Terralaboris asbl

Charte de l’assuré social : sanction d’un manquement à l’obligation d’information (secteur AMI)

Commentaire de C. trav. Mons, 8 janvier 2015, R.G. 2013/AM/314

Mis en ligne le vendredi 10 avril 2015


Cour du travail de Mons, 8 janvier 2015, R.G. n° 2013/AM/314

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 8 janvier 2015, la Cour du travail de Mons examine le lien causal entre la faute (manquement à l’obligation d’information) d’un organisme assureur et le dommage subi par l’assuré social.

Rétroactes

Dans un arrêt du 22 mai 2014 (précédemment commenté), la Cour du travail de Mons avait réservé à statuer en ce qui concerne les effets d’un manquement dans le chef d’un organisme assureur à l’obligation d’une information correcte à l’assuré social, eu égard d’une part au non-respect de la réglementation par l’assuré social (reprise d’activités sans l’autorisation du médecin-conseil) et, d’autre part, à l’existence d’une faute dans le chef de l’O.A. (absence de traitement d’une information dans un délai raisonnable).

Les faits concernaient la situation d’un assuré social qui avait effectué une tentative de reprise du travail sans autorisation du médecin-conseil, l’organisme assureur ayant, après convocation de l’intéressé pour un examen médical, notifié la fin de l’incapacité de travail et réclamé un indu de plus de 14.600 €.

L’arrêt du 22 mai 2014

Dans ce premier arrêt, la cour du travail a constaté la reprise d’activités, ainsi, dès lors, que le bien-fondé de la décision de récupération.

Même si l’organisme assureur pouvait se voir reprocher un manquement dans la gestion du dossier, la cour a jugé que cette faute ne pouvait entraîner l’annulation de la décision.

L’intéressé ayant, cependant, formé une demande sur pied de l’article 1382 CC, la cour précise que le principe de légitime confiance ne permet pas de déroger à une disposition d’une réglementation d’ordre public, mais qu’une telle action, fondée sur les règles en matière de responsabilité, peut être admise et qu’il peut donc y avoir réparation.

La cour reprend, dans ce premier arrêt, les principes contenus dans la Charte, relatifs à l’obligation d’information et conclut qu’il y a une faute dans le chef de l’organisme assureur, celui-ci ayant reçu une information de la part de l’intéressé et cette information pouvant avoir une influence sur le maintien ou l’étendue de ses droits aux indemnités. La cour constate que l’organisme assureur était tenu de réagir dans un délai raisonnable et de l’informer des démarches à faire, ainsi que des obligations à respecter pour sauvegarder ses droits.

La cour fixe cependant une réouverture des débats aux fins d’apprécier le dommage réparable. Elle reprend déjà le principe selon lequel la réparation en nature n’est pas possible en la matière, eu égard au principe de légalité.

L’arrêt du 8 janvier 2015

Cet arrêt porte essentiellement sur le dommage de l’intéressé, dommage en relation causale avec la faute de l’organisme assureur.

Pour l’assuré social, le dommage est constitué des indemnités versées pendant une période d’environ 17 mois, eu égard au remboursement demandé, ainsi qu’à la perte de son statut VIPO (et au remboursement des soins de santé correspondants). Il réclame dès lors, au titre de réparation du dommage, condamnation de l’organisme assureur à la totalité des indemnités dont le remboursement est demandé (montant de l’ordre de 14.600 €), ainsi que des prestations de soins de santé (montant de près de 500 €).

Après avoir repris les points tranchés dans son arrêt précédent, la cour rappelle que l’indu est susceptible de constituer un dommage réparable.

Il faut cependant qu’il y ait un lien de causalité, celui-ci existant si le dommage – tel qu’il s’est réalisé – ne serait pas produit de la même manière et en l’absence de la faute (la cour renvoyant à plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont Cass., 12 janvier 2007, C.05.00890.N).

Il faut, en conséquence, examiner quelle aurait été la situation si l’organisme assureur n’avait pas manqué à ses obligations, c’est-à-dire s’il avait traité l’information capitale normalement et informé l’assuré social de ses droits et de ses obligations.

S’agissant d’une reprise d’activité pour une courte période, dont il ne fut informé qu’ultérieurement, la cour constate qu’un traitement normal du dossier aurait néanmoins laissé cette première situation inchangée, la reprise étant intervenue sans l’autorisation du médecin-conseil.

Cependant, si le délai raisonnable du traitement du courrier – que la cour évalue à un mois – avait été respecté, l’indu aurait été limité et l’intéressé n’aurait pas effectué une deuxième tentative de reprise du travail (celle-ci intervenant pour une période un peu plus longue, toujours sans autorisation préalable).

La cour reprend dès lors la date à laquelle il a reçu le courrier et y ajoute un mois. Ceci constitue la fin du délai raisonnable. La période ultérieure, à savoir jusqu’au moment où il réagit, est la date de la seconde reprise d’activité, la cour constatant que, pour la période correspondant à cette deuxième tentative de reprise, l’assuré social a bénéficié d’une rémunération et qu’il ne pouvait dès lors prétendre à des indemnités également.

A la période ci-dessus, s’ajoute également celle séparant la fin de la deuxième tentative de reprise du travail à la date à laquelle l’organisme assureur a réagi.
Par ailleurs, elle rejette le poste relatif aux prestations de santé, considérant qu’aucun lien causal n’est ici prouvé.

Le dommage réparable est ainsi fixé à un montant de l’ordre de 9.500 € et l’organisme assureur est condamné à des dommages et intérêts de ce montant.

Intérêt de la décision

Cet arrêt présente un intérêt évident, étant de rappeler le principe du dommage réparable, dans l’hypothèse d’une faute commise par une institution de sécurité sociale. Vu le principe de légalité, le juge ne peut admettre une réparation en nature. Il doit dès lors condamner l’intéressé à rembourser les indemnités indues, cet indu pouvant cependant (en tout ou en partie), constituer un dommage réparable sur pied de l’article 1382 du Code civil. En l’espèce, l‘arrêt admet également que le traitement normal d’une information reçue par l’organisme assureur est d’un délai d’un mois, délai dans lequel il eut été possible – et normal – de répondre au courrier de l’intéressé.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be