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Décès de l’assuré social et indu de mutuelle : conditions de la dispense d’inscription

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 mars 2015, R.G. 2013/AB/773

Mis en ligne le lundi 6 juillet 2015


Cour du travail de Bruxelles, 18 mars 2015, R.G. n° 2013/AB/773

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 18 mars 2015, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’en cas de paiement à un débiteur qui n’est ni l’assuré social lui-même ni la succession, la suspension du délai de deux ans dans lequel doit intervenir la récupération des prestations payées indument ne trouve pas à s’appliquer.

Les faits

Le litige concerne le paiement d’indemnités versées par un organisme assureur pour un de ses affiliés, pour le mois de son décès. Celui-ci est intervenu le 9 du mois et se pose ainsi la question d’un indu pour la période du 10 au 31.

Des démarches sont faites en vue d’identifier les héritiers ainsi que l’organisme bancaire. Ce dernier refuse de faire droit à la demande de remboursement.

La veuve a, pour sa part, renoncé à la succession et le curateur désigné par le tribunal de première instance, vu la succession vacante, a tenté de récupérer les fonds via une assurance-vie. En fin de compte, l’organisme assureur sollicite la dispense d’inscription en frais d’administration. L’INAMI refuse celle-ci.

Une procédure est dès lors engagée devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui met la décision de l’INAMI à néant.

Suite à l’appel de celui-ci, la cour du travail est saisie.

Décision de la cour

La cour aborde longuement les conditions de la dispense d’inscription en frais d’administration dans le chef d’une mutuelle.

Le siège de la matière git aux articles 325 à 327 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 exécutant la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Est ainsi prévue en premier lieu l’obligation d’inscrire le montant des prestations payées indument dans un compte spécial dans un délai déterminé, étant avant la fin du trimestre qui suit celui au cours duquel l’organisme assureur a lui-même constaté le caractère indu du paiement.

Il doit en outre récupérer l’indu dans un délai de deux ans à partir de la constatation. Ce délai peut être suspendu et une des hypothèses visées concerne le décès de l’affilié. La suspension court à partir de la date du décès jusqu’à celle de la déclaration de la succession ou de la désignation du curateur à succession vacante.

L’O.A. doit, à l’expiration de ce délai, prendre l’indu en charge s’il n’a pas été remboursé. Il est alors inscrit dans les frais d’administration. Une dispense peut alors être sollicitée.

Les conditions de celle-ci sont fixées à l’article 327 de l’arrêté royal, qui prévoit notamment que la demande doit être introduite par lettre recommandée à la poste à la fin du délai de trois mois qui suit l’expiration des délais ci-dessus.

Pour la cour du travail, qui renvoie à la jurisprudence (dont l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2008, n° S.06.0097.F), le délai dans lequel la demande de dispense doit être introduite (étant les trois mois à l’échéance du délai de récupération) est un délai préfix établi à peine de déchéance.

Cette dispense ne peut par ailleurs être accordée par l’INAMI que si l’ensemble des conditions énumérées à l’arrêté royal sont remplies.

La cour examine dès lors les faits, à la lumière de ces principes. Eu égard à la chronologie des événements, elle constate que la demande de dispense d’inscription a été introduite au-delà du délai.

Reste cependant à départager les parties, l’INAMI soutenant qu’il n’y a pas de cause de suspension admissible (entre la date du décès et la désignation du curateur à succession vacante), s’agissant d’un paiement fait après le décès et la mutuelle faisant pour sa part valoir qu’elle ignorait l’identité de la personne ayant encaissé l’indu et que ce délai n’avait dès lors pas commencé à courir.

Pour la cour du travail, il y a eu un paiement indu dès l’origine, peu importe qui a effectivement encaissé la somme indument versée. Le point de départ du délai de deux ans devait dès lors être fixé lorsque l’indu a été constaté. Par ailleurs, l’indu se rapportant à une période postérieure au décès, il n’a pas pu être fait à l’assuré social (non plus qu’à la succession), le débiteur de l’indu est donc le « tiers indélicat » selon les termes de l’arrêt, qui renvoie à d’autres décisions (dont C. trav. Bruxelles, 29 avril 2013, R.G. n° 2011/AB/953). Il ne peut dès lors y avoir suspension du délai.

Elle en conclut que la demande de dispense est manifestement tardive.

Intérêt de la décision

La question ici posée à la cour touche à la fois la problématique de la demande de dispense d’inscription en frais d’administration et également l’hypothèse plus spécifique du décès de l’assuré social.

La cour du travail souligne très judicieusement que les indemnités se rapportant à une période postérieure à ce décès ne peuvent être considérées avoir été payées à l’assuré social ou à sa succession, celle-ci étant « clichée à la date du décès ». Un paiement fait après celui-ci est dès lors fait directement auprès d’un héritier ou d’un tiers personnellement. Il peut être renvoyé, pour ce type de situation, à un arrêt de la Cour du travail de Mons du 4 mars 2009 (R.G. n° 20.885) sur la notion de recel successoral, dans l’hypothèse où des fonds ont été perçus par un héritier et n’ont pas été restitués à la masse successorale. La Cour du travail de Mons y avait rappelé que le recel successoral est la détention ou le détournement frauduleux au détriment d’un héritier.

Par ailleurs, dans une décision du 6 août 2012 (C. trav. Bruxelles, 6 août 2012, R.G. n° 2006/AB/49.199), la cour du travail de Bruxelles avait rappelé, force jurisprudence à l’appui, les conditions de dispense d’inscription en frais d’administration en cas d’impossibilité de récupération d’indu. L’affaire ne concernait pas le décès de l’assuré social mais les principes sont les mêmes, eu égard à la condition de célérité exigée dans la récupération de l’indu. La célérité signifie que la crainte existe que la récupération de la créance soit mise en péril par l’insolvabilité actuelle ou future menaçant le débiteur ou par celle que ce dernier se préparerait d’organiser. Le manque de diligence de l’organisme assureur à poursuivre la récupération ne peut faire obstacle à la dispense que dans la mesure où il a pu influencer cette récupération.


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