Terralaboris asbl

Sanctions en matière de chômage : application dans l’hypothèse où une même intention délictueuse est retenue

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er octobre 2014, R.G. 2012/AB/1.202

Mis en ligne le jeudi 11 décembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 1er octobre 2014, R.G. n° 2012/AB/1.202

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er octobre 2014, la Cour du travail de Bruxelles statue sur les conditions d’application de l’article 65, alinéa 2 du Code pénal, dans l’hypothèse où deux sanctions sont prises, seule l’une d’entre-elles étant contestée.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage preste à temps partiel dans un restaurant. Il ne signale pas cette activité lors de sa demande d’allocations et, au contraire, précise ne pas exercer d’activité accessoire. Il biffe, cependant, à plusieurs reprises, sa carte de contrôle lors des journées de travail.

Lors d’un contrôle en mai 2010, il apparaît que la réglementation n’est pas correctement appliquée, dans la mesure où, si le travailleur a effectivement noirci sa carte à différentes reprises, il n’utilise pas la carte réglementaire (C3TP). Ayant été entendu, il fait l’objet d’une exclusion pour toute la période d’occupation, avec récupération des allocations non prescrites. Deux sanctions sont prises, la première étant une sanction pour une période de 26 semaines et l’autre pour une semaine (la deuxième sanction étant relative à la non-présentation de la carte de contrôle). L’indu est de l’ordre de 29.000 €.

Le tribunal du travail, statuant sur le recours, va le déclarer partiellement fondé, admettant le sursis de la première sanction pour 6 semaines.

Appel est interjeté par l’intéressé, qui demande de mettre à néant la décision de l’ONEm et, subsidiairement, de retenir sa bonne foi.

La décision de la cour

La cour va, à partir des éléments lui soumis, conclure qu’il ne s’agissait pas d’une occupation occasionnelle, l’intéressé travaillant d’ailleurs en plus des heures reprises sur son contrat de travail à temps partiel et n’ayant pas été en mesure, lors du contrôle, de présenter sa carte. La cour confirme dès lors l’exclusion pour la durée d’occupation. Sur la récupération, elle reprend les principes selon lesquels la bonne foi renvoie à l’absence de conscience du caractère indu des allocations au moment où le paiement est intervenu et estime que l’intéressé ne rapporte pas la preuve de celle-ci à suffisance de droit.

Sur les sanctions d’exclusion, la cour examine, à partir des articles 71 et 154 de l’arrêté royal, la situation lui soumise, étant que l’exclusion de 26 semaines vise l’absence de mention des activités exercées sur la carte de contrôle (sanction prise sur la base de l’article 154, alinéa 1er, 1°) et que la seconde est fondée sur le fait que l’intéressé n’a pas pu présenter sa carte de contrôle lorsqu’elle lui a été demandée (sanction fondée sur l’article 154, alinéa 1er, 2°), cette seconde sanction n’étant pas contestée et étant donc définitive.

La cour entreprend dès lors de répondre à l’argumentation de l’assuré social, qui considère que la sanction de 26 semaines ferait « double emploi » avec la sanction définitive et non contestée d’une semaine.

Après avoir rappelé que les faits à la base de ces sanctions sont matériellement différents, la cour constate que l’on peut retenir une même intention délictueuse, étant que les deux infractions résultent d’une même attitude de négligence face aux obligations relatives à la carte de contrôle. En l’espèce, une des deux sanctions n’étant pas contestée, la cour se tourne vers l’article 65, alinéa 2 du Code pénal, qui dispose que, s’il est constaté par le juge que des infractions ayant antérieurement fait l’objet d’une sanction définitive et d’autres faits dont il est saisi sont antérieurs à ladite décision et constituent avec les premières la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse, la peine doit être fixée en tenant compte des peines déjà prononcées.

Cette disposition permet de considérer que la première sanction est suffisante pour l’ensemble des infractions ou de compléter cette première sanction, mais que le maximum de la peine la plus forte ne peut être dépassé.

En l’espèce, une sanction d’une semaine n’est pas suffisante pour sanctionner adéquatement l’ensemble des infractions commises et, pour la cour, la limite à respecter est que l’ensemble des sanctions ne peut dépasser globalement le maximum de la peine la plus forte, étant l’exclusion de 26 semaines.

Il faut dès lors apprécier dans le cas d’espèce la gravité des manquements et la cour constate qu’ils se sont produits au cours d’une longue période. Elle relève également que, si l’intéressé avait fait état de son travail à temps partiel, il aurait pu bénéficier du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits et qu’il n’a pas, de ce fait, agi au mieux de ses intérêts, puisqu’il aurait pu obtenir une allocation de garantie de revenus. Il n’y a dès lors pas fraude, mais négligence. La cour revoit dès lors la sanction de 26 semaines, que le tribunal avait déjà allégée, admettant un sursis de 6 semaines. Pour la cour du travail, celle-ci peut être fixée à 12 semaines, l’ensemble des deux sanctions atteignant ainsi un total de 13 semaines.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est très nuancé, dans la mesure où, même si la bonne foi de l’assuré social n’est pas retenue (les conditions de l’absence de conscience n’étant pas présentes), la cour retient que – l’intéressé n’ayant pas agi au mieux de ses intérêts – il ne peut certainement y avoir intention frauduleuse d’obtenir des allocations auxquelles il n’aurait pas eu droit. Cet élément intervient dans l’appréciation de la sanction, celle-ci étant appliquée eu égard aux possibilités offertes par l’article 65, § 2 du Code pénal, dont la cour rappelle très judicieusement la portée : le juge peut soit considérer que la première sanction (définitive) est suffisante pour l’ensemble des infractions, soit compléter la première sanction, mais en veillant à ne pas excéder le maximum de la peine la plus forte.


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