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Charte de l’assuré social : un cas d’application en chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 septembre 2014, R.G. 2013/AB/987

Mis en ligne le mercredi 26 novembre 2014


Cour du travail de Bruxelles, 8 septembre 2014, R.G. n° 2013/AB/987

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 8 septembre 2014 la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’obligation d’information dans le chef des institutions de sécurité sociale n’est pas limitée aux hypothèses où une demande préalable et écrite est faite par un assuré social quant à l’étendue de ses droits et obligations mais qu’elle doit intervenir d’initiative.

Les faits

Une assurée sociale, bénéficiaire d’allocations de chômage, est reconnue en incapacité de travail et bénéficie ensuite de l’assurance maternité. Elle se trouve de nouveau en incapacité de travail et est indemnisée par sa mutuelle. Sa situation est ainsi régulière jusqu’à la date du 15 février 2011. Elle ne va, ensuite, être indemnisée ni par la mutuelle (aucune incapacité de travail n’étant enregistrée) ni par le chômage (étant radiée de la liste des demandeurs d’emploi) pendant deux mois. Les allocations lui sont à nouveau versées d’avril 2011 à octobre 2011 par la CAPAC et ce sur présentation de cartes C3. Il y alors arrêt du paiement des allocations.

En décembre, la CAPAC introduit auprès de l’ONEm une demande d’allocations à partir du 2 mai 2011, demande basée sur la force majeure (l’intéressée précisant qu’elle ne savait pas qu’elle devait se réinscrire après une période de 28 jours d’interruption). Cette demande de reconnaissance de force majeure, introduite aux fins d’obtenir une dérogation au délai d’introduction des dossiers, est rejetée par décision de l’ONEm du 6 janvier 2012. La CAPAC se retourne dès lors contre l’assurée sociale, en vue d’obtenir le remboursement des allocations payées.

Un recours est introduit par l’intéressée devant le tribunal du travail.

Décision du tribunal du travail

L’intéressée exposant qu’elle a été induite en erreur par la CAPAC, le tribunal conclut qu’il y effectivement manquement par la caisse à son devoir d’information. L’indu existe mais est limité.

L’intéressée interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelante fait valoir qu’elle n’a pas pu se rendre compte que son dossier n’était pas complet et fait valoir qu’il y a eu paiement des allocations par la caisse sans réserve. L’erreur de la caisse est admise mais l’intéressée considère que c’est à tort que le premier juge a quand-même mis à sa charge une partie des allocations à rembourser. Elle invoque à la fois la Charte de l’assuré social et l’article 167, § 4 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

La CAPAC ne forme pas d’appel incident.

Décision de la cour du travail

La cour procède en premier lieu au rappel de la réglementation. Après une interruption du bénéfice des allocations (soit une période non indemnisée de 28 jours consécutifs), une nouvelle demande d’allocations doit être introduite auprès de l’organisme de paiement par le travailleur. Le dossier complet doit parvenir au bureau de chômage dans un délai de deux mois prenant cours le lendemain du premier jour pour lequel les allocations sont demandées. En l’espèce, tel n’a pas été le cas. L’ONEm a notifié en date du 15 octobre 2011 une décision informant l’intéressée qu’elle n’avait pas droit aux allocations, les paiements effectués par la CAPAC n’ayant dès lors pas été autorisés. La cour pose en conséquence la question de savoir si l’intéressée doit rembourser ceux-ci.

En application de la Charte de l’assuré social, les institutions de sécurité sociale sont tenues de communiquer d’initiative à l’assuré social tout complément d’information nécessaire pour l’examen de sa demande ou le maintien de ses droits (article 3). Renvoyant à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 23 novembre 2009, n° S.07.0115.F), la cour rappelle que cette obligation ne se limite pas au seul cas où il y a une demande écrite et préalable. En l’espèce, la CAPAC a versé les allocations en l’absence d’autorisation valable de paiement et elle a manqué à son obligation d’informer l’intéressée qu’elle devait introduire une nouvelle demande. Il y a négligence fautive.

La cour constate encore que, après l’arrêt des paiements intervenus suite à la constatation de cette erreur, l’intéressée a effectué les démarches nécessaires et qu’au-delà de cette période le paiement a encore été poursuivi. Si, par contre, la réglementation avait été respectée et que la demande avait été réintroduite normalement, rien ne s’opposait au paiement des allocations, puisque l’ONEm aurait donné l’autorisation de paiement. Pour la cour, la totalité de l’indu est due à la négligence d »e la CAPAC et, en application de l’article 167, § 4, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, le remboursement ne peut être demandé.

Pour la cour, la caisse doit supporter seule les conséquences de sa négligence. Elle fait dès lors droit à l’appel.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est l’occasion de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation à propos de l’article 3 de la Charte de l’assuré social. Celui-ci dispose que les institutions de sécurité sociale sont tenues de fournir à l’assuré social qui en fait la demande écrite toute information utile concernant ses droits et obligations et de communiquer d’initiative à l’assuré social tout complément d’information nécessaire à l’examen de sa demande ou au maintien de ses droits.

Dans l’arrêt rendu le 23 novembre 2009, statuant en matière d’allocations familiales, la Cour de cassation a posé le principe qu’il ne suit pas de cette disposition que l’obligation pour l’institution de sécurité sociale de communiquer d’initiative à l’assuré social un complément d’information nécessaire à l’examen de sa demande ou au maintien de ses droits est subordonnée à la condition que cet assuré lui ait préalablement demandé par écrit une telle information. Le devoir d’information des institutions de sécurité sociale est, dès lors, compris comme étant un devoir d’initiative, avec obligation de proactivité.


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