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Personnel au service d’un poste consulaire : conditions d’application du Règlement n° 1408/71 eu égard à son objectif général

Commentaire de C.J.U.E., 15 janvier 2015, Aff. n° C-179/13

Mis en ligne le lundi 9 mars 2015


Cour de Justice de l’Union européenne, 15 janvier 2015, Aff. n° C-179/13

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de Justice de l’Union européenne répond à une question posée par une juridiction néerlandaise quant à l’application du Règlement n° 1408/71 au personnel administratif et technique d’un poste consulaire d’un Etat tiers, s’agissant d’un ressortissant d’un autre Etat membre de l’Union européenne.

Les faits

Une citoyenne de nationalité britannique s’installe en 1973 aux Pays-Bas. Après un passage dans le privé, elle travaille au Consulat général du Royaume-Uni à Rotterdam et, ensuite, à celui des Etats-Unis à Amsterdam. Elle est membre du personnel administratif et technique au sens de l’article 1er, § 1, e) de la Convention de Vienne du 24 avril 1963. Elle bénéficie d’une assurance maladie auprès d’une compagnie privée d’assurances néerlandaise. Elle s’est également vu octroyer le statut privilégié prévu par ladite Convention, étant ainsi exemptée de la plupart des impôts et des cotisations sociales. En revanche, elle n’a été affiliée à aucune branche de la sécurité sociale néerlandaise.

L’administration lui demande en 1999 de faire un choix entre le maintien de ce statut et son affiliation pour l’avenir au régime général national de sécurité sociale. Elle maintient le choix du statut.

Neuf ans plus tard, s’inquiétant du montant de sa future pension, elle prend contact avec les autorités, qui lui indiquent que la période d’occupation au service du Consulat des Etats-Unis ne sera pas prise en compte. Pour l’Office néerlandais des pensions, le Règlement n° 1408/71 n’est pas applicable, les Etats-Unis n’étant pas un Etat membre de l’Union européenne. En vertu de la réglementation néerlandaise, les agents consulaires et les membres du personnel administratif ne sont pas assurés dans le régime de la sécurité sociale, sauf s’ils avaient la nationalité néerlandaise.

Une procédure est introduite par l’intéressée.

Le tribunal saisi a rendu un jugement le 15 mars 2011, considérant que l’intéressée devait être réputée assurée pour toute la durée de son occupation, l’article 3 du Règlement n° 1408/71 imposant d’assimiler la nationalité britannique de celle-ci à la nationalité néerlandaise, et a estimé qu’elle devait être considérée comme résidente permanente, son statut privilégié n’ayant aucune incidence.

Appel a été interjeté par l’administration. La Cour d’appel a alors interrogé la Cour de Justice sur la question de savoir s’il y avait en l’espèce discrimination directe ou indirecte en raison de la nationalité et, subsidiairement, si, en cas de discrimination indirecte, celle-ci serait justifiée. Le juge national demande s’il y a lieu d’interpréter les articles 2 et/ou 16 du Règlement 1408/71 en ce sens qu’une ressortissante d’un Etat membre qui a fait usage du droit de libre circulation qui est le sien, qui a relevé de la législation néerlandaise en matière de sécurité sociale et qui a ensuite travaillé pour le Consulat général des Etats-Unis aux Pays-Bas, ne relève plus du champ d’application personnel de ce règlement depuis le début de cette dernière activité. En cas de réponse négative, il pose la question de savoir si l’absence d’affiliation obligatoire aux assurances sociales et de paiement de cotisations, lié à l’application du statut privilégié, doit être considérée comme une justification suffisante de la distinction opérée en raison de la nationalité. La Cour demande également si le fait que l’intéressée a confirmé qu’elle choisissait de conserver ce statut a une incidence.

La décision de la Cour

La Cour rappelle tout d’abord que le droit de l’Union ne porte en principe pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, vu l’absence d’harmonisation des règles au niveau européen.

Le droit international de l’ordre juridique de l’Union et il lie les institutions de celle-ci. La Convention de Vienne codifie le droit des relations consulaires. Concernant la sécurité sociale applicable au personnel consulaire, elle prévoit que les membres d’un tel poste sont exemptés des dispositions de sécurité sociale de l’Etat de résidence tout en admettant que, s’ils sont ressortissants ou résidents permanents de celui-ci, ils bénéficient des facilités, privilèges et immunités, dans la mesure où l’Etat les leur reconnaît.

