Terralaboris asbl

Délai de prescription de l’action en paiement de l’allocation d’incapacité permanente

Commentaire de Cass., 12 mai 2014, n° S.13.0020.F

Mis en ligne le lundi 29 décembre 2014


Cour de cassation, 12 mai 2014, R.G. n° S.13.0020.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 mai 2014, la Cour de cassation a considéré, sur la question du délai de l’action en paiement de l’allocation d’incapacité permanente en cas de maladie professionnelle, qu’aucune disposition des lois coordonnées ni de la Charte de l’assuré social n’exclut l’application de l’article 2277 du Code civil. Celui-ci est dès lors la règle.

Rétroactes

Le litige porte sur la limitation ou non du paiement des arriérés d’allocations annuelles à cinq ans à dater de l’acte introductif d’instance, dès lors qu’est reconnue une maladie professionnelle entraînant le droit à des indemnités. En l’espèce, celle-ci remonte à l’année 2000.

L’arrêt de la Cour du travail de Liège

La cour du travail a rendu un arrêt, en date du 17 avril 2012, se prononçant sur la question, eu égard à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 janvier 2007 (arrêt n° 25/2007).

L’article 35, alinéa 2 des lois coordonnées le 3 juin 1970 fixe en effet la règle selon laquelle l’allocation ne peut prendre cours au plus tôt que 120 jours avant la date de l’introduction de la demande. Or, dans l’arrêt précité la Cour constitutionnelle a considéré que cette disposition était discriminatoire, dans la mesure où elle n’existait pas dans le secteur public. Il y a, dès lors, lieu de faire application de la disposition mais non de la partie du texte fixant le droit à l’allocation de 120 jours au plus tôt avant la date d’introduction de la demande.

L’assuré social demandait en l’espèce que les indemnités lui soient allouées depuis le début de son incapacité, tandis que le Fonds sollicitait la limitation du paiement des arriérés à cinq ans à partir de l’acte introductif d’instance, et ce faisant application de l’article 2277 du Code civil.

La cour du travail rappela que, en application de l’article 2277 du Code civil, qui prévoit une règle de prescription, celle-ci, d’une durée de cinq ans, s’applique en principe dans tous les cas où la dette a pour objet des prestations ou des revenus payables par année ou à des termes périodiques plus courts. Elle précisa qu’il ne peut être contesté que l’allocation pour incapacité permanente est payable en principe annuellement et que la règle de prescription prévue par le Code civil concerne la demande de réparation ou l’action en réparation et que celle-ci ne détermine nullement la date de la reconnaissance du début de l’incapacité. Elle précisa encore que la prescription extinctive n’affecte pas l’existence de la dette mais seulement son exigibilité.

Dans la mesure où l’article 35, alinéa 2 des lois coordonnées détermine la date à laquelle l’allocation doit prendre cours mais qu’il ne précise pas le délai de prescription applicable, la dette doit dès lors, pour la Cour être soumise, quant à son exigibilité, à la prescription de l’article 2277 du Code civil.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre cet arrêt. Elle rappelle d’abord que l’article 2277 du Code civil s’applique aux actions en paiement de toutes les prestations payables de la manière qu’il indique (par année ou à des termes périodiques plus courts) qui ne sont pas soumises à des règles de prescription particulières. La prescription prend cours en règle au moment de la naissance de l’action, c’est-à-dire lorsque l’obligation sanctionnée doit être exécutée par le débiteur.

La Cour relève que les dispositions applicables, spécifiques au secteur des maladies professionnelles, à savoir l’article 35, alinéas 1er et 2 des lois coordonnées (qui disposent que l’allocation annuelle est due à partir du jour où l’incapacité présente le caractère de permanence), ainsi que l’article 1er, §§ 2 et 3 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 (qui prévoit le paiement mensuel ou trimestriel de l’allocation à terme échu), n’excluent pas l’application de l’article 2277 du Code civil en cas d’action en paiement de cette allocation.

Celui-ci n’est pas davantage exclu à l’article 52, alinéa 1er des lois coordonnées, qui prévoit que le FMP doit statuer sur la demande de réparation de l’assuré social, non plus que l’article 10, alinéa 1er de la Charte de l’assuré social, qui fixe le délai dans lequel le Fonds doit statuer.

Le pourvoi ayant par ailleurs visé dans une seconde branche la violation des articles 10 et 11 de la Constitution au motif d’une discrimination entre le secteur privé et le secteur public (dans lequel l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 prévoit un délai de prescription spécifique à l’action en paiement, étant un délai de trois ans, débutant à la date de la réception de la décision de l’autorité compétente), la Cour de cassation constate que la discrimination alléguée ne prend pas sa source dans l’article 2277 du Code civil mais dans l’abstention du législateur de prévoir dans le secteur privé une disposition comparable à cet article 20, alinéa 1er. S’agissant d’une lacune législative, la Cour de cassation rappelle qu’elle n’est tenue de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle que lorsqu’elle constate que celle-ci serait en mesure le cas échéant d’y remédier sans intervention du législateur. Tel n’est pas le cas en l’espèce et la Cour confirme que, en présence d’une telle lacune dans les textes, l’arrêt de la cour du travail pouvait légalement appliquer l’article 2277 du Code civil.

Intérêt de la décision

La question du point de départ du droit aux arriérés a fait l’objet de nombreuses décisions en jurisprudence.

Il suffit, à titre indicatif, de renvoyer à un arrêt très motivé de la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 10 décembre 2013, R.G. n° 2013/AM/116 et 2013/AM/128), qui – partant également du constat fait par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 30 janvier 2007 - avait conclu que la partie litigieuse de cette disposition légale ne devait pas être appliquée.

La cour du travail s’était dès lors tournée vers l’article 2277 du Code civil, considérant que, étant un mode général d’extinction des obligations, qui suppose une dette, la prescription extinctive atteint non pas la dette elle-même mais son exigibilité et que, à défaut de délai de prescription spécifique repris dans la loi coordonnée, il faut se référer à la prescription quinquennale.


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