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Cohabitation légale et demande d’aide sociale

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 octobre 2013, R.G. 2012/AB/00309

Mis en ligne le vendredi 28 août 2015


Cour du travail de Bruxelles, 9 octobre 2013, R.G. n° 2012/AB/00309

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 octobre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les effets de la cohabitation légale sur la situation du demandeur d’une aide sociale.

Les faits

Une citoyenne de nationalité congolaise arrive en Belgique en 2008 et introduit une demande d’asile. Celle-ci sera rejetée.

Une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales est alors formée en août 2010 (article 9ter de la loi du 15 décembre 1980). Celle-ci étant recevable, l’intéressée bénéficie d’une attestation d’immatriculation mais sa demande de régularisation n’aboutira pas.

Une nouvelle demande est introduite ultérieurement sur la base de l’article 9bis de la même loi, l’intéressée vivant avec sa fille née en 2003 et un tiers, dans le cadre d’une cohabitation légale. Cette troisième demande est refusée, l’Office des étrangers considérant que la cohabitation légale ne permet pas d’ouvrir le droit au séjour.

L’intéressée se tourne ultérieurement vers le CPAS, demandant une carte santé. Le CPAS refuse, considérant que la condition de ressources n’est pas remplie, l’intéressée ayant des revenus supérieurs au revenu d’intégration, du fait du travail de son compagnon.

Ayant introduit un recours au tribunal du travail, celle-ci est déboutée et elle forme appel du jugement.

Décision de la cour

La cour est dès lors saisie de la question de déterminer l’incidence de la cohabitation légale sur la situation de l’intéressée.

Elle reprend le principe de base en matière d’aide sociale, étant que celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. Quant à savoir si le cohabitant a un devoir de secours, la cour considère que tel n’est pas le cas, mais nuance sa conclusion, soulevant les éléments suivants :

  • Le devoir de secours visé à l’article 213 du Code civil vise les personnes mariées. Il s’agit d’un devoir alimentaire spécifique entre époux ;
  • La cohabitation légale n’entraîne pas un devoir de secours équivalent à celui qui existe dans les liens du mariage, l’obligation dans le cadre de la cohabitation légale étant celle de contribuer aux charges de la vie commune. Il en découle que, dans le cadre d’une cohabitation légale, un membre du couple n’a pas d’obligation légale de prise en charge des frais de santé de l’autre. Cependant, dans la mesure où chacun doit contribuer aux charges communes du ménage, la situation de la personne qui n’a pas de revenus personnels peut être influencée par cette contribution et son état de besoin peut être réduit.

Examinant les éléments relatifs aux revenus perçus, la cour constate que le compagnon de l’intéressée est travailleur salarié et que, en conséquence, il est assuré en matière de soins de santé et indemnités, pour lui et pour sa compagne, personne à charge.

Abordant également d’autres éléments, la cour va constater que la demande d’aide ne se justifie pas en fait, soulignant avec le tribunal que l’aide sociale a un caractère résiduaire et qu’il n’est pas établi que l’intéressée ne pourrait effectuer le paiement des frais restant à sa charge après l’intervention de la mutuelle sans l’aide du CPAS.

La cour confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Bruxelles apporte une réponse nuancée à la situation des cohabitants légaux dans le cadre d’une demande d’aide sociale.

Si l’article 213 du Code civil, qui règle le devoir de secours, ou devoir d’aide, n’est pas applicable comme tel dans le cadre de la cohabitation légale, existe cependant une obligation pour les cohabitants légaux de contribuer aux charges communes du ménage. La cour souligne très judicieusement que, s’il n’est dès lors pas possible d’introduire une demande en justice obligeant le cohabitant légal à remplir un devoir de secours, celui-ci peut, néanmoins, du fait de sa contribution aux charges communes, modifier la situation de son compagnon, réduisant de ce fait l’état de besoin de ce dernier dans l’hypothèse où il n’a pas de revenu personnel. L’état de besoin se trouve dès lors influencé par la cohabitation légale et, par ailleurs, la situation l’est également vu les ressources à prendre en compte, étant les ressources du couple.

La cour rappelle, en outre, le caractère résiduaire de l’aide sociale et, par voie de conséquence, l’obligation d’épuiser d’autres voies en vue du remboursement de frais médicaux.


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