectée.

Une action est dès lors introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles.

Position du tribunal du travail

Par jugement du 11 février 2013, le tribunal fait partiellement droit à la demande, sur un autre point, cependant, que les arriérés de rémunération postulés (le tribunal allouant un complément d’indemnité compensatoire de préavis).

Appel est interjeté par l’employée.

Position de la cour du travail

La cour est saisie, essentiellement, de la question de la rémunération barémique, l’intéressée réclamant la troisième catégorie telle que fixée par la CCT du 29 mai 1989 (pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2009) et la catégorie C, en fonction de la CCT du 28 septembre 2009 modifiant la précédente (pour la période à partir du 1er janvier 2010).

La cour reprend, dès lors, la classification professionnelle, relative au personnel administratif.

Dans le cadre des critères de la CCT du 29 mai 1989, la troisième catégorie au personnel administratif prévoyait, outre un âge de départ différent (21 ans pour la 2e catégorie et 23 ans pour la 3e) des fonctions essentiellement qualifiées par une formation pratique équivalant aux études moyennes complètes ou aux études moyennes de degré inférieur complétées par des études professionnelles spécialisées ou encore l’acquisition d’une formation professionnelle par des stages ou l’exercice d’autres emplois pouvant être valorisés, ainsi que, quant au travail lui-même, un travail d’exécution autonome, diversifié, exigeant habituellement de l’initiative, ainsi que du raisonnement et comportant la responsabilité de son exécution. La classification professionnelle comprend des fonctions aussi diverses que celles de mécanographe, dactylographe, responsable de stock, aide-comptable, facturiste, caissier, traducteur, aide-infirmier, etc.

La classe C de la CCT du 28 septembre 2009 couvre les fonctions de gestion caractérisées par la réalisation d’un ensemble complet de tâches qui constituent une seule et même mission.

La cour retient que cette description est « plus nébuleuse » que les éléments repris dans la CCT précédente, et ce à telle enseigne que la CCT du 28 septembre 2009 pourrait viser la quasi-totalité des employés d’une entreprise à l’exception de travaux simples (photocopies par exemple, tâches qui devraient d’ailleurs être limitées à cette fonction et ne requérir aucun travail d’initiative).

Si l’on reprend, pour la période précédente, les éléments donnés pour la 3e catégorie, la cour retient que, après une première période d’occupation en qualité de représentant de commerce, l’intéressée assumait des fonctions de réassortisseuse avec des tâches administratives annexes, tâches sur l’étendue desquelles les parties sont en désaccord.

Certains éléments permettent cependant à la cour de retenir qu’il y a lieu d’appliquer la troisième catégorie, étant d’une part le diplôme (l’intéressée étant titulaire de diplômes supérieurs à ceux exigés) ainsi que la circonstance que, si elle a assumé d’autres tâches après celles qui lui avaient été attribuées initialement, ceci indique qu’elle est capable de remplir ce type de fonction, ayant dû les abandonner eu égard à la réorientation de l’activité de la société.

En outre, la circonstance que la société ait, au départ, comporté peu de personnel, à savoir trois personnes dont elle-même, implique qu’elle est apte à exécuter des tâches avec autonomie. La cour ajoute, sur les fonctions de réassortissage, que si celles-ci sont visées par la 2e catégorie, il faut distinguer le réassortisseur de rayons au sein d’un seul magasin et celui qui visite divers clients et assure sans surveillance directe le réassort dans de nombreux magasins - ce qui exige une autonomie certaine.

Sur le plan des critères de la CCT du 29 mai 1989, elle conclut dès lors à l’appartenance à la troisième catégorie.

Relevant les difficultés induites par l’absence de définition concrète des fonctions de la classe C dans la CCT du 28 septembre 2009, elle conclut que les fonctions exercées ne sont pas exclues de celle-ci et que l’article 2, § 9 de cette Convention collective dispose que, si la fonction d’un employé, en service au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle classification de fonction, devrait être classée dans une classe inférieure, l’employé conserve son salaire existant ainsi que l’évolution barémique de la classe salariale à laquelle il appartenait avant la modification.

Dès lors qu’il y avait application de la troisième catégorie, le passage aux nouvelles règles implique le maintien de l’appartenance à la classe C.

La cour alloue, en conséquence, les arriérés de rémunération réclamés.

Elle va également ajuster d’autres chefs de demande, eu égard à la rémunération de base à retenir pour le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis ainsi que d’autres sommes annexes.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles donne l’occasion de revenir sur l’importante modification intervenue au sein de la CPNAE, dans laquelle les conditions de travail et de rémunération ont été revues fondamentalement par la CCT du 28 septembre 2009, modifiant celle du 29 mai 1989 concernant les conditions de travail et de rémunération.

Dans le nouveau texte, quatre classes sont retenues, la classe A visant des fonctions exécutives, la classe B des fonctions de support, la classe C des fonctions de gestion et la classe D des fonctions consultatives.

C’est le contenu fonctionnel concret dans l’entreprise qui doit être pris en compte.

Est maintenue la règle selon laquelle lorsqu’un employé barémisé possède les capacités requises pour exercer une fonction supérieure, ceci n’implique pas qu’il doive être rangé dans la classe correspondante, mais qu’il n’en sera ainsi que s’il exerce effectivement la fonction en question.

La cour rappelle également que dans l’hypothèse où la fonction d’un employé, en service au moment du passage à la nouvelle classification serait classée dans une classe inférieure, celui-ci conserve son salaire existant et continue à bénéficier de l’évolution barémique de la classe salariale à laquelle il appartenait avant la transition.

Rappelons encore que la CPNAE a été abrogée depuis le 1er avril 2015, devenant la CPAE. Cette conversion est issue d’un protocole d’accord des partenaires sociaux du 12 février 2015, qui aboutit à l’activation de la CP 200. Les droits et obligations des employeurs et travailleurs relevant précédemment de la CP 218 n’ont pas été modifiés suite à ce changement de commission paritaire.


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