Terralaboris asbl

Commission paritaire applicable pour un centre organisant des camps de vacances, classes vertes, etc. ?

Commentaire de Cass., 16 mars 2015, n° S.13.0088.F

Mis en ligne le vendredi 24 juillet 2015


Cour de cassation, 16 mars 2015, n° S.13.0088.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 16 mars 2015, étant le 2e arrêt rendu dans la même affaire, la Cour de cassation rappelle les règles relatives au ressort des commissions paritaires, et ce dans une affaire concernant un centre organisant des activités éducatives pour des enfants et offrant des services de nourriture et d’hébergement.

Rétroactes

Le défendeur en cassation, personne physique, avait organisé une activité consistant, dans une ancienne école de village, à mettre sur pied des stages rémunérés d’animation culturelle et artistique pour enfants. Dans le cadre de celle-ci, du personnel était occupé avec des contrats de travail à durée déterminée de courte durée en fonction de la nature et de la durée des activités elles-mêmes. Il s’agissait de classes vertes, de classes de cirque, de classes à thème, ainsi que de « camps-roulotte », pour lesquels toute une infrastructure avait été mise sur pied (chapiteau, village en bois, ferme avec animaux, etc.). Outre le personnel salarié, l’A.S.B.L. recourait à des bénévoles pour l’organisation du camp. Un litige survint avec l’O.N.S.S. et tant le Tribunal du travail de Marche-en-Famenne que la Cour du travail de Liège (section de Neufchâteau) avaient considéré que l’activité relevait de la commission paritaire de l’industrie hôtelière.

L’arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2007 (n° S.06.0043.F)

L’affaire alla une première fois en cassation et, par arrêt du 14 mai 2007 (S.06.0043.F), sur pourvoi à l’initiative de l’exploitant, la Cour suprême fut saisie de la question de l’appartenance à la C.P. de l’HORECA. La Cour de cassation rappela dans cet arrêt que le ressort d’une commission paritaire est en règle générale déterminé par l’activité principale de l’entreprise, sauf si un autre critère a été fixé par l’arrêté royal qui l’a instituée. En ce qui concerne la commission paritaire de l’industrie hôtelière, l’arrêté royal du 4 octobre 1974 ne prévoit pas de critères déterminant son ressort. L’arrêt de la Cour de cassation considéra dès lors que la décision de la cour du travail doit être cassée. Elle avait conclu que « l’activité socio-culturelle » que le demandeur alléguait être l’activité principale de son entreprise n’était pas permanente, se fondant, pour aboutir à cette conclusion, sur les contrats à durée déterminée et sur le fait que les personnes qui s’étaient occupées de l’animation étaient en général des bénévoles, au contraire des personnes en cuisine, qui étaient sous contrat de travail. Pour la Cour de cassation, cette motivation ne pouvait suffire à conclure que l’entreprise dépendait de la commission paritaire de l’industrie hôtelière.

L’affaire fut renvoyée à la cour du travail de Bruxelles.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 5 septembre 2012 (R.G. 2010/AB/1.064)

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles s’était attachée à rechercher l’activité principale de l’A.S.B.L. Celle-ci a toujours été présentée comme une entreprise d’animation culturelle et artistique et le fait que certains des contrats en cours soient limités dans le temps n’a, pour la cour, pas pour conséquence de faire de l’activité en cause une activité non permanente. La cour avait souligné que l’activité principale d’une entreprise ne dépend nullement de la nature des contrats de travail, mais qu’au contraire, il faut étudier les fonctions des divers membres du personnel. La cour avait retenu toute une série d’éléments qui ne cadraient pas avec l’activité de l’industrie hôtelière, étant notamment la gratuité offerte à de nombreux participants envoyés par des organisations actives dans le secteur de la précarité, relevant que la gratuité des services (offerte également aux animateurs, accompagnateurs ou professeurs) ne pouvait correspondre au concept d’hôtel, qui suppose un paiement. Eu égard par ailleurs aux activités et au rôle des enfants, la cour avait conclu que l’hébergement était l’accessoire des stages, des classes et autres camps.

Le pourvoi contre l’arrêt du 5 septembre 2012

Un pourvoi a été introduit par l’O.N.S.S. contre cet arrêt, fondé à la fois sur l’article 35 de la loi du 4 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, ainsi que sur les deux arrêtés royaux instituant d’une part la commission paritaire pour le secteur socio-culturel (arrêté royal du 8 octobre 1993) et, d’autre part, celui instituant la commission paritaire de l’industrie hôtelière (arrêté royal du 4 octobre 1974).

Le pourvoi relevait essentiellement qu’ont été exclus du champ d’application de la commission paritaire pour le secteur socio-culturel les travailleurs occupés par des employeurs relevant de la commission paritaire de l’HORECA et que l’arrêt de la cour du travail n’a pas pu légalement décider que le personnel ne relevait pas de cette commission paritaire au motif que l’activité principale de l’Ecole était de nature socio-culturelle.

La décision de la Cour de cassation du 16 mars 2015

La Cour de cassation relève que la cour du travail n’a pas fait application de l’arrêté royal du 28 octobre 1993 et que, si l’établissement y a été rattaché, après la période litigieuse, à savoir à partir du moment où l’Ecole a été constituée en A.S.B.L., ceci n’implique pas que les conditions d’application de l’arrêté royal pour le secteur socio-culturel aient été réunies pendant la période litigieuse. La Cour de cassation n’examine dès lors pas davantage le moyen, dans la mesure où il impliquerait une appréciation des faits.

Pour le surplus, rappelant les règles relatives au ressort des commissions paritaires, ainsi que les termes de l’arrêté royal du 4 octobre 1974, qui ne prévoit pas de critère déterminant son ressort, elle conclut qu’il n’y a pas violation des dispositions visées, dans la mesure où la cour du travail a constaté que l’hébergement est l’accessoire obligé des activités relevant du projet éducatif et artistique et que ceci exclut que la fourniture de logements, de repas et de boissons constitue l’activité principale de l’entreprise. Le pourvoi est dès lors rejeté.

Intérêt de la décision

Cette très longue affaire, relative à une période de 5 ans (1999-2004), trouve ici son aboutissement.

L’on rappellera la règle en la matière, étant que le ressort de la commission paritaire compétente est déterminé par son activité principale, sauf autres critères fixés par l’arrêté d’institution. La Cour du travail de Bruxelles avait, dans son arrêt du 5 septembre 2012, relevé que tout ce qui aurait pu être considéré comme activité hôtelière (hébergement) était un accessoire obligé du projet de l’Ecole et qu’il ne pouvait de ce fait pas être conclu à une activité dépendant de l’industrie hôtelière. Elle avait également insisté sur un élément particulier, étant que le critère régulier à rechercher, et ce quel que soit le type de service rendu dans le secteur HORECA, est celui du service rendu contre paiement.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be