Terralaboris asbl

Droit à l’indemnité de maternité : une précision de la Cour de Justice de l’Union européenne

Commentaire de C.J.U.E., 21 mai 2015, Aff. C-65/14

Mis en ligne le jeudi 3 septembre 2015


Cour de Justice de l’Union européenne, 21 mai 2015, Aff. C-65/14

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 mai 2015, la Cour de Justice répond à une question préjudicielle posée par le Tribunal du travail de Nivelles, relative à l’exigence de la réglementation belge de l’accomplissement d’un stage de 6 mois lors du passage de la qualité d’agent statutaire à celle d’employée : cette condition est contraire aux directives européennes.

Les faits

Une enseignante, agent statutaire, nommée par la Communauté flamande, obtient une mise en disponibilité pour convenances personnelles. Elle enseigne comme salariée pour la Communauté française, dans des classes d’immersion linguistique.

Elle est ainsi salariée depuis le 1er septembre 2009.

Etant tombée enceinte, elle bénéficie d’un congé de maternité à partir du 11 janvier 2010 et accouche le 2 février 2010.

Un litige survient avec son organisme assureur, à propos de la prestation de maternité. Celle-ci lui est en effet refusée, au motif du changement de statut. Le passage de la qualité d’agent statutaire à celle de travailleur salarié implique, en effet, selon l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, l’accomplissement d’un stage de 6 mois. Cette condition n’est pas rencontrée.

Un recours étant introduit devant le Tribunal du travail de Nivelles, celui-ci pose une question préjudicielle à la Cour de Justice, dans la mesure où la réglementation prévoit une dispense de stage dans l’hypothèse où l’agent statutaire démissionne ou est licencié, mais celle-ci n’existe pas pour l’agent statutaire mis en disponibilité pour convenances personnelles. La question posée est de savoir s’il y a violation de la Directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, ainsi que de la Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

La décision de la Cour

La Cour de Justice commence par faire le constat que l’intéressée a travaillé pendant plus de 12 mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement. Elle reprend ensuite les principes guidant la protection de la maternité, étant que le congé de maternité est un moyen de protection de droit social revêtant une importance particulière. Les modifications essentielles dans les conditions d’existence des intéressées pendant la période couverte par le congé constituent un motif légitime de suspension de l’activité professionnelle, la légitimité de celui-ci ne pouvant être remise en cause d’une manière quelconque par les autorités publiques ou les employeurs. Aussi, pendant le congé de maternité, il y a lieu de maintenir une rémunération et/ou une prestation adéquate. Est encore rappelé que, si les Etats membres ont la faculté de soumettre ce droit à des conditions d’ouverture, celles-ci ne peuvent en aucun cas prévoir des périodes de travail préalable supérieures à 12 mois avant la date présumée de l’accouchement.

La question posée porte en fin de compte sur la légitimité de la condition d’un nouveau stage de 6 mois exigée lorsque, comme en l’espèce, une agente statutaire est mise en disponibilité en vue d’occuper un emploi salarié alors qu’elle a travaillé pendant plus de 12 mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement.

La Directive 92/85 est, comme le rappelle la Cour, la 10e directive particulière visée par la Directive 89/391 et cette dernière s’applique à tous les secteurs d’activité, privés ou publics. Elle définit la travailleuse comme toute personne employée par un employeur, ainsi que les stagiaires et apprenties (à l’exclusion des domestiques).

Elle s’attache, ensuite, à la notion de période de travail préalable. Relevant que, si dans diverses langues, ce terme est mis au pluriel (espagnol, anglais, français, italien et portugais), d’autres ne le font pas, de telle sorte que plusieurs périodes sont admissibles. La directive ne fixe en effet aucune condition précise quant à celles-ci. Il ne peut dès lors être question de limiter ces périodes au seul emploi en cours avant la date présumée de l’accouchement.

La Cour de Justice clarifie, dès lors, la notion, la définissant comme les périodes comprenant les différents emplois successifs occupés par la travailleuse concernée avant la date de l’accouchement, y compris pour divers employeurs et sous des statuts distincts. La seule condition exigée est que la personne concernée ait exercé un ou plusieurs emplois pendant celle-ci.

Il en découle que la réglementation belge ne peut imposer une nouvelle période de stage de 6 mois préalablement à l’ouverture du droit à la prestation de maternité au seul motif du changement de statut.

Renvoyant également à d’autres arrêts rendus en matière de protection de maternité, elle souligne que l’objectif de la directive est de promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé, objectif qui ne serait pas atteint si, à chaque changement de statut ou de travail, pouvait être exigé l’accomplissement d’un stage dans le nouvel emploi, et ce alors que les périodes de travail exigées par la directive (12 mois) ont été accomplies.

Elle rencontre, enfin, expressément l’argument du Gouvernement belge, selon lequel le problème ne se pose pas tant qu’il y a des mutations d’emploi dans le cadre de la sécurité sociale des travailleurs salariés, mais bien dans le cas d’espèce, impliquant le passage de la fonction publique au contrat de travail, situation qui n’a pas engendré le versement de cotisations de sécurité sociale dans ce secteur. La Cour répond à cet égard qu’il appartient à chaque Etat membre d’assurer la coordination des différents organismes qui pourraient intervenir dans le versement de la prestation de maternité. L’Etat membre ne peut dès lors refuser la prestation.

Intérêt de la décision

Le Tribunal du travail de Nivelles a posé la question préjudicielle, eu égard à l’existence d’hypothèses de dispense de stage déterminées, parmi lesquelles ne figurait pas la mise en disponibilité pour convenances personnelles. La Cour de Justice ne reprend pas cet angle d’analyse, revenant aux principes fondamentaux contenus dans les deux directives en cause : la condition exigée par la réglementation belge eu égard à l’absence de dérogation à l’exigence du stage de 6 mois est considérée par la Cour de Justice comme contraire à l’article 11.4, alinéa 2 de la Directive 92/85, qui laisse aux Etats membres le soin de fixer les conditions du droit à la rémunération ou à la prestation de maternité, les réglementations nationales ne pouvant en aucun cas prévoir des périodes de travail préalable supérieures à 12 mois immédiatement avant la date présumée de l’accouchement.

La Cour de Justice rappelle encore que cette directive est la 10e directive d’application de la directive de base, étant la Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 et que le champ d’application de celle-ci doit donc être le même dans l’ensemble des directives qui sont venues en mettre les principes en œuvre.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be