En ce qui concerne les Pays-Bas, la réglementation prévoyait, pour la période antérieure au 1er août 1987, que les fonctionnaires et les agents consulaires non néerlandais n’étaient pas assurés au titre des assurances sociales. Pour la période postérieure à cette date, les résidents permanents y étaient assurés et un régime d’option pour les membres du personnel entrés en fonction avant le 1er août 1987 était prévu (leur permettant de ne pas être assurés, régime en faveur duquel l’intéressée a opté). Pour ce qui est dès lors de celle-ci, la Cour conclut qu’elle n’était, pour la période où elle a été employée pour le poste consulaire d’un Etat tiers, pas soumise à la législation de sécurité sociale des Pays-Bas et qu’elle n’entrait pas, partant, dans le champ d’application du Règlement.

La Cour réaffirme encore la règle selon laquelle il appartient à la législation de chaque Etat membre de déterminer les conditions de l’existence du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale. Aucune disposition du Règlement 1408/71 n’a pour effet de conférer aux ressortissants des Etats membres employés dans des postes consulaires d’Etats tiers et non soumis à la législation de sécurité sociale d’un Etat membre un droit d’affiliation au système de sécurité sociale de celui-ci.

Il faut dès lors, pour la Cour, considérer qu’en vertu de l’article 2 du Règlement 1408/71 (combiné avec l’article 16), le ressortissant en cause n’est pas soumis à la législation d’un Etat membre si, en vertu de la législation de l’Etat de résidence, il n’est pas affilié au régime national de sécurité sociale.

Intérêt de la décision

Cet arrêt statue sur la détermination de la législation applicable en matière de sécurité sociale, dans l’hypothèse de prestations au service d’un consulat d’un Etat non-membre de l’Union européenne.

La Cour statue dans le cadre des Règlements CE n° 1612/68 (article 7) et 1408/71 (articles 2, § 1er (champ d’application personnel), 3 (égalité de traitement) ainsi que 4 (champ d’application matériel)). Le Règlement 1408/71 prévoit également (article 16) des règles spéciales pour les personnes occupées par les missions diplomatiques et consulaires, ainsi que pour le personnel auxiliaire de l’Union européenne. Les ressortissants d’un Etat membre (Etat accréditant ou Etat d’envoi) peuvent opter pour la législation de celui-ci.

Dans son avis rendu en date du 19 juin 2014, l’Avocat général WAHL avait relevé que la Cour n’avait jamais traité de la situation spécifique d’une relation de travail entre un travailleur et une autorité étrangère occupée à son ambassade ou son consulat dans un Etat membre, Etat dont le travailleur n’est pas un ressortissant.

L’Avocat général avait proposé plusieurs angles d’analyse de la question et pointé la circonstance que l’intéressée s’était vu offrir la possibilité en 1999 d’opter pour le régime de sécurité sociale néerlandais, ce qu’elle avait refusé. Pour l’Avocat général, le pouvoir d’appréciation quant à l’applicabilité de la législation nationale revient en fin de compte aux personnes dans la situation de l’intéressée, puisqu’elles ont eu le choix de conserver leur statut privilégié ou de s’affilier au régime de sécurité sociale néerlandais. M. L’Avocat général précise qu’un tel choix ne peut cependant affecter la légalité du pouvoir d’appréciation que conservent les Etats sur ce point en vertu du droit international (point 54).

Après avoir rappelé que l’objectif général du Règlement n° 1408/71 consiste à coordonner les législations en matière de sécurité sociale des Etats membres dans un contexte intra-Union) (point 62), M. l’Avocat général conclut que l’inclusion automatique des personnes qui travaillent dans les ambassades et la consulats de puissances étrangères dans le champ d’application de la coordination des régimes de sécurité sociale établie par le Règlement n° 1408/71 (ou même une simple présomption à cet égard) serait difficile à concilier avec les exemptions des articles 33, § 1er et 48, § 1er de la Convention de Vienne (point 67). Il avait dès lors proposé comme réponse à la Cour de considérer que le Règlement ne s’applique pas pour la période d’occupation visée à un ressortissant d’un Etat membre occupé dans un autre Etat membre en tant que membre du personnel administratif et technique d’un poste consulaire d’un Etat tiers si, eu égard à la législation de l’Etat d’accueil, conformément à l’article 71 (/2) de la Convention de Vienne, cette personne est exclue de son régime de sécurité sociale.

Il avait également répondu brièvement sur la question de la discrimination, considérée comme une deuxième branche de l’alternative de la question posée par le juge néerlandais, étant la possibilité d’être en présence d’une discrimination sur la base du critère de nationalité.


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