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Accident du travail dans le secteur public : point de départ de la prescription de l’action judiciaire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 septembre 2014, R.G. 2012/AB/891

Mis en ligne le mardi 24 mars 2015


Cour du travail de Bruxelles, 22 septembre 2014, R.G. n° 2012/AB/891

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 22 septembre 2014, la Cour du travail de Bruxelles rappelle d’une part les règles de prescription dans le secteur public, telles que prévues à l’article 20, 1er alinéa de la loi du 3 juillet 1967 et, d’autre part, celles régissant l’extension d’une demande en justice.

Faits et rétroactes

Un organisme assureur introduit une action subrogatoire contre un employeur public, et ce sur pied de l’article 136, § 2 de la loi coordonnée le 10 juillet 1994. La mutuelle, subrogée dans les droits d’un de ses affiliés, réclame le montant de ses interventions, dans le cadre d’une période d’incapacité temporaire consécutive à un accident du travail. Les débours sont de l’ordre de 27.000 €.

La procédure

La cour du travail a rendu, précédemment, deux arrêts, l’un le 28 octobre 2013, accueillant l’appel et rouvrant les débats sur la loi applicable. La victime était en effet au service d’une administration communale et la cour pose la question de savoir s’il y a lieu à application de la législation en vigueur dans le secteur public ou dans le secteur privé et, dans l’hypothèse où la loi du 3 juillet 1967 trouve à s’appliquer, la cour demande aux parties de préciser ce qu’il en est des règles qu’elle contient sur le plan de la prescription dans le cadre de la présente affaire.

La cour rend alors un deuxième arrêt avant dire droit le 7 avril 2014, dans lequel elle demande aux parties de préciser quelle(s) décision(s) administrative(s) constitue(nt) la décision litigieuse au sens de l’article 20, 1er alinéa de la loi du 3 juillet 1967, et, en conséquence, d’examiner si l’action de l’organisme assureur ne se trouverait pas, eu égard au point de départ retenu, totalement ou partiellement prescrite.

Dans l’arrêt commenté du 22 septembre 2014, la cour vide sa saisine.

Elle rappelle en premier lieu les règles applicables concernant la prescription, étant les termes de l’article 20, 1er alinéa de la loi du 3 juillet 1967 applicable dans le secteur public, selon lequel les actions en paiement des indemnités se prescrivent par 3 ans à dater de la notification de l’acte juridique administratif contesté. Renvoyant à la circulaire n° 457 du SPF Fonction publique du 10 février 1998, la cour ajoute que l’on entend par là toute décision qui serait prise par l’employeur ou le service médical pendant la durée de la procédure administrative. Selon la Cour de cassation (Cass., 4 juin 2007, n° S.06.0082.F), la décision administrative peut consister dans la proposition du service médical lorsque la demande en paiement des indemnités est introduite avant que la décision soit prise par l’autorité. Ces deux types de décision peuvent constituer le point de départ du délai de prescription, ce qui implique que le moment où le délai de prescription commence à courir peut être différent selon la décision administrative contestée.

La cour constate qu’en l’espèce, le point de départ peut consister dans la décision du service de santé administratif (MEDEX). Cette décision date du 18 juillet 2003. Elle a déterminé la date de consolidation ainsi que le taux d’incapacité permanente.

L’organisme assureur a introduit une intervention volontaire dans la procédure en novembre 2004, de telle sorte que sa demande ne peut être considérée comme prescrite. Il en va en tout cas ainsi des états de débours dont le remboursement est sollicité pendant le délai de 3 ans (ceux qui sont ultérieurs l’étant cependant). La cour rappelle en effet que, pour ce qui est de la demande en remboursement de frais, celle-ci est soumise à un délai de 3 ans, qui prend cours au moment où les frais ont été exposés. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation et est ici rappelé l’arrêt du 18 juin 2001 (Cass., 18 juin 2001, R.G. S.99.0184.F).

La cour examine encore la question de savoir si la prescription – constatée pour une partie de la demande – n’a pas pu être interrompue par la requête en intervention volontaire du 12 novembre 2004. Pour la cour, l’action en justice interrompt la prescription non seulement pour les chefs de demande qui y figurent, mais pour ceux qui sont également compris virtuellement dans l’acte introductif (rappelant ici plusieurs arrêts de cassation, dont Cass., 24 avril 1992, R.G. 7673 et Cass., 7 mai 2001, R.G. S.00.0047.N). Pour la cour, la question à résoudre est dès lors de savoir si la demande de remboursement de frais médicaux est virtuellement comprise dans celle figurant dans la requête en intervention volontaire, celle-ci n’ayant visé qu’un montant provisionnel non autrement identifié.

Elle rappelle par ailleurs que, dans le cadre de l’action subrogatoire, l’organisme assureur peut exercer les droits de son affilié, mais uniquement dans la mesure où celui-ci peut lui-même les exercer à l’égard de l’autorité. En l’espèce, s’agissant d’indemnités d’incapacité temporaire, la victime de l’accident est autorisée à réclamer celles-ci à l’employeur, conformément à l’article 3bis de la loi du 3 juillet 1967 et ce droit existe, dès lors, également dans le chef de l’organisme assureur subrogé.

La cour va dès lors admettre que ce dernier puisse récupérer ses débours, l’administration communale étant condamnée à les rembourser. Par contre, la demande de remboursement de frais est rejetée pour le motif ci-dessus.

Intérêt de la décision

L’intérêt essentiel de cet arrêt, qui statue dans la problématique délicate de la prescription de l’action en paiement d’indemnités dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967, est de rappeler l’existence de la circulaire n° 457 du 10 février 1998 du Ministère de la Fonction publique. Celle-ci concerne l’application de diverses réformes apportées à la loi du 3 juillet 1967 sur la réparation des accidents du travail dans le secteur public et particulièrement elle vise les questions de prescription et de non-indexation de certaines rentes. La circulaire rappelle que la Cour de cassation avait décidé que le point de départ de la prise de cours du délai était le début de l’incapacité temporaire, qui coïncide le plus souvent avec le jour de l’accident. Vu les spécificités liées à la procédure administrative dans le secteur public, la circulaire précise que, depuis sa modification par la loi du 20 mai 1997 portant diverses mesures en matière de fonction publique, l’article 20, alinéa 1er de la loi du 3 juillet 1967 se lit de la manière suivante : les actions en paiement des indemnités se prescrivent par 3 ans à dater de la notification de l’acte juridique administratif contesté. Selon la circulaire, l’on entend par là toute décision qui serait prise par l’employeur ou le service médical pendant la durée de la procédure administrative. Elle précise que, ces décisions restant des actes préparatoires, elles ne sont toujours pas susceptibles d’être déférées à la censure du Conseil d’Etat.

C’est sur la base de cette circulaire qu’il est ainsi souvent admis qu’un acte préparatoire (étant généralement une décision du MEDEX) peut constituer le point de départ du délai de prescription.

L’on notera cependant que, dans l’arrêt du 4 juin 2007 cité, la Cour de cassation avait précisé que l’acte juridique administratif dont la notification constitue le point de départ de la prescription prévue audit article 20, alinéa 1er, n’est pas exclusivement la décision de l’autorité visée (dans le cas de l’espèce, s’agissant d’un membre du personnel soumis à celui-ci) à l’article 10 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 mais peut, lorsque la demande en paiement des indemnités est introduite avant que (nous soulignons) cette décision n’ait été prise, consister en la proposition du service médical visée aux articles 8 et 9 du même arrêté.


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