Terralaboris asbl

Qu’en est-il d’un licenciement décidé par le curateur lorsque la faillite est ensuite rapportée ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 décembre 2014, R.G. 2013/AB/69

Mis en ligne le mardi 5 mai 2015


Cour du travail de Bruxelles, 10 décembre 2014, R.G. n° 2013/AB/69

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 décembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que le curateur lie le failli et que les actes qu’il accomplit en cette qualité ne sont pas mis à néant par l’effet de la rétractation de la faillite.

Les faits

Un employé est licencié suite à une faillite par le curateur désigné. il introduit une déclaration de créance auprès du tribunal du commerce.

Ultérieurement, la faillite est rapportée et la société refuse à la fois de reprendre l’intéressé et de lui payer une indemnité.

Une procédure est introduite en paiement de celle-ci ainsi que d’arriérés de rémunération et d’autres avantages.

La société appelle l’Etat belge en intervention forcée aux fins de la garantir des condamnations qui seraient prononcées à son égard.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 21 août 2012, le Tribunal du travail de Nivelles statue sur l’action principale et condamne la société au paiement des sommes réclamées, réservant cependant à statuer sur l’action de la société.

Appel est interjeté devant la Cour du travail de Bruxelles.

Position des parties devant la cour

La société fait valoir que la faillite a été prononcée à tort, les conditions légales n’étant pas réunies. La société fait en effet valoir qu’elle disposait d’actifs circulant importants, bien supérieurs au passif exigible et qu’il n’y avait dès lors pas cessation de paiement persistant ni ébranlement du crédit.

La société expose avoir appelé l’Etat belge à la cause, vu que les magistrats ayant déclaré la faillite avaient commis une faute dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, une telle faute étant susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat belge sur pied des articles 1382 et 1383 du Code civil. Elle en conclut que c’est l’Etat belge qui est responsable du licenciement de l’employé, puisque la décision de rompre fut prise par le curateur.

Décision de la cour du travail

La question posée amène la cour à rappeler le rôle et les responsabilités du curateur de faillite. Tel que repris dans la doctrine de I. VEROUGSTRAETE (I. VEROUGSTRAETE, Manuel de la continuité des entreprises et de la faillite, Kluwer Bruxelles, 2010-2011, p. 399 et s.) : le curateur lie le failli et les actes qu’il accomplit en cette qualité (vente de marchandises ou d’immeubles) ne sont pas mis à néant par l’effet de la rétractation.

Ceci vise non seulement les biens du failli mais également les actes accomplis par le curateur puisqu’il agit aux droits du failli ou comme « représentant du failli » ainsi, lorsqu’il exécute ou résilie les contrats en cours. Les actes du curateur sont dès lors opposables à la société.

La faillite ne mettant pas fin automatiquement aux contrats de travail en cours, le curateur est tenu, en vertu de l’article 40 de la loi sur les faillites, d’administrer celle-ci en bon père de famille. Ainsi, la cour rappelle particulièrement l’article 57 de la loi, selon lequel il est tenu d’accomplir tous les actes utiles à la conservation des droits du failli et ce sous sa responsabilité personnelle.

La cour constate que le curateur n’a pas été cité en intervention et garantie et que d’ailleurs aucune faute n’est établie dans son chef.

Elle conclut également que la demande contre l’Etat belge n’est pas fondée.

La cour va, dès lors, examiner le bien-fondé des chefs de demande et allouer les montants dus. Elle confirme, enfin, que les intérêts sont dus en vertu de l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération, à dater de l’exigibilité des montants.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle la doctrine sur la question : les actes du curateur ne sont pas mis à néant par l’effet de la rétractation de la faillite. Ainsi, le curateur représente le failli lorsqu’il exécute ou résilie les contrats en cours. Il est considéré fictivement comme ayant cause du failli dans la mesure où il agit dans les limites de ses pouvoirs.

En ce qui concerne les engagements pris par le failli, l’on peut utilement renvoyer à un arrêt de la même cour (C. trav. Bruxelles, 10 juin 2014, R.G. n° 2012/AB/916), sur la question. La cour du travail renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 24 février 1992, R.G. n° 9.265), selon laquelle la faillite ne met pas fin de plein droit aux contrats conclus et aux engagements souscrits par le failli. Ainsi, dans l’hypothèse tranchée par la cour du travail dans cet arrêt du 10 juin 2014, une action était introduite contre la curatelle eu égard à une promesse de réengagement fait par une société à l’issue d’une période de travail pour compte d’une société tierce. La faillie y considérait que ces promesses avaient été dissoutes par la faillite. La cour du travail avait rappelé que celle-ci ne met pas fin de plein droit aux contrats conclus et aux engagements souscrits par la société faillie.


